Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer – à l’exception de Mayotte –, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy.
Elle a été déposée, quasi simultanément, par nos collègues Paul Vergés et Michel Vergoz, et concerne en fait ce que l’on appelle la prime COSPAR, du nom du Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion.
Cette prime a été mise en place pour une durée de trois ans, en 2009, dans un contexte extrêmement tendu. Un conflit social majeur mobilisait alors les populations des départements d’outre-mer, excédées par les inégalités de revenus et la dure réalité de la vie chère.
À la fin du mois de mai 2009, l’article 3 de la LODEOM a accordé, aux employeurs implantés dans un département d’outre-mer, la possibilité de verser à leurs salariés, sous certaines conditions, un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié.
Ce bonus exceptionnel est assorti d’un régime incitatif d’exonération quasi intégrale des charges sociales, comme cela vient d’être également rappelé.
Notre rapporteur nous assure que ce dispositif a, par exemple, concerné trois salariés sur quatre à La Réunion, soit 94 400 salariés répartis dans 9 400 entreprises. Nous ne savons s’il faut se réjouir du succès rencontré par ce dispositif ou s’inquiéter du nombre de personnes concernées par cette mesure réservée aux bas salaires…
Quatre ans plus tard, la situation n’est malheureusement pas beaucoup plus satisfaisante. Plusieurs des orateurs m’ayant précédée à cette tribune ont rappelé les chiffres qui montrent l’ampleur de la crise économique et sociale traversant ces pays.
Compte tenu du contexte économique et social toujours difficile en outre-mer, l’article 60 de la loi de finances initiale pour 2012 avait d’ailleurs porté la durée de l’exonération à quatre ans. La même proposition a de nouveau été présentée au Parlement, à l’occasion de la discussion de la loi de finances pour 2013. L’amendement en question a toutefois été repoussé à la demande du Gouvernement, avant d’être finalement réintroduit quelques semaines plus tard dans le cadre de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
Le Conseil constitutionnel, peu convaincu, a « retoqué » cette dernière option, dans laquelle il a vu un cavalier législatif.
Nous voilà donc aujourd’hui réunis en urgence pour venir en aide aux Domiens puisque, dans les faits, et compte tenu de l’ensemble des dispositions en vigueur, ce dispositif sera conduit à s’interrompre entre le mois de mars et le mois de décembre 2013 – selon les territoires et la date de signature de l’accord initial – alors que le contexte économique et social ne s’est pas encore sensiblement amélioré.
Le groupe écologiste du Sénat, solidaire des populations ultramarines confrontées à des difficultés particulièrement exacerbées, votera bien sûr cette prolongation, comme il l’avait déjà fait lors de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
Afin d’éviter une sortie précipitée qui ne ferait que raviver les tensions sociales latentes, nous devons proroger temporairement ce dispositif, jusqu’à la fin de l’année 2013, en attendant de sentir les premiers effets des mesures contenues dans la loi contre la vie chère, adoptée par le Parlement il y a quelques mois sur votre initiative, monsieur le ministre.
Nous espérons qu’un vote conforme de l’Assemblée nationale, le 9 avril, permettra à cette prorogation d’entrer en vigueur dans les plus brefs délais.
Pour autant, proroger indéfiniment ce type de dispositif d’urgence n’est pas satisfaisant et ne règle rien à long terme, nous en sommes tous conscients.
L’accord sur le dispositif bouclier qualité-prix intervenu le 1er mars dernier sur un panier de produits de grande consommation est, à ce titre, une bonne nouvelle. Les baisses de prix pour l’instant constatées, qui vont de 10 % à 13 %, constituent, monsieur le ministre, un résultat positif.
La guerre des prix que ce bouclier a enclenchée entre différentes enseignes laisse peut-être penser que la concurrence est de nouveau de rigueur en outre-mer. Il ne s’agit cependant que d’un premier pas et nous ne devons ni nous en satisfaire ni nous laisser déconcentrer. Bien au contraire, cela doit nous encourager à aller plus loin.
À ce titre, les négociations actuellement en cours concernant le prix des carburants nous paraissent primordiales. De plus, nous attendons avec impatience que soient pris l’ensemble des décrets d’application du projet de loi contre la vie chère, notamment celui qui concerne la composition des observatoires que les parlementaires ont appelé de leurs vœux pour qu’un suivi très régulier de l’application de la loi soit attentivement effectué. Cela implique que des élus, y compris des parlementaires, en soient membres. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quand ces dispositions entreront en vigueur ?
De même, nous lirons avec intérêt le rapport que doit rendre en avril notre collègue député Serge Letchimy sur les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins, puisqu’il s’agit là en fait de chercher les moyens de faciliter, au sein des grandes régions du monde, Caraïbes, Pacifique, Océan indien, Océanie, des échanges directs.
En conclusion, notre groupe est convaincu que le développement soutenable de l’activité économique en outre-mer est la seule solution. Cela suppose le respect des écosystèmes et de la biodiversité afin que des filières économiques nouvelles, porteuses de nombreux emplois locaux non délocalisables – c’est l’une de vos préoccupations, monsieur le ministre – émergent et se consolident : économies d’énergies, biomasse, énergies renouvelables, circuits courts de production et de transformation agricoles…
Je sais que les occasions d’en reparler, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne manqueront pas dans les mois qui viennent !