Intervention de Richard Yung

Réunion du 27 mars 2013 à 21h10
Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

Photo de Richard YungRichard Yung :

Vous le savez, la ligne adoptée par les États-Unis, le Japon et l’Australie est différente : ils n’ont pas de système de certificat d’obtention végétale et veulent tout protéger par brevet, ce qui entraîne les conséquences décrites par M. Le Cam. Il s’agit d’un débat de fond, dans lequel l’Europe doit être leader. Les négociations portant sur les problèmes de propriété intellectuelle, que M. le ministre connaît bien, vont en effet reprendre.

Le système du COV est conforme, je vous le rappelle, à la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales du 19 mars 1991, ainsi qu’au règlement communautaire du 27 juillet 1994.

Ce système est également conforté par la jurisprudence de la Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets, l’OEB, sur la non-brevetabilité des procédés essentiellement biologiques – c’est-à-dire « naturels » – pour l’obtention des végétaux. Même s’il est arrivé que l’OEB délivre un certain nombre de brevets « douteux », nous pouvons considérer que la jurisprudence s’est stabilisée de façon satisfaisante.

Ce système est en outre conforme à l’accord intergouvernemental relatif à une juridiction unifiée du brevet, laquelle aura d’ailleurs son siège à Paris. Ledit accord prévoit explicitement que les droits conférés par un brevet ne s’étendent pas à « l’utilisation de matériel biologique en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales ».

Nous disposons donc d’une base solide.

L’extension aux variétés essentiellement dérivées de la protection offerte à l’obtenteur par le COV permet d’éviter que l’introducteur d’un gène breveté dans une variété végétale existante obtienne un droit de propriété total sur la variété obtenue par transformation génétique, et donc empêche l’utilisation de cette variété pour de nouveaux développements.

En comblant le vide juridique entourant les semences de ferme, la loi du 8 décembre 2011 a établi un équilibre entre le respect d’un droit plus qu’ancestral – le « privilège du fermier » existe en fait depuis l’apparition des sociétés agricoles organisées, voilà 4 000 ou 5 000 ans ! – et la protection de la propriété intellectuelle. Sur ce point, chers collègues du groupe CRC, nous avons certainement une divergence d’analyse.

Cette réforme, attendue depuis longtemps, était nécessaire, car la pratique des semences de ferme présente de nombreux avantages en matière de traçabilité, de sécurité d’approvisionnement, de respect de l’environnement et de biodiversité.

Faute de contrat ou d’accord entre les obtenteurs et les agriculteurs, les semences de ferme, à l’exception du blé tendre, sont utilisées sans contrepartie financière. De ce fait, de nombreux agriculteurs peuvent être poursuivis pour contrefaçon. Depuis les années quatre-vingt, plusieurs exploitants agricoles ont ainsi été condamnés.

Rappelant que la liste européenne des espèces pouvant être utilisées comme semences de ferme, qui comprend 21 espèces, est trop restrictive, j’encourage vivement le Gouvernement à élargir la liste nationale, comme l’y autorise l’article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle.

S’agissant des conditions d’application du privilège du fermier, la priorité doit être donnée, selon moi, à la négociation interprofessionnelle, sur le modèle de l’accord relatif au blé tendre, afin que les agriculteurs ne se retrouvent pas seuls face aux entreprises semencières pour négocier le montant de l’indemnité prévue à l’article L. 623-24-2 du code de la propriété intellectuelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion