Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 27 mars 2013 à 21h10
Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle, qui a été demandé par le groupe CRC et vient d’être ouvert par M. Le Cam, il s’agit en fin de compte, pour nos collègues, de remettre en cause la loi relative aux certificats d’obtention végétale, qui, issue d’une proposition de loi sénatoriale, fut définitivement adoptée le 8 décembre 2011. Le groupe socialiste s’était abstenu sur ce texte, mais, je le dis au passage, M. Raoul aurait presque pu le voter si son amendement sur le principe de l’autoconsommation avait été voté.

Quoi qu'il en soit, les décrets d’application de cette loi ne sont pas encore parus. Or ils donneraient effectivement aux agriculteurs la capacité de disposer d’un potentiel de semences et de ressources génétiques à la hauteur de leurs ambitions en matière de compétitivité, de volume et de qualité.

En quoi ce texte de loi conforte-t-il l’excellence de notre secteur agricole ?

Tout d’abord, il renforce les spécificités du COV, système de propriété intellectuelle propre aux semences qui, contrairement au système du brevet, favorise l’innovation variétale et l’accès libre à la biodiversité créée.

Ensuite, il sécurise le financement de la recherche et donne aux sélectionneurs français les moyens de développer durablement les programmes d’amélioration des plantes.

Enfin, il autorise la pratique des semences de ferme et permet ainsi de trouver un juste équilibre entre le droit des sélectionneurs et celui des agriculteurs utilisateurs.

Ce texte a recueilli l’accord de la grande majorité des organisations professionnelles agricoles.

Toutefois, certains syndicats ont souhaité instrumentaliser le débat afin d’opposer les éleveurs et les céréaliers en assénant un certain nombre de contrevérités.

Les opposants au texte ont ainsi affirmé qu’il tendait à taxer à l’hectare les éleveurs qui consomment leur propre production. C’est archi-faux puisque les accords interprofessionnels permettent, précisément, d’exonérer les agriculteurs autoconsommant toute leur production, ainsi que les petits producteurs qui produisent jusqu’à 92 tonnes.

Contrevérité aussi quand ils prétendent que cette loi conduirait à l’interdiction des semences de ferme, alors que c’est tout le contraire ! Aujourd’hui, ceux qui utilisent des semences de ferme protégées s’exposent à des contentieux et le texte légalise l’utilisation des semences de ferme.

Contrevérité encore quand ils avancent qu’elle rendra les agriculteurs complètement dépendants des grands groupes privés. Là aussi, c’est tout le contraire ! Si nous ne nous battons pas pour préserver le pôle semencier français, nous risquons, dans une ou deux décennies, de nous réveiller en constatant amèrement qu’il ne reste que quatre ou cinq producteurs de semences au monde et qu’ils sont soit anglo-saxons, soit chinois !

À cet égard, la loi COV me semble aller dans le bon sens, précisément en ce qu’elle nous évitera, demain, d’être pieds et poings liés face à ces multinationales, dont certaines n’aspirent qu’à une chose : breveter leurs génétiques ! Car, je le rappelle, la création variétale a un poids économique non négligeable dans notre pays.

Nous avions introduit dans le texte de la proposition de loi une avancée – elle convenait même à nos collègues écologistes ! – en adoptant un amendement permettant de protéger et de préserver le patrimoine végétal d’intérêt commun – ce qu’on appelle les variétés paysannes, ou variétés anciennes – et prévoyant l’organisation de la conservation des ressources phylogénétiques patrimoniales françaises.

Cet amendement donnait également satisfaction à la Confédération paysanne, ce qui n’a pas empêché celle-ci d’exercer une pression – pression amicale, bien sûr ! – sur le groupe CRC en lui demandant de remettre en cause tout le travail que nous avions commencé en 2006, puisque le Sénat avait, cette année-là, voté une première fois la proposition de loi qui fut définitivement adoptée en 2011.

Nous avons un défi mondial à relever, celui de la sécurité alimentaire.

En effet, la FAO – Food and Agriculture Organization – estime qu’il faudra accroître de 70 % la production alimentaire d’ici à 2050 pour nourrir les 2, 3 milliards de personnes supplémentaires que comptera alors notre planète.

Pour que l’agriculture continue à remplir sa fonction nourricière, il est donc indispensable d’augmenter les rendements agricoles, mais en tenant compte des aléas climatiques et de la nécessité de respecter davantage l’environnement.

« Produire plus et mieux » : c’est bien la synthèse des défis que l’agriculture doit relever, et elle s’y emploie depuis plusieurs décennies déjà. Derrière elle, c’est toute la filière semences qui est mobilisée pour trouver des réponses. Car la semence est à l’origine de toute production agricole. C’est donc en premier lieu à cette filière que revient la responsabilité de proposer des solutions à la crise agricole que nous traversons.

Le constat est dressé, les objectifs sont posés. Reste à définir les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.

Nous n’avons pas pléthore de solutions : seules la recherche et la science peuvent nous permettre de résoudre la crise agricole et de relever le défi de la sécurité alimentaire.

Il ne s’agit pas ici de relancer le débat sur les OGM. Quoique… Pourquoi pas, monsieur le ministre ? §

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