Intervention de Jean-Louis Bianco

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 27 mars 2013 : 1ère réunion
Réforme ferroviaire — Audition de M. Jean-Louis Bianco président de la mission de concertation

Jean-Louis Bianco, président de la mission de concertation sur le projet de réforme ferroviaire :

Merci de m'accueillir. Je suis accompagné de Claude Sardais, inspecteur général des finances et de Ludovic Espinasse, ingénieur des ponts et chaussées. Le gouvernement, par la voix de Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, a annoncé les principes d'une réforme du système ferroviaire et m'a confié une mission, dont nous devrions remettre le rapport vers le 15 avril. Compte tenu de l'importance de l'enjeu, nous préparons un document grand public, pour restituer autant que faire se peut l'apport des quelque deux cents personnes que nous avons entendues.

Ma lettre de mission détermine quatre axes de travail, à mes yeux également importants : mettre en oeuvre une organisation unifiée du système ferroviaire à même de répondre pleinement aux besoins des usagers ; assurer l'efficacité économique et la pérennité financière d'un système ferroviaire lourdement endetté ; construire un nouveau pacte social fondé sur un cadre moderne applicable à l'ensemble des entreprises de la branche ; préparer l'ouverture à la concurrence à l'horizon 2019 dans des conditions équitables.

Nous sommes de plus en plus convaincus qu'il faut, à l'occasion de cette réforme, engager une véritable refondation du système ferroviaire. Les choses ont beaucoup changé, depuis la séparation en 1997 de RFF (Réseau ferré de France) et de la SNCF. Celle-ci a apporté de nouvelles méthodes, mais aussi beaucoup d'inconvénients opérationnels.

Depuis les Assises du ferroviaire, il est acquis qu'il faut un gestionnaire d'infrastructure unique (GIU), résultant de RFF et des fonctions concourant à la voie au sein de la SNCF (entretien, maintenance, circulation). Au-delà de cette réforme, qui fait consensus, saisissons cette occasion pour repenser l'ensemble du système « point à point » ou « bout à bout », c'est-à-dire à partir du voyageur qui se rend de chez lui à son travail ou en vacances, de l'agriculteur ou de l'industriel qui fait transporter des céréales ou des produits finis du lieu de production jusqu'à son client, bref, d'une vision intégrée du système.

Concevons le système ferroviaire comme un outil de production. Quel est le métier de RFF aujourd'hui et du gestionnaire d'infrastructure demain ? Produire des sillons de bonne qualité, répondant au meilleur coût aux besoins. Il est également nécessaire que le travail de transporteur de la SNCF évolue, en incluant de nouvelles propositions.

La refondation doit garantir la pérennité économique et financière du système. La constitution d'un GIU de plein exercice ne posera alors pas de difficulté majeure, sachant qu'il manque tout de même 1,2 à 1,5 milliard d'euros pour financer le système ferroviaire. Il faut donc engager un plan de retour à l'équilibre fondé sur une meilleure organisation du système. On estime à plusieurs centaines de millions, voire à un milliard d'euros ou plus les gains qui peuvent en résulter ; il est vrai que beaucoup de dysfonctionnements peuvent être corrigés. On s'en sortira par une politique de développement et de relance de l'offre de services et non par une politique restrictive.

Contenons la dette, faisons en sorte qu'elle n'augmente pas, sachant qu'elle correspond en partie à des emprunts finançant le développement du réseau, parfaitement légitimes. Depuis que les régions sont organisatrices des transports, l'offre, de TER en particulier, a considérablement augmenté.

Le pacte social est indispensable. Si l'on veut réussir la réforme, il n'est pas question, fût-ce à terme, d'abolir le statut des cheminots. Il faut assurer le fonctionnement des entreprises publiques, gestionnaire d'infrastructure et SNCF, en veillant à la circulation des personnes et des carrières en leur sein. L'ouverture à la concurrence, dont on n'a pas pu préparer les conditions, a transféré un tiers du fret de la SNCF à ses concurrents privés. Malgré cela, les marchandises continuent à passer davantage par la route que par le rail. C'est pourquoi il faut aujourd'hui un cadre social, une convention collective de branche, avec un décret qui garantisse la sécurité, pour préparer l'ouverture à la concurrence.

Une interdiction, par la Commission, des systèmes intégrés aurait été totalement inacceptable pour la France. Dans son projet de quatrième paquet ferroviaire, la Commission européenne admet que la séparation, qui a sa préférence, peut coexister avec un système intégré, sous réserve qu'il présente des garanties « d'indépendance », d'impartialité des fonctions essentielles.

Il revient au Parlement et au Gouvernement de concevoir une réforme qui, pour des raisons pratiques, assure une meilleure intégration, mais apporte aussi toutes les garanties de transparence, d'équité, d'impartialité. Ce n'est pas impossible, à condition de bien préciser le rôle de chacun : tel sera le sens des conclusions que nous remettrons un peu plus tard qu'annoncé dans un premier temps. En effet, les choix de stratégie, d'investissement, de contrôle, la détermination de la trajectoire de retour à l'équilibre, appartiennent à l'Etat et au Parlement, non au pôle public ni même à une agence de régulation. Il faut une autorité de régulation dotée de moyens de sanction dissuasifs, et usant de procédures de type jurisprudentiel plutôt que de règles d'ordre bureaucratique, et l'édification de ce que Bruxelles appelle des « murailles de Chine ».

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