Intervention de Jack Ralite

Réunion du 5 octobre 2010 à 21h45
Réforme des retraites — Question préalable

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Enfin et surtout, vous oubliez le fondamental de toute démarche concernant le travail : sa considération.

Soyons précis, certains, parmi le cercle présidentiel, Jean-François Copé et les deux Xavier, Bertrand et Darcos, aujourd’hui vos soutiens actifs, avaient, quand éclata l’affaire inhumaine des suicides de France Télécom, diligenté des études sur ce qu’on appelle, en croyant faire le tour du problème, la « souffrance au travail ». Jean-François Copé s’était même scandalisé, parlant d’un problème majeur.

Actuellement, ils jouent à colin-maillard sur cette ébauche à courte vue d’une solution exigée par les suicides de France Télécom, que le directeur général d’alors osa assimiler à une mode.

En fait, vous vous êtes repliés sur des solutions préparées à l’avance qui « trichent avec le réel », tout en parlant de cicatriser la douleur du personnel. Vous préférez le concept de « souffrance au travail » à celui de « maladie du travail » consécutive aux politiques du MEDEF, qui semble désormais siéger au Gouvernement. Vous avez abandonné le « bien commun » et épousé le « bien servir » des compères du Fouquet’s.

La « maladie du travail » exige de soigner le travail.

Un forestier de l’Office national des forêts, où il y a eu vingt-deux suicides en sept ans, a parfaitement énoncé l’ordonnance : « On a appris un métier et ce que l’on nous demande de faire aujourd’hui est contraire à la qualité de ce métier. »

Nombre de travailleurs ne peuvent plus assurer la qualité de leur travail, d’où leur souffrance. Le travail, sa raison d’être, sa finalité, son sens dans la vie humaine, son utilité, sa dignité, sa fierté sont mis en cause, la retraite aussi dans la foulée.

Vous laissez empoisonner la vie même des travailleurs, et dans un même mouvement le dossier des retraites. Le travail n’est pas toxique, c’est ne pas pouvoir le faire correctement qui l’est. Avant la retraite, quand on respire mal au travail, on respire mal pendant le temps libre qui vire au temps mort qu’on cherche à remplir à tout prix. Les circuits financiers, y compris sous la formule de « travail immatériel », s’emparent du travail humain et rêvent de s’emparer de la retraite, avec entre autres… un objectif de privatisation. M. Longuet a été très clair sur ce point.

La retraite, c’est aujourd’hui une dimension importante de la vie. La première partie de la vie, c’est la formation ; la deuxième, c’est la vie active ; la troisième, c’est la retraite, qui n’est aucunement un retrait de la vie.

Yves Clot, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, titulaire de la chaire de psychologie du travail, vient de publier, aux éditions La Découverte, Le travail au cœur. Ildit : « La question est que les travailleurs se reconnaissent de moins en moins dans ce qu’ils font, ce qui produit une inflation de la demande de reconnaissance. »

C’est une déchirure de leur vie, d’autant que le lien social s’évapore à proportion du rôle des experts, qui ne pensent que gestion, droits individualisés et compassion.

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