Intervention de Bruno Sido

Réunion du 27 mars 2013 à 14h30
Versement des allocations familiales au service d'aide à l'enfance — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet après-midi est soumise à notre sagacité la proposition de loi de nos collègues Christophe Béchu et Catherine Deroche, qui reprend deux amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 importants pour la protection de l’enfance. Tout le monde sait le sort qui avait été réservé à ces amendements lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale…

Aujourd’hui, le poids budgétaire de l’aide sociale à l’enfance au regard des compétences sociales qu’exercent les départements rend l’examen de cette proposition de loi urgent.

Le texte établit le principe du versement des allocations familiales à la personne – physique ou morale – qui assume la charge effective de l’enfant, et donc à l’ASE lorsqu’il s’agit du conseil général.

Cette proposition de loi est légitime.

En effet, elle fait nettement ressortir le consensus dégagé au sein de l’Assemblée des départements de France par notre collègue Christophe Béchu et longtemps ignoré du Gouvernement : d’une part, elle répond à l’attente de solutions pérennes et durables quant au financement des allocations nationales de solidarité ; d’autre part, elle tire toutes les conséquences de la compétence des conseils généraux en matière de protection de l’enfance.

L’aide sociale à l’enfance assure des missions de prévention auprès des mineurs et de leur famille, pourvoit aux besoins des mineurs qui lui sont confiés et organise une prévention des « situations de danger » à l’égard des mineurs. Cette compétence très importante des conseils généraux représente le troisième poste des dépenses d’aide sociale.

À l’heure de l’acte III de la décentralisation, alors que le Gouvernement propose une clarification des rôles, il est plus que temps de renforcer la cohérence de l’organisation de l’aide sociale à l’enfance. Les présidents de conseil général demandent à l’unanimité que soit clarifiée la question du bénéficiaire des allocations familiales. Une gestion plus cohérente des fonds s’impose et, sauf exception, rien ne justifie que l’on maintienne le versement des allocations aux familles d’enfants placés.

De fait, les enfants accueillis et éduqués dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ne sont pas à la charge financière de leurs parents. Dès lors, les sommes que la collectivité publique verse aux familles pour assurer l’éducation de leurs enfants doivent logiquement être attribuées au conseil général quand c’est le département qui les élève.

Je pense ici aux allocations familiales comme à l’allocation de rentrée scolaire. Il serait logique que l’essentiel de cette seconde allocation revienne au conseil général dans l’hypothèse où l’enfant lui est confié. Par exemple, en Haute-Marne, pour 374 enfants placés auprès d’assistantes familiales, 115 913 euros sont attribués aux familles au titre de l’allocation de rentrée scolaire.

Madame la ministre, permettez-moi de revenir sur les propos très pertinents que Christophe Béchu a tenus : lorsque ce texte a été évoqué à l’occasion de la réception de l’Assemblée des départements de France à l’Élysée, le 22 octobre 2012, tous les présidents de conseil général qui étaient présents ont trouvé le Président de la République très ouvert sur la question. D’ailleurs, sur un autre problème, que j’amènerai plus tard sur le tapis, le Président de la République a déclaré que la loi est ce qu’elle mais qu’elle doit être respectée.

Dans ces conditions, je m’étonne de la force du clivage entre la position du Président de la République – certes non consignée dans ses soixante propositions – et le message que le Gouvernement vient de nous délivrer par votre voix.

Si cette proposition de loi est légitime, elle constitue également un progrès.

Pour mémoire, rappelons que les allocations familiales sont versées soit à la famille, soit au département, selon la décision du juge pour enfants.

En Haute-Marne, 478 mineurs avaient été confiés par ce magistrat à l’aide sociale à l’enfance en janvier 2013 – vous le voyez, les chiffres sont très récents. Or, dans 77 % des cas, c’est le conseil général qui perçoit les allocations familiales… Mais peut-être s’agit-il d’une exception qui confirme la règle !

Chers collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, vous entrevoyez bien la conclusion que je vais en tirer : dans cette affaire, tout dépend du juge, et non de la situation des familles des enfants placés. C’est peut-être aussi cela qu’il faudrait encadrer.

La proposition de loi clarifie cette dimension de la question en instaurant le principe du versement au département, le magistrat ne pouvant procéder à un autre choix que si le président du conseil général le saisit d’une demande de versement total ou partiel à la famille, après rapport de l’ASE. La logique est donc complètement inversée, ce que je trouve tout à fait pertinent. Au demeurant, la pratique des juges, du moins en Haute-Marne, va déjà dans le sens de ce que préconisent les auteurs de la proposition de loi. Cette évolution reconnaît pleinement le conseil général comme le chef de file de la protection de l’enfance.

Cette initiative parlementaire a pour seule ambition de renforcer la cohérence d’ensemble de l’aide sociale à l’enfance. Elle ne vise personne ; elle ne réduit en rien les moyens consacrés à l’éducation des enfants confiés à la puissance publique. Soyez assurée, madame la ministre, que, en ma qualité de président de conseil général, je porte un soin tout particulier à ce que tous les enfants confiés à la collectivité bénéficient des meilleures conditions d’existence possibles.

Pour conclure, je veux saluer l’excellent travail réalisé par notre collègue Christophe Béchu, avec l’appui de Mme le rapporteur. Ce n’est pas la première fois que le sujet est abordé dans cet hémicycle : il y a quelques années, avec d’autres collègues, nous avions déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont l’objet était identique. À l’époque, ce n’était pas le parti socialiste qui était au pouvoir. Pourtant, madame la ministre, la ministre qui était présente au banc nous avait alors joué exactement la même petite musique que vous !

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