Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de loi tendant à proroger jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer, institué par l’article 3 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Ce dispositif, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, a pour but d’inciter les employeurs implantés dans un département d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, territoires devant disposer d’un accord régional ou territorial interprofessionnel, à verser un bonus exceptionnel d’un montant maximum de 1 500 euros par salarié et par an.
Ce bonus, exonéré de cotisations et de contributions d’origine légale ou conventionnelle, à l’exception de la CSG et de la CRDS, a été initialement conçu pour avoir une existence de trois ans.
Sa vocation est donc d’inciter les employeurs ultramarins à verser à leurs salariés un complément de rémunération afin de revaloriser leur pouvoir d’achat, tout en évitant un surcoût à leurs entreprises.
Le dispositif est assorti d’un régime social favorable.
Il a été mis en place dans des circonstances très particulières : le contexte économique et social tendu et difficile ayant engendré des troubles sociaux importants, ce dispositif était une réponse aux mouvements violents qui avaient éclaté en 2009.
Il a été prorogé en 2011 par la majorité de l’époque à laquelle j’appartiens au regard du contexte économique et social dégradé qui perdurait en outre-mer : l’article 60 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 l’a ainsi prolongé d’un an, portant la durée totale du dispositif à quatre années. Le bonus exceptionnel devait donc s’éteindre entre les mois de mars et de décembre 2013, selon les territoires et les dates de signature de l’accord initial.
Or, face aux tensions sociales et aux problèmes économiques qui demeurent dans nos territoires ultramarins, le gouvernement actuel a dû se déterminer à une nouvelle prolongation, mais l’exercice a manqué d’un peu de méthode et s’est déroulé en plusieurs étapes...
Tout d’abord, lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, le Gouvernement s’est opposé à l’amendement tendant à la prorogation du système qu’avait déposé M. Paul Vergès, ainsi que celui-ci le rappelle d’ailleurs dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, et l’amendement a alors été rejeté, à la demande du Gouvernement.
Certes, comme M. le rapporteur l’a souligné en commission, cet amendement visait une prorogation de trois ans, ce qui aurait augmenté considérablement le coût de la mesure. Mais n’appartenait-il pas alors au Gouvernement de déposer un sous-amendement visant à prolonger le dispositif d’une année, comme il allait s’y engager quelques jours plus tard, lors de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer ?
En effet, le Gouvernement est revenu sur sa position le 10 décembre dernier. Il a alors décidé d’insérer un article spécifique dans le projet de loi portant création du contrat de génération, lors de la lecture de ce texte au Sénat. Cet article fut « retoqué » par le Conseil constitutionnel, puisqu’il s’agissait d’un cavalier législatif. C’est cette décision qui a provoqué l’inscription précipitée à notre ordre du jour des propositions de loi de nos collègues Michel Vergoz et Paul Vergès.
Je souhaitais souligner l’incohérence de la méthode, car j’ai été surpris de la manière dont le rapporteur, Michel Vergoz, présentait ces « rebondissements » à la presse. Ainsi, se plaignant du recours constitutionnel des députés UMP, il s’est félicité de la fermeté gouvernementale « face à l’obstruction systématique et politicienne de l’UMP et aux conséquences brutales de ces postures vis-à-vis des salariés les plus modestes ». Je me permets de formuler trois remarques à cet égard.
D’une part, le recours des parlementaires UMP portait non pas sur l’article visant le dispositif ultramarin, mais sur l’article 6 relatif au corps de l’inspection du travail, qui constituait un autre cavalier. Contrairement à ce qui a été dit, les députés UMP se sont gardés de remettre en cause l’article 9 ; c’est le Conseil constitutionnel qui a jugé opportun d’assurer le respect de la Constitution en le déclarant non conforme. Vous deviez probablement être mal renseigné, monsieur le rapporteur, pour parler d’« obstruction » !
D’autre part, il est difficile de comprendre une telle attaque, alors que c’est notre majorité qui a inséré le dispositif du bonus dans la LODEOM, puis l’a prorogé d’une année dans la loi de finances pour 2012 ! Je pense que cette mise au point était nécessaire.
Mais le sujet ne peut, pour autant, souffrir d’aucune position partisane, car il est consensuel ; les clivages et les oppositions trouveront d’autres tribunes. Nous sommes tous conscients, dans cet hémicycle, que tout doit être mis en œuvre pour aider les salariés de nos territoires ultramarins. C’est une nécessité ; c’est notre devoir.
Le souci de soutenir le pouvoir d’achat des salariés ultramarins les plus modestes nous rassemble aujourd’hui, au-delà de nos appartenances politiques.
Mon département, La Réunion, a récemment été secoué par des violences à la suite d’un mouvement social déclenché par le prix de l’essence aboutissant à la dénonciation du problème de la vie chère, cette préoccupation constante de nos collectivités. Viennent s’ajouter à cette problématique des facteurs sociaux préoccupants : à La Réunion, dans certains quartiers, le chômage concerne près de 70 % des moins de vingt-cinq ans. Cette situation provoque détresse, exclusion et précarité. De plus, 30 % de la population active réunionnaise est au chômage. La persistance d’une croissance quasi nulle, tant en métropole qu’à La Réunion, ne fait qu’obscurcir encore plus les perspectives. Et nous ne guérirons ce mal que par l’emploi.
La croissance économique de notre île devra s’appuyer beaucoup plus sur le secteur privé. À cette fin, il faudra développer la formation de la population et l’alternance, encourager nos échanges commerciaux avec nos voisins immédiats et s’attacher à baisser le coût du travail. C’est la raison pour laquelle j’appelle le Gouvernement à proposer des réformes d’ampleur, qui sont nécessaires pour donner aux entreprises les moyens d’embaucher.
Néanmoins, je me réjouis, ce soir, de l’unanimité que recueille cette mesure favorable aux salariés d’outre-mer. C’est pourquoi, mes chers collègues, ainsi que le groupe UMP, j’apporte mon soutien à la présente proposition de loi.