Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 27 mars 2013 à 21h10
Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

Stéphane Le Foll, ministre :

À partir de là, des questions se posent sur l’application des règles qu’entraîne ce choix, sachant notamment que la France dispose d’un secteur économique des semences qui fait d’elle un pays reconnu et présent à l’échelle internationale dans ce domaine.

J’ai rencontré, il y a quelques semaines, le ministre ukrainien de l’agriculture. Il m’a parlé de beaucoup de choses, à propos desquelles, d’ailleurs, je n’ai pas forcément répondu. Une question l’intéressait plus particulièrement, celle des semences. Il s’adressait au ministre de l’agriculture français parce qu’il savait que, derrière lui, toute une industrie était susceptible de lui apporter des garanties et les moyens de développer la production céréalière dans son pays.

Il y a donc bien là un enjeu économique.

Il se trouve, en outre, que l’on a, dans ce secteur, ce que l’on recherche dans beaucoup d’autres : un tissu de PME-PMI. D’ailleurs, leur nombre crée par lui-même de la diversité dans le choix des semences. C’est aussi, à mon sens, un élément dont il faut tenir compte.

J’ajoute que, d’après les chiffres que l’on m’a donnés, il s’agit d’un secteur qui investit de 13 % à 15 % de son chiffre d’affaires dans la recherche, ce qui en fait l’un des secteurs qui consacre le plus de fonds à celle-ci. Il finance ainsi la recherche privée, bien sûr, mais également la recherche publique, comme l’a dit M. Raoul.

On a là les éléments sur la base desquels je souhaite que l’on discute : un choix stratégique, celui de l’obtention, un secteur économique qui s’appuie sur un tissu de PME-PMI et une recherche qui trouve à se financer au travers du système mis en place.

Une seconde question se pose ensuite, qui est liée elle à l’histoire de l’agriculture et au rôle qu’ont eu les paysans et les agriculteurs au cours des siècles dans l’amélioration des semences végétales. Ainsi, entre les premiers épeautres et les blés actuels, des modifications majeures se sont produites ; résultat de la sélection empirique, de l’expérience et de la transmission de celle-ci, l’amélioration des semences a ensuite été permise aussi par la recherche académique et scientifique.

Je voudrais donc que l’on abandonne l’idée selon laquelle il y aurait d’un côté la science, qui ferait avancer les choses, et, de l’autre, un monde agricole qui en serait dépendant. À cet égard, Michel Griffon, défenseur de l’agriculture écologiquement intensive, utilise une notion intéressante, celle de la « science implicative ». Les chercheurs cherchent, bien entendu, mais ils peuvent également s’appuyer sur l’expérience des agriculteurs. Il y a là un effet dialectique qui peut être tout à fait fructueux et permettre d’avancer de manière globale.

C’est tout le sens du débat entre Gérard Le Cam et Joël Labbé, dont les positions diffèrent sur la sélection des semences opérée par les agriculteurs eux-mêmes. Mais, au-delà, chacun a conscience, et c’est ce qui m’a frappé, de la nécessité de préserver un équilibre qui, personnellement, me semble positif. Or, basculer dans un sens ou dans l’autre pourrait le remettre en cause.

C’est ce qui m’amène au second principe : il faut préserver l’équilibre entre, d’une part, notre capacité à disposer d’un secteur économique de production de semences qui fonctionne et à financer une recherche qui permet à notre pays d’être reconnu à l’échelle mondiale, et, d’autre part, la liberté laissée aux agriculteurs de faire des choix.

Voilà les deux grands principes sur lesquels je veux que s’appuie la concertation que nous allons ouvrir au sein du ministère de l’agriculture pour aboutir aux fameux décrets en suspens. D’après ce que l’on me dit d’ailleurs, ce sont non pas dix, mais quatre décrets et un arrêté qui seraient en attente de publication, …

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