Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, les travaux du CESE, effectivement réalisés avec suffisamment de temps et sans la perspective d'un vote, se sont par ailleurs appuyés sur un précédent avis consacré aux inégalités, qui contenait déjà quelques réflexions relatives à l'école.
Nous avons, nous aussi, procédé à de nombreuses auditions, qui ont permis de voir se dessiner un diagnostic partagé par tous nos membres, duquel nous avons tiré des préconisations, elles aussi largement partagées, notre avis ayant été approuvé à la quasi-unanimité des membres du conseil.
Je peux ainsi vous indiquer, qu'à quelques réserves et nuances près, le CESE est favorable aux dispositions contenues dans le projet de loi, cette approbation globale pouvant s'articuler selon différents axes.
Tout d'abord, la priorité donnée au premier degré nous semble tout à fait essentielle, bien que nous regrettions que ne soit pas envisagée de refonte des programmes de 2008. Je dois aussi mentionner la réserve exprimée par l'un des groupes du Conseil, celui de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), sur la scolarisation des moins de trois ans.
Le second axe d'accord est le retour à des modalités de formation des enseignants qui nous semblent mieux adaptées.
Nous avons cependant une interrogation sur le choix qui a été fait de placer le concours à la fin de la première année. Ce choix qui risque d'avoir pour effet de trop orienter cette première année sur les acquisitions théoriques, l'année suivante étant alors consacrée à la pratique, alors qu'il conviendrait de répartir ces deux aspects de façon équilibrée tout au long du cursus.
Nous tenons aussi à souligner la nécessité de s'attacher à la formation de la population d'enseignants qui, bien qu'exerçant dans l'enseignement privé, n'en restent pas moins des agents publics.
Enfin, alors que l'on devrait envisager une sorte de plan Marshall de la formation continue pour les 650 000 agents potentiellement concernés, celle-ci est évoquée sans que soient mentionnés les moyens qui lui seront consacrés.
Troisième axe d'accord : le postulat selon lequel l'éducation ne se limite pas à une transmission de connaissances uniquement orientée vers des hémisphères cérébraux gauche, mais qu'elle a pour objet la formation et le développement général d'être accomplis et équilibrés, et qu'il convient alors de dispenser des enseignements dans les domaines de la morale, du monde numérique et de l'artistique.
Cependant, alors que le projet de loi envisage ces enseignements sous la forme contrainte de matières ou de disciplines à intégrer dans un programme, il nous semble préférable de créer un contexte permettant de les dispenser en permanence et de façon transversale.
A une « éducation morale », dont les termes mêmes ont une connotation peu engageante, il faudrait substituer un travail sur la connaissance et la compréhension des valeurs et sur l'éveil de l'esprit critique. De ce point de vue, nous regrettons d'ailleurs la suppression du verbe « comprendre » dans la rédaction de l'article 28 du projet de loi, relatif à l'enseignement moral et civique, par rapport au texte dont nous avions été saisis. Ce climat général à instaurer dans les établissements aurait pour conséquence attendue une meilleure application des règles du « vivre ensemble » et un plus grand respect de l'autre, à conditions toutefois que l'institution elle-même se montre respectueuse des jeunes individus, notamment lors de leur orientation.
J'en viens maintenant au numérique. Nous devons garder à l'esprit le caractère primordial des rapports humains et ne pas le considérer comme une panacée. Celui-ci doit être envisagé comme un outil, comme une ressource et comme un moyen de communication, dont il convient de connaître les potentialités mais aussi les dangers.
S'agissant des enseignements artistiques, si nous regrettons que le contenu de l'article 6 ait été réduit et appauvri, nous trouvons très intéressant la notion de parcours et nous nous félicitons par ailleurs de l'accent mis sur la nécessité d'un partenariat avec les collectivités territoriales.
Au-delà du parcours accompli dans les domaines artistiques, c'est l'intérêt du parcours général effectué pendant la scolarité qui doit primer, notamment sur certaines considérations utilitaristes de l'institution visant à remplir les filières à pourvoir, quitte à effectuer des orientations-couperets au détriment de l'élève.
L'avis du CESE déplore certains reculs, notamment en ce qui concerne la place des parents qui constitue, si j'ose dire, le parent pauvre du projet, une simple affirmation. En particulier l'article 4 ter du projet de loi limite le rôle des parents des enfants handicapés à une simple consultation lorsque les équipes de suivi de scolarisation des enfants handicapés souhaitent proposer à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) une révision de leur orientation ou de leur accompagnement.
Nous regrettons aussi que le projet de loi ne réponde pas aux attentes relatives à l'enseignement dans les zones prioritaires ainsi qu'à la mixité sociale, cette nécessité affirmée depuis 30 ans n'ayant bénéficié d'un véritable pilotage politique que sur une courte période de 5 ou 6 ans.
Enfin, pour la bonne mise en oeuvre du texte, nous nous félicitons de la mise en place d'un comité de suivi, qui devra s'attacher à une publication, non seulement rapide mais aussi cohérente, des décrets d'application.
Je souhaiterais conclure cette présentation de l'avis du CESE en insistant sur le fait qu'à l'issue de la réforme des rythmes scolaires, nous devrons envisager une réforme des programmes pour parvenir à une véritable refondation de l'école, de sorte de lui donner du sens... sans oublier la question des moyens.