Intervention de Annie David

Réunion du 5 octobre 2010 à 21h45
Réforme des retraites — Question préalable

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous présentons cette motion tendant à opposer la question préalable afin que le Sénat puisse constater et décider que, pour de très nombreuses raisons, il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen du projet de loi portant réforme des retraites. Le rassemblement qui s’est tenu ce midi devant le Sénat ne fait que nous conforter dans notre position.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous devriez écouter ce que les salariés, actifs ou demandeurs d’emploi, les retraités, mais aussi les étudiantes et les étudiants vous crient : ils et elles ne veulent pas de votre réforme ; ils et elles veulent une réforme qui renforce notre système de retraite par répartition en lui apportant de nouvelles recettes, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

Il n’y a pas lieu de débattre de ce texte, puisque votre projet de réforme est injuste, brutal et inefficace. Il constitue un coup de poignard porté aux droits sociaux.

Votre réforme est tout d’abord injuste, car ce sont les salariés, déjà durement touchés par la crise, notamment les femmes, qui vont la payer au prix fort, à hauteur de 22, 6 milliards d’euros, soit plus de 85 % de son coût, alors que, dans le même temps, le capital sera à peine mis à contribution, à concurrence de 4, 4 milliards d’euros seulement.

Pourtant, les profits des groupes du CAC 40 ont bondi de 85 % au cours du second semestre de 2010, le résultat net atteignant quelque 41, 5 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires de 631 milliards d’euros. J’ai l’impression que nos entreprises ont surmonté la crise !

Votre réforme est brutale, car elle entraînera sur huit années seulement une dégringolade de 16 % du taux de remplacement. Elle est la plus brutale d’Europe !

Votre réforme est enfin inefficace, car elle ne permettra nullement, contrairement à ce que vous prétendez, de résorber les déficits que vous dénoncez. Elle ne comporte aucune solution pérenne, puisque, de l’aveu même de ses auteurs, un nouveau chantier devra être ouvert dès 2018, c’est-à-dire demain, et il manquera encore, à cette date, près de 4 milliards d’euros à la CNAV.

Guy Fischer a brillamment exposé tous ces éléments lors de son intervention dans la discussion générale. J’insisterai donc, pour ma part, sur les arguments que vous mettez en avant pour nous faire croire qu’il n’y aurait pas d’autre solution que celle que vous voulez imposer !

Vous prétendez tout d’abord qu’il y a un problème démographique. « Nous vivons de plus en plus vieux, dites-vous, il est donc inévitable que nous travaillions plus longtemps. » Certes, nous vivons plus longtemps ; certes, nous sommes plus nombreux ; mais je ne vois pas, monsieur le ministre, où se situe le problème ! Vous devriez plutôt vous réjouir de cette augmentation de la durée de vie ! En tout cas, parler d’une espérance de vie de 120 ans, c’est ignorer, ou feindre d’ignorer, que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans pour les femmes et de 62 ans pour les hommes, et, parmi ceux-ci, de 59 ans seulement pour les ouvriers.

De plus, une récente étude fait état de la régression de cette espérance de vie en bonne santé. En effet, si la prévalence des maladies infectieuses diminue, d’autres maladies, chroniques, se développent, notamment celles qui sont dues aux nouvelles habitudes de vie. D’après les scientifiques, l’augmentation actuelle de l’espérance de vie à la naissance se rapporte essentiellement aux personnes nées au début du xxe siècle et va ralentir.

Par ailleurs, monsieur le ministre, si les progrès de la science et l’amélioration des conditions de travail – celles-ci ont d’ailleurs eu plutôt tendance à se détériorer ces dernières années, avec les conséquences que l’on constate – ont permis un allongement de la durée de vie, ils ont également contribué à une augmentation de la productivité. En effet, un salarié produit aujourd’hui cinq fois plus qu’en 1960, et des projections, dont vous vous gardez bien de faire état, montrent que cette productivité doublera d’ici à 2050. Où va donc toute cette richesse produite ? En tout cas, elle ne rémunère pas le travail, sinon nos caisses de protection sociale se porteraient mieux !

En outre, vous entendez faire travailler les salariés jusqu’à 62 ans, mais vous savez pertinemment que six sur dix sont déjà hors de l’emploi au moment de la retraite ! Les seniors sont en effet écartés de l’emploi à 58 ans et demi en moyenne.

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