Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 28 mars 2013 à 15h00
Abrogation du délit de racolage public — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comment ne pas souscrire aux plaidoyers sincères d’Esther Benbassa et de Virginie Klès ? Comment ne pas partager leurs propos sur l’exploitation, le désarroi et la souffrance des victimes que sont les personnes prostituées ? Comment ne pas dire, aussi, que nous devons prendre ce texte pour ce qu’il est : un premier pas ? Si nous décidons de faire ensemble ce premier pas, cela n’aura de sens que si les suivants interviennent dans un délai raisonnable.

Je me souviens des propos qui ont pu être tenus ici même, par un certain nombre d’entre nous, lorsque le délit de racolage public fut instauré par la loi du 18 mars 2003. Une fois encore, il s’agissait seulement de frapper l’opinion. De telles lois, combien y en a-t-il eu ? Qu’un drame, un fait divers ignoble survienne, et l’on annonçait, depuis le perron d’un lieu sacré de la République, l’élaboration d’une loi… Comme si la loi avait le pouvoir magique de régler tous les problèmes !

Une loi sans moyens ne sert à rien. Nous avions dit, à l’époque du vote de la loi du 18 mars 2003, que non seulement celle-ci ne règlerait pas le problème, mais qu’elle aurait pour conséquence, comme cela a été si bien dit par Virginie Klès et Esther Benbassa, de transformer les victimes en coupables. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Nous avions donc voté contre cette loi, que nous proposons aujourd’hui d’abroger.

Dans le même esprit, je vis très mal le fait que les lois de notre République prévoient toujours des peines planchers. Pour beaucoup d’entre nous ici, les peines planchers portent atteinte à l’indépendance des juges. On pourrait les abolir, madame la garde des sceaux, mais ce qui importe, c’est la nouvelle politique pénale que nous allons mettre en œuvre à la suite de la conférence de consensus, laquelle a représenté une innovation considérable dans nos pratiques, contrastant avec les annonces éclairs de textes éclairs destinés à donner l’illusion que l’on règle les problèmes.

J’en appelle à la modestie et à l’engagement. Si, comme j’en suis tout à fait partisan, nous votons la présente proposition de loi, il ne faudra pas donner à croire que cela permettra de faire davantage que réparer une erreur. Cela ne saurait nous dispenser de préparer un texte important sur la question de la prostitution.

Je veux saluer, madame Vallaud-Belkacem, votre souci d’écouter l’ensemble des personnes qui ont quelque chose à dire sur ce sujet, afin de préparer cette grande loi si attendue, sans précédent récent dans l’histoire de la République. Je sais le travail que vous accomplissez aussi au plan international, le problème considéré se posant à cette échelle. J’espère que nous aboutirons dans les mois qui viennent. Si tel ne devait pas être le cas, ce serait notre faute à tous : voter la présente proposition de loi ne suffit pas, je le dis clairement.

De la même manière, je veux dire à cette tribune que certaines mesures qui peuvent frapper les esprits n’ont, bien souvent, pas d’effet ou ne font que déplacer le problème.

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