Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 27 mars 2013 à 21h10
Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Je voudrais souligner le rôle primordial des COV dans la protection de la recherche.

Contrairement au modèle du brevet, défendu par les États-Unis, l’Australie et le Japon, le système du COV autorise l’usage des variétés créées pour tout nouveau programme d’amélioration végétale. L’amélioration des plantes étant un processus continu, le droit de propriété conféré au créateur d’une nouvelle variété végétale ne concerne pas l’utilisation de cette variété pour en créer de nouvelles, en particulier en recherche et développement. Ainsi, une nouvelle variété, même si elle fait l’objet d’un COV, peut servir de base au développement de nouvelles variétés sans qu’il y ait de droit à payer ; c’est le modèle des logiciels libres, si l’on veut faire une analogie avec l’informatique.

Ce caractère ouvert offre la meilleure garantie de non-appropriation du vivant. Il existe, entre le brevet et le COV, une divergence quant à l’appropriation, et je considère que le COV reste la meilleure parade contre la brevetabilité du vivant.

En 2011, j’avais soumis au rapporteur de la proposition de loi Demuynck un amendement qu’il avait eu l’amabilité de reprendre et qui mettait en avant la notion de variété découverte, laquelle exclut toute valeur ajoutée apportée par le découvreur. Il est bien évident que, par exemple, le fer se trouvant dans la nature, on ne va pas breveter le fer en vertu de ses propriétés magnétiques ! C’est le même raisonnement concernant les variétés végétales.

Le maintien d’une liberté totale d’accès à la variété protégée, en tant que ressource génétique, est ce qui différencie fondamentalement le certificat d’obtention végétale du brevet. Les COV participent donc de la défense du bien commun en nous prémunissant contre la mainmise de certaines entreprises sur le patrimoine génétique mondial et en garantissant par ailleurs – c’est l’autre bout de la chaîne – le financement de la recherche et développement. Nous savons en effet combien le processus est long avant d’obtenir une nouvelle variété : peu importe la technique utilisée, que ce soit la mutagénèse ou la transgénèse, cela prend du temps et cela a un coût.

Vous l’aurez compris, les COV sont pour moi un modèle qu’il convient absolument de défendre sur le principe, tant au niveau français que sur le plan européen et mondial.

Je ne dresserai cependant pas un panégyrique de la loi de décembre 2011. Certes, elle a permis de mettre enfin en conformité notre droit interne avec la réglementation européenne, notamment en matière de semences de ferme et de variétés essentiellement dérivées. Toutefois, elle n’a pas réglé le problème, loin s’en faut, évoqué par plusieurs orateurs, de l’autoconsommation et de la nécessaire défense du droit des agriculteurs en la matière. Elle n’a pas non plus résolu la question du financement de la recherche publique. Autrement dit, elle n’a pas assuré l’indispensable prise en compte du pluralisme dans les interprofessions non plus que la protection des variétés anciennes.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’aucun texte d’application, à l’exception de celui de juillet 2012, n’est encore paru. Le chantier est ouvert ! Nous sommes dans l’attente d’au moins dix textes réglementaires de toute nature : décrets en Conseil d’État, décrets simples, arrêtés…

Nos amendements avaient permis, en collaboration avec le rapporteur, M. Pointereau, d’améliorer le texte initial.

Nous avions ainsi obtenu que soit précisée, dans la loi, l’interdiction d’octroyer un COV pour les variétés existantes simplement découvertes et n’ayant donc fait l’objet d’aucun travail de recherche ou d’innovation de la part du candidat obtenteur.

S’agissant de la rémunération éventuelle des semences de ferme, nous avions obtenu que son montant soit forcément inférieur à celui de la rémunération payée sous licence, ce qui, pour certains, ne semblait pas aller de soi.

Nous avions aussi progressé sur la difficile question des variétés essentiellement dérivées. Ne disposant ni d’un écran, ni d’un tableau noir, ni d’un vidéoprojecteur, je ne me lancerai pas ici dans un cours sur les VED §notion extrêmement complexe et qui n’est toujours pas éclaircie. Qu’est-ce en effet qu’une variété essentiellement dérivée ? Même en prenant les critères DHS, nous ne savons pas jusqu’où remonter. Si, à partir d’une variété A, une variété B puis une variété C sont obtenues, à qui les droits d’auteur sont-ils dus ? Doit-on remonter jusqu’à A, ou seulement jusqu’à B ?

Rassurez-vous, mes chers collègues, je n’ai pas l’intention de vous soumettre à une interrogation écrite à la sortie de l’hémicycle – j’allais dire de l’amphi…

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