Vous avez eu raison, monsieur le président de la commission des lois, de saluer les analyses extrêmement roboratives de l’auteur de la proposition de loi, Esther Benbassa, et de la rapporteur, Virginie Klès. Elles ont dépeint de manière éloquente la réalité de la situation douloureuse, difficile et complexe des personnes prostituées.
Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait pris l’engagement très clair d’abroger le délit de racolage public, qui recouvre en fait l’ancienne incrimination de racolage actif et l’ancienne contravention de troisième classe de racolage passif, abrogée en 1994.
Dix ans après la loi du 18 mars 2003, nous avons l’occasion de proclamer que les personnes prostituées sont, dans la très grande majorité des cas, des victimes, soumises aux violences, à la traite d’êtres humains, à l’exploitation. Telle est la réalité.
Pourquoi faut-il abroger l’incrimination dite de racolage public ? Tout d’abord, parce qu’elle frappe des personnes fragiles, vulnérables économiquement, socialement et juridiquement. Ensuite, parce que la création de ce délit a relégué les personnes prostituées dans des lieux isolés – forêts, parkings, terrains vagues –, où elles sont encore plus exposées à la violence, hors de portée des associations leur venant en aide et privées de tout accès à des soins, avec les conséquences que cela implique pour leur santé individuelle et pour la santé publique. Le rapport de l’IGAS, les analyses de Médecins du monde et les statistiques montrent comment les personnes prostituées échappent à l’intervention des associations et des structures médicales.
Il est nécessaire de rappeler que ces personnes sont, pour la plupart, des victimes, même si nous entendons bien que certaines d’entre elles affirment que la prostitution est un métier, qu’elles ont choisi librement. Notre responsabilité politique, cependant, est de nous donner les moyens de vérifier la liberté de ce choix.
En tout état de cause, la plupart des personnes prostituées sont bien des victimes, qui relèvent à ce titre de dispositifs d’accompagnement à caractère social, en matière par exemple de formation professionnelle, et non pas, bien entendu, de mesures de pénalisation.
Du point de vue du droit, il nous faut également nous pencher sur la manière dont s’applique la définition de ce délit. Pour qu’il y ait délit, il faut d’abord qu’il soit constitué, c’est-à-dire que les éléments permettant de caractériser une infraction soient réunis : en l’espèce, les enquêteurs doivent être en mesure de démontrer qu’il y a eu incitation à une relation sexuelle tarifée, par un comportement, une attitude, une tenue vestimentaire. Je ne connais pas d’éléments plus subjectifs pour constituer une incrimination !