Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la loi pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, du 27 mai 2009 a prévu la possibilité, pour les entreprises implantées dans un département d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, de verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié. Cette possibilité est subordonnée à l’existence d’un accord régional interprofessionnel applicable dès l’année 2009.
Cette mesure provisoire, prise initialement en 2009 pour une durée de trois ans, visait à répondre aux vives protestations qui s’étaient élevées contre la « vie chère » et aux fortes revendications sociales qui s’étaient exprimées au cours de la crise qui devait durement toucher les collectivités ultramarines en 2009.
Le revenu disponible des ménages domiens apparaît en effet inférieur de 35 % en moyenne à celui des ménages hexagonaux, tandis que les produits alimentaires sont de 30 % à 50 % plus chers dans les DOM qu’en métropole.
En outre, la proportion de salariés du secteur privé domien couverts par une convention collective est inférieure à 60 %, tandis qu’elle s’établit à 85 % au niveau national, si bien que la proportion de salariés rémunérés au voisinage du SMIC est plus élevée dans les DOM.
Dans le but d’inciter les employeurs à recourir au bonus exceptionnel, celui-ci est exonéré de toutes les charges sociales, à l’exception de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du forfait social.
Quel est l’objet du texte adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales le 27 mars dernier ?
Dans sa rédaction d’origine, l’article 3 de la LODEOM prévoyait une durée maximale de trois ans pour le dispositif incitatif d’exonération de charges sociales.
Faute d’amélioration du contexte économique et social dans les outre-mer, la loi de finances pour 2012 a ensuite porté de trois à quatre ans la durée de ce dispositif, à compter de la date de versement prévue par l’accord ou, à défaut, à compter de la date de conclusion de l’accord.
Au terme de cette prolongation, le régime social favorable dont bénéficie le bonus exceptionnel sera, dans les faits, conduit à s’interrompre entre le mois de mars et le mois de décembre de l’année 2013.
Alors que la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, adoptée en novembre dernier, n’a pas encore pu produire tous ses effets, le risque de sortie brutale d’un dispositif important de soutien au pouvoir d’achat des salariés les plus modestes n’est pas de nature à apaiser les tensions sociales récurrentes dans les outre-mer, bien au contraire. Pour mémoire, je rappelle que ce dispositif concerne trois salariés sur quatre, c’est-à-dire près de 95 000 personnes à La Réunion, près de 52 000 en Guadeloupe et près de 25 000 en Guyane.
Dans ce contexte, le Premier ministre a pris l’engagement, lors de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer du 10 décembre dernier, de prolonger le dispositif d’un an supplémentaire dans l’attente de la montée en charge des mesures de lutte contre la vie chère adoptées depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, notamment le « bouclier qualité-prix » et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Cet engagement s’est traduit par la présentation au Sénat d’un amendement du Gouvernement au projet de loi portant création du contrat de génération. L’article 9 de ce texte, tel qu’il a été adopté définitivement par le Parlement le 14 février 2013, prévoyait la prorogation du dispositif d’exonération jusqu’au 31 décembre de la même année.
Toutefois, par une décision du 28 février 2013, le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, pour des raisons formelles, en considérant qu’elle ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui vise à répondre aux préoccupations d’ordre social que j’ai mentionnées, tout en tenant compte des objections exprimées par le Conseil constitutionnel sur la procédure. Elle reprend le dispositif de prorogation sur lequel le Parlement s’est déjà prononcé favorablement.
Il s’agit en effet de prolonger les exonérations de cotisations sociales appliquées au bonus salarial exceptionnel outre-mer jusqu’au 31 décembre 2013, dans un esprit de transition, avant un retour au droit commun.
Avant de conclure, je souhaite rappeler que la commission des affaires sociales a réintroduit dans le texte le mécanisme de compensation budgétaire qui avait été proposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement dans le cadre de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération. La mission « Outre-mer » prendrait ainsi en charge les pertes de recettes engendrées par la prorogation pour les organismes de sécurité sociale, pertes évaluées à 12 millions d’euros.
Ce mécanisme permet de se conformer à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, selon lequel toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale doit obligatoirement donner lieu à une compensation intégrale aux organismes de sécurité sociale concernés par le budget de l’État pendant toute la durée de son application.
Mais la situation a évolué et le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement de suppression de l’article 2 qui rend obsolète ce gage financier, ce que je salue.
Je remercie vivement la conférence des présidents qui, compte tenu de l’urgence et de la situation économique et sociale outre-mer, a bien voulu inscrire ce texte à l’ordre du jour de la présente séance. J’exprime aussi ma reconnaissance à mes collègues de la commission des affaires sociales, qui l’ont adopté à l’unanimité.
Puisse une telle unité de vue s’exprimer de nouveau ce soir dans notre assemblée !