Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 2 avril 2013 à 14h30
Débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication est vital pour l’ensemble de nos territoires. C’est d’autant plus vrai pour les territoires ruraux, car, pour éviter le déclin, ils dépendront de plus en plus des services à distance.

Je remercie mes collègues Yves Rome et Pierre Hérisson de la qualité de leur rapport, lequel permet la tenue de ce débat au Sénat, assemblée représentant les collectivités territoriales et les territoires.

Des comparaisons sont parfois faites entre le déploiement du très haut débit en France ou en Europe et les avancées impressionnantes des pays émergents. Or on ne peut pas comparer des pays qui avaient peu d’infrastructures câblées au départ et des pays industrialisés devant basculer du cuivre vers la fibre.

Au lieu de regretter le retard pris, de répéter que la France n’occupe que la vingt-troisième place de l’Union européenne en termes de taux de pénétration du très haut débit, tournons-nous vers l’avenir et planifions dès à présent le déploiement accéléré de la fibre, sans toutefois compromettre les possibles évolutions futures, auxquelles il faut rester attentif, notamment dans le domaine des technologies non filaires.

Nous le constatons, les usages sont multiples aujourd’hui. Ceux de demain seront infinis et créeront des besoins croissants en débit descendant et encore plus en débit montant. Les entreprises le savent et conditionnent d’ailleurs le choix de leur implantation à la qualité de la bande passante. C’est donc un enjeu important en termes d’aménagement du territoire. Les salariés de ces mêmes entreprises, de plus en plus nomades, organisent des visioconférences à plusieurs interlocuteurs tout en échangeant des données importantes et en procédant à de lourdes sauvegardes. Les autorités publiques ont donc le devoir de leur proposer les instruments indispensables à la compétitivité.

S’il est encore suffisant pour le particulier, le haut débit, grande révolution des années 2000, est déjà obsolète pour la plupart des entreprises. Comment les choses vont-elles évoluer dans les dix prochaines années, avec le recours croissant aux visioconférences, au télétravail, à l’éducation à distance ?

Les échanges doivent devenir fluides. C’est l’attractivité même de la France qui est en jeu. Or, l’accès à internet est encore bien insuffisant au regard des évolutions économiques et sociétales en cours et à venir.

À de nombreuses reprises dans cet hémicycle, nous avons déploré l’absence d’infrastructures de transport dans les espaces ruraux. Il est pourtant évident que l’accès au très haut débit pourrait participer à leur désenclavement.

Des entreprises qui pourraient venir s’implanter dans certains territoires portent leur regard ailleurs, faute d’infrastructures. De même, des citoyens qui pourraient venir s’y installer tirent un trait sur des projets de vie.

Pourtant, l’accès au numérique entraîne une diminution des déplacements, une réduction des émissions de gaz à effet de serre, une meilleure répartition de la population sur le territoire national, ainsi qu’une meilleure visibilité de nos entreprises à l’étranger.

Mes chers collègues, nos concitoyens et nos entreprises placent leurs espoirs dans le numérique. Or, en dépit des efforts péniblement fournis par les collectivités territoriales, les opérateurs refusent tout déploiement en raison du manque de rentabilité, car il est plus coûteux de les irriguer en fibre optique.

Dès lors, les collectivités locales n’ont pas eu d’autre choix que de pallier l’absence tant d’investissement privé que de réelle stratégie de la part de l’État.

À cet égard, il convient de féliciter les collectivités locales de leurs initiatives, collectivités auxquelles l’État se permet constamment de demander des efforts financiers alors qu’elles maîtrisaient la gestion publique bien avant qu’il n’ait pris l’initiative de réduire ses propres dépenses. Le numérique en est un parfait exemple.

Le Président de la République a eu raison de se saisir rapidement du problème en instaurant une mission sur le très haut débit, dont la feuille de route a été présentée au mois de février dernier. L’État doit enfin prendre en main l’aménagement du territoire et renforcer la coordination des actions locales afin d’assurer une cohérence à l’échelon national.

Dans le cadre du plan très haut débit, il est prévu d’investir 20 milliards d’euros en dix ans pour le déploiement du THD afin de permettre à l’ensemble de la population d’y accéder à l’horizon 2022. Un tiers de ce financement sera dédié aux collectivités les moins denses et sera cofinancé par l’État et ces dernières. Il est vrai que l’intervention publique sera encore nécessaire pour ne pas laisser une grande partie de la population de côté.

Une taxe sur les abonnements destinée à contribuer au basculement du cuivre vers la fibre reste une solution envisageable pour financer ces projets. Sans ces derniers, une grande partie de la France – les zones non rentables – risquerait de perdre les bénéfices d’une technologie permettant aux territoires et à ses acteurs de se développer économiquement, d’être compétitifs et de se rapprocher des services publics.

Peut-être pourriez-vous, madame la ministre, nous faire part de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet ?

Si cet objectif hautement louable doit être salué, une remarque s’impose : où en serons-nous d’un point de vue technologique dans dix ans ? D’ici là, d’autres révolutions technologiques auront eu lieu. Voilà un peu plus de dix ans, nous n’utilisions pas la Wi-Fi, nous ne disposions pas de la 3G.

Ainsi peut-on regretter que le plan très haut débit ne prenne pas assez en compte les réseaux sans fil, lesquels sont complémentaires de la fibre et permettent de fournir du haut et du très haut débit, alors qu’ils pourraient jouer un rôle de transition en attendant le déploiement de la fibre.

Les réseaux mobiles sont aussi l’avenir, comme le prouvent nos usages. Ordinateurs, smart phones, tablettes, imprimantes : tous se connectent sans fil. En l’absence de réflexion sur les réseaux mobiles, nous risquons, madame la ministre, d’être également en retard dans ce domaine. J’espère que vous pourrez également nous apporter plus de précisions à ce sujet, ainsi que sur la faisabilité financière de l’ambitieuse feuille de route gouvernementale.

Cette feuille de route, vous l’aurez compris, madame la ministre, est accueillie très favorablement, car elle constitue un signe fort. C’est une solution, un moyen pour réduire la fracture numérique et les inégalités entre les territoires, territoires dont nous sommes tous issus, ici au Sénat. §

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