Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 27 mars 2013 à 21h10
Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

La recherche agronomique et génétique va bien au-delà : décryptage des génomes de la plante pour mieux comprendre ses mécanismes – assimilation de l’azote, résistance aux maladies, etc. – ou marquage génétique.

Le « sélectionneur », appelé aussi « obtenteur », est celui qui met au point de nouvelles variétés végétales à partir de la biodiversité existante : ces nouvelles variétés permettent de répondre aux contraintes de l’agriculteur et aux nouvelles attentes de la société. Elles contribuent à l’émergence de cette agriculture productive mais « durable » – même si je n’aime pas ce mot, qu’on met un peu à toutes les sauces – que l’Union européenne appelle de ses vœux.

Ainsi, les études prouvent que certaines variétés modernes de blé, moins dépendantes des engrais chimiques, cultivées avec des apports d’azote raisonnés et moins de fongicide, offrent parfois un rendement supérieur aux variétés anciennes.

Un hectare de terre nourrit actuellement plus de quarante personnes, alors qu’il en nourrissait une quinzaine en 1960. Les améliorations apportées aujourd’hui aux variétés se structurent autour d’axes clés de recherche : meilleure tolérance à la sécheresse, meilleure résistance aux maladies ou encore amélioration des qualités nutritionnelles.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de tout cela ? Eh bien, que le défi que la filière semences doit relever est très ambitieux, mais qu’il n’est pas insurmontable !

Cette filière a déjà fait beaucoup. Pour produire plus et mieux, elle doit aller encore plus loin. Dans cette perspective, il faut lui donner les moyens de poursuivre ses recherches. Or la réponse à la question du financement de la recherche variétale ne va pas de soi.

Il n’est pas envisageable, dans le contexte actuel de crise économique que nous connaissons, de solliciter l’aide de l’État. Le seul moyen d’assurer l’avenir de la recherche est bien de faire appliquer aux agriculteurs le droit de propriété intellectuelle sur les variétés nouvellement créées qu’ils utilisent : pour le blé, par exemple, le droit est de 5 centimes d’euro par quintal.

Rappelons que, pour mettre au point une nouvelle variété végétale, il faut compter, en moyenne, dix ans de recherches. Il est donc logique que ce travail de longue haleine, dont toute la filière agricole bénéficie, soit rémunéré. Ce n’est pas M. Raoul qui me démentira, lui qui est élu d’une région où la production de semences occupe une place importante : l’Anjou.

La loi du 8 décembre 2011 assure la juste rétribution de l’effort de recherche fourni par les sélectionneurs, grâce à l’institution d’un droit d’auteur spécifique aux semences : le certificat d’obtention végétale.

Cette loi est la transposition en droit français de la convention internationale UPOV – Union des protections des obtentions végétales sur les certificats d’obtention végétale. Elle dispose que chacun est libre d’utiliser des semences de variétés protégées par un COV en contrepartie du paiement d’une rémunération au sélectionneur qui a créé ces variétés.

Le COV a l’immense avantage de laisser un libre accès aux nouvelles variétés à des fins de recherche.

Avec 72 entreprises de sélection, dont une grande majorité de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, la France est à la pointe de l’innovation en recherche variétale. Cette richesse entrepreneuriale est la meilleure garantie de la pluralité des solutions proposées aux agriculteurs et aux consommateurs.

La loi COV constitue donc un grand pas pour préserver le dynamisme de nos entreprises de recherche ainsi que la compétitivité de la filière semences et de la filière agricole française dans son ensemble.

Cette loi constitue aussi une reconnaissance du métier de sélectionneur, qui fait l’objet de beaucoup de peurs et d’idées reçues. Or la revalorisation de ce métier, qui est au cœur des grands enjeux du XXIe siècle, est indispensable pour recréer une attractivité du secteur auprès des jeunes, car nous ne pourrons relever les défis qui sont devant nous sans l’apport de nouveaux talents.

Mes chers collègues, nous le savons tous, la progression des rendements depuis les années cinquante a été rendue en grande partie possible grâce à la sélection végétale. Nous constatons cependant, depuis dix ou vingt ans, une tendance à la stagnation de ces rendements, toutes espèces confondues. Cette stagnation est due en partie aux aléas climatiques, en partie à la diminution des intrants, mais aussi et surtout à un moindre effort de recherche, celle-ci s’étant concentrée vers certaines semences considérées comme plus intéressantes, telles que le maïs, et vers d’autres priorités : une meilleure résistance des plantes à certains parasites, un meilleur développement avec moins d’intrants…

Face aux enjeux de l’alimentation mondiale et de l’adaptation de notre appareil de production agricole au changement climatique, aux impératifs d’une gestion plus économe en eau, en fertilisants ou en produits phytosanitaires, la recherche doit apporter des solutions. À cet effet, les entreprises de sélection doivent pouvoir retirer les fruits de leur travail pour pouvoir ensuite financer la recherche.

Les entreprises françaises proposent chaque année 500 à 600 variétés nouvelles, toutes espèces confondues : céréales, légumes et, à hauteur de 60 %, plantes ornementales.

L’existence d’un système efficace de protection de la propriété intellectuelle est donc une condition du maintien de l’effort de recherche sur les végétaux.

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