Intervention de Jean-Louis Bianco

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 27 mars 2013 : 1ère réunion
Réforme ferroviaire — Audition de M. Jean-Louis Bianco président de la mission de concertation

Jean-Louis Bianco, président de la mission de concertation sur le projet de réforme ferroviaire :

Monsieur Pointereau, le document qui a circulé n'était pas un pré-rapport, mais un support à la concertation, qui ne préjuge pas de mes conclusions. Nous disons tout sauf qu'il faudrait arrêter les investissements. Nous sommes convaincus qu'il faut au contraire accroître les investissements afin de maintenir, préserver et développer l'outil que représente notre réseau pour le désenclavement des territoires ruraux et l'aménagement du territoire.

Nous ne demandons pas non plus l'arrêt des LGV, mais nous ne pouvons pas tout faire, dans l'état des finances publiques. Il y aura des priorités à établir. Ce n'est ni à moi, ni à la mission, ni au système ferroviaire de les énoncer, mais au Parlement. RFF s'endette pour de nouvelles LGV dont les péages ne couvrent pas la charge. C'est un choix possible et dans certains cas, engagé, donc nous n'allons pas le stopper. Au-delà des projets déjà décidés, la priorité, pour moi, n'est pas d'aménager de nouvelles LGV. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas en faire. A l'Etat, au Gouvernement et au Parlement d'en décider.

Je vous rassure : je ne fais pas le travail de Philippe Duron à sa place, y compris sur le coût comparé des investissements. Je travaille par ailleurs en étroite liaison avec Jacques Auxiette, chargé d'un rapport sur la décentralisation du système ferroviaire.

On n'assurera pas la pérennité financière et économique seulement par des réductions de charges - qu'il serait absurde de ne pas rechercher. Certaines économies de fonctionnement sont prévisibles, probables, dans le cadre d'un meilleur système ; d'autres supposent des efforts de productivité. J'ai prononcé ce mot qui n'est pas tabou, devant les syndicats et j'y reviendrai dans mon rapport. Guillaume Pepy lui-même a donné des orientations en ce sens. Nous pouvons indiquer des pistes, mais il n'appartient pas à la mission d'en décider. Cela relève d'un contrat de performance et d'objectifs à passer entre le gestionnaire d'infrastructure et l'État, entre la SNCF et l'État, et dont le Parlement contrôlera la trajectoire. C'est une négociation d'entreprise.

Le statut des cheminots nourrit tous les fantasmes. On met tout et n'importe quoi dans ce mot qui miroite, comme disent les juristes. Une remarque préalable : les retraites n'entrent pas dans le champ de la mission qui m'a été confiée. Pour ce qui concerne la compétitivité et la sécurité, je reprendrai ce qu'a dit Olivier Dutheillet de Lamothe lors des Assises du ferroviaire : un décret-socle devra fixer les règles en matière de temps de travail, de repos et de récupération qui sont d'ordre public puisque la sécurité est en jeu. Mais une discussion préalable devra intervenir avec les partenaires sociaux : les uns seront sans doute minimalistes au nom de la concurrence et les autres maximalistes pour défendre les acquis sociaux ; lorsque tous se seront exprimés, le Gouvernement dira ce qui est nécessaire pour garantir la sécurité. Ensuite, il conviendra de négocier une convention collective de branche.

En Allemagne, la Deutsche Bahn n'a pas changé de statut et elle est compétitive. Cela dit, les opérateurs privés ont fait une partie du chemin pour ramener l'écart de coût à environ 6 %. En France, il est indispensable de restaurer la compétitivité du fret et de se préparer à l'ouverture à la concurrence du transport voyageur. Pour le fret privé, les salaires ne sont pas en cause, car ils sont au moins égaux à ceux de la SNCF. Ce qui pose en revanche problème, ce sont les règles de récupération et de temps de travail. La discussion de la convention collective devra porter sur ces points-là.

En dépit des plans fret successifs, la SNCF continue à perdre de l'argent. Nous ne devons pas baisser les bras. Avec la façade maritime de notre pays, il est indispensable de mieux desservir nos ports qui désormais fonctionnent bien. Hier, j'étais au poste de commande de la gare du Nord : les responsables du futur GIU m'ont assuré qu'en cas de crise, la réduction des sillons était répartie de façon proportionnelle entre les opérateurs. Si cela est exact, je m'en réjouis.

L'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), la SNCF et les syndicats savent qu'une négociation pour réduire les coûts est nécessaire, mais elle sera difficile à mener. Il faudra investir pour améliorer les liaisons avec les ports et soutenir les opérateurs ferroviaires de proximité. Au niveau régional, il conviendra de mettre autour de la table les producteurs, les chambres de commerce ou des métiers, les collectivités locales et les transporteurs pour définir les objectifs et voir qui est prêt à investir.

S'il n'est pas question de retourner à l'administration des chemins de fer, il ne s'agit pas non plus de démolir la SNCF.

Monsieur Ries a fait une remarque intéressante sur les décisions d'attribution des autorités de transports urbains. La réflexion doit se poursuivre, car il faut mieux articuler les transports urbains et les transports départementaux et régionaux - nous avons tous en tête des exemples où le conseil général fait un service de cars et la région un service de trains. Il serait utile que la loi de décentralisation traite de ces questions pour harmoniser les décisions.

Au total, il n'est pas question d'arrêter les investissements mais de les prioriser. Je tiens beaucoup au rôle de l'État et du Parlement dans ces arbitrages. Il convient ensuite que les économies et les performances fassent l'objet de contrats négociés dans les entreprises, l'organisation du travail devant faire l'objet de discussions honnêtes et sérieuses. Ouvrons le plus tôt possible la négociation sur une convention collective de branche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion