Intervention de Ronan Dantec

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 27 mars 2013 : 1ère réunion
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Ronan DantecRonan Dantec, rapporteur :

En séance, j'avais dit que cette Commission serait créée à moyens constants, et Mme la ministre devrait nous confirmer que cette Commission se substituera à un organisme existant -on parle d'une évolution du comité de la prévention et de la précaution. Il n'y aura pas création d'une structure supplémentaire.

C'est dans le titre II, relatif à l'exercice du droit d'alerte en entreprise, que se trouvent les modifications les plus importantes. L'alerte en entreprise nous avait beaucoup mobilisés, et avait suscité diverses oppositions : certains partenaires sociaux s'en étaient émus. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a mené de nouvelles concertations avec les partenaires sociaux et le ministère du travail. Je vous avais proposé de remplacer les cellules d'alerte, initialement prévues par la proposition de loi, par une extension des missions des CHSCT. Les députés ont conservé ce principe et la même architecture générale pour le titre II, en allégeant cependant l'extension des missions du CHSCT, qui ne recueillait pas un consensus. Il est apparu au rapporteur de l'Assemblée nationale, après avoir entendu les arguments des uns et des autres, qu'il était difficile de maintenir le dispositif que nous avions adopteì, notamment du fait des négociations en cours entre partenaires sociaux sur la question des institutions représentatives du personnel. Il est également apparu qu'en l'absence de moyens nouveaux dévolus aux CHSCT, il leur serait difficile d'exercer ces nouvelles prérogatives.

Forte de cette analyse, la commission des affaires sociales de l'Assemblée a créé un chapitre spécifique au sein du code du travail pour traiter de la question des alertes en matière de santeì publique et d'environnement. L'article 9 regroupe désormais les diverses dispositions concernant le rôle des CHSCT. Si l'Assemblée n'a pas souhaiteì en étendre les prérogatives pour en faire le gestionnaire de l'alerte dans l'entreprise, elle a toutefois conservé une dimension collective aÌ la prise en charge de l'alerte. Un droit d'alerte est ainsi accordé au représentant du personnel dans le CHSCT ; le comité doit être informé des alertes lancées et des suites qui leur sont données.

Ce nouveau chapitre du code du travail reprend également les dispositions en matière de protection des lanceurs d'alerte contre les discriminations. Comme nous l'avions voulu, l'alerte conservera ainsi une dimension collective, ce qui est une des garanties nécessaires à la mise en oeuvre du droit d'alerte.

Les députés ont également proposé qu'en cas de litige sur le bien-fondé ou la suite donnée à l'alerte par l'employeur, le travailleur comme le représentant du personnel au CHSCT pourront saisir le préfet. Cette évolution répond au compromis voulu par les partenaires sociaux. Une culture de l'alerte est bien créée dans l'entreprise, mais la gestion de l'alerte n'est pas gérée en son sein. Si l'entreprise ne réagit pas, le salarié pourra alerter le préfet et il sera protégé. Si le préfet ne réagit pas, la Commission nationale pourra être saisie par une organisation syndicale et interroger le ministère concerné. Ce dispositif sera moins lourd pour le CHSCT. Nous devons accepter ce compromis constructif, même s'il peut apparaître en retrait par rapport à la proposition de loi initiale.

Les députés ont apporté peu de modifications au troisième et dernier titre, regroupant les mesures encadrant le droit d'alerte, tant pour la protection des lanceurs d'alerte que pour la limitation des éventuels excès. La protection des lanceurs d'alerte est codifiée à l'article L. 1350-1 du code de la santé publique, en reprenant la protection très large existant dans le domaine des produits de santé depuis la loi Mediator de décembre 2011. A contrario, les abus seront sanctionnés pénalement, conformément aux règles existant en matière de dénonciation calomnieuse.

Les députés ont supprimé l'article 16 A que nous avions introduit concernant la possibilité, pour les institutions représentatives du personnel, de présenter leur avis sur les démarches de responsabilité sociale, environnementale et sociétale (RSE) dans le cadre du rapport de gestion de l'entreprise. Certains estimaient qu'il s'agissait d'un cavalier. Le Gouvernement a souhaité ne pas anticiper sur les travaux de la mission tripartite chargée de préciser d'ici juillet les modalités de développement de la RSE en France. Nous resterons attentifs à cette question.

La navette a précisé et enrichi le texte initial. Ce travail purement parlementaire est d'une brûlante actualité. Il y a quelques jours, les juges en charge de l'affaire du Mediator ont mis en examen l'Agence du médicament pour homicides et blessures involontaires. Deux de ses anciens salariés avaient déjà été mis en examen en février pour tromperie et conflit d'intérêts. En offrant un regard extérieur aux divers organismes sanitaires et environnementaux, la Commission de déontologie les confortera. Elle pourra soutenir et guider les agences en identifiant les bonnes pratiques tant en Europe qu'en France. Ce texte protégera aussi les lanceurs d'alerte non institutionnels. Même si le risque zéro n'existe pas, les conditions sont réunies pour que les signaux faibles soient repérés à un stade suffisamment précoce pour éviter des catastrophes sanitaires comme celles que nous avons connues ces dernières décennies.

Un consensus est possible, je vous propose de voter, sans modification, l'ensemble de cette proposition de loi, dans le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale.

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