Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 2 avril 2013 à 21h30
Régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Victorin Lurel :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’engager la discussion de la proposition de loi, il me reste à vous remercier une nouvelle fois de la qualité de votre travail et à vous féliciter de la célérité avec laquelle vous vous êtes accordés sur un texte pertinent. Celui-ci arrive en temps et en heure, car, pour certains salariés, le dispositif de bonus exceptionnel a cessé de s’appliquer à la fin du mois de mars. Il fallait donc le proroger jusqu’à la fin de l’année 2013.

Si vous le permettez, je vous répondrai à tous globalement, en dressant un bilan d’étape de la loi relative à la régulation économique outre-mer.

Pour le dire brièvement, ça marche ! Je peux témoigner – je m’adresse notamment à ceux qui doutent – de la qualité de notre vision et de notre ambition. Oui, ça marche et cela répond à une vision que nous avons pour les outre-mer.

Les dispositions de la loi créent des perspectives, afin de répondre à la nécessité impérative dans laquelle nous sommes de changer l’environnement économique et en particulier les conditions de fonctionnement du marché, en instaurant davantage de concurrence. Ça marche à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte ou encore à Wallis-et-Futuna. On observe entre 10 % et 15 % de baisse immédiate des prix.

Nous voulons cependant aller plus loin. Bien sûr, les choses ne sont pas toujours faciles ! Bien sûr, en économie de liberté, des corporations et des groupes défendent leurs intérêts ; c’est normal. Le décret sur les carburants est prêt ; il est mis en circulation, et j’espère obtenir un arbitrage avant l’été. Le décret sur les observatoires des prix est prêt lui aussi ; nous n’avons pas souhaité le publier trop tôt, parce que nous avions engagé des consultations sous l’autorité des préfets. Si nous avions publié un décret modifiant la composition des observatoires des prix, nous aurions provoqué une sorte de choc procédural qui aurait retardé l’entrée en vigueur du bouclier qualité-prix. C'est pourquoi nous avons pris le temps de bien faire les choses.

Je rappelle également qu’il n’existe pas d’observatoire des prix à Saint-Barthélemy ni à Saint-Martin. Il faut donc trouver un dispositif pour que cela fonctionne.

Par ailleurs, la loi relative à la régulation économique outre-mer ne vise pas uniquement à faire baisser les prix alimentaires. Un certain nombre d’engagements ont été pris ; ils seront respectés. Plusieurs parlementaires sont déjà en mission et travaillent. Le député Serge Letchimy devrait très bientôt rendre son rapport. Le député de La Réunion Patrick Lebreton a été chargé en janvier par le Président de la République de formuler des propositions sur les modalités de recrutement – la mission a pris un peu de retard, je l’avoue. Il s'agit de trouver les moyens, dans le cadre du droit commun qui s’applique en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, de donner une certaine priorité au recrutement local, à compétences égales et toutes les conditions requises étant remplies. Il reste quelques points délicats à arbitrer, mais cela avance.

Par ailleurs, de belles discussions sont engagées, même si les points de vue divergent et que chacun défende ses intérêts, notamment sur le fret, singulièrement le fret aérien. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, je puis vous affirmer que nous avons bien une vision sur la question comme sur celle du carburant – je ne cache pas que nous discutons de ce sujet avec les grands opérateurs.

Bien entendu, les lobbys travaillent et je ne dis pas cela de manière péjorative. Ils ont d’ailleurs voulu court-circuiter le ministère des outre-mer. Au plus haut niveau, on leur a fait comprendre que de tels sujets se discutaient au niveau de mon ministère, ainsi qu’en interministériel, bref, qu’il y avait des circuits à respecter.

Ensuite, nous avons bien l’intention, même si les choses ne sont pas aussi évidentes, de nous ouvrir sur l’environnement immédiat, c’est-à-dire sur les économies voisines de nos territoires ultramarins. Seulement, nous y mettons une condition : ouverture, oui, mais pas dans la naïveté, pas dans l’asymétrique, dans la réciprocité et, je l’espère, dans l’équilibre, pour ne pas déstructurer plus qu’il ne faut nos économies. Tout ce travail est engagé, mesdames, messieurs les sénateurs.

En outre, si nous pouvons, pour un temps, en quelque sorte, nous émanciper des normes européennes inhérentes au régime des régions ultrapériphériques, sans pour autant sortir du territoire douanier européen, nous le ferons.

Sur tous ces sujets, les chantiers ont été entrepris, les rapports sont attendus et j’espère que les décisions interviendront, soit après arbitrage pour ce qui est des décisions réglementaires, soit après le passage au Parlement pour les matières relevant du domaine législatif. Donc, je ne désespère pas de l’avenir, mesdames, messieurs les sénateurs.

Sachez que nous sommes en plein travail préparatoire de la loi d’avenir de l’agriculture, qui intéresse aussi nos territoires. Je demanderai aux préfets, mais aussi aux présidents de région et à tous les élus locaux d’organiser des débats sur l’avenir de l’agriculture outre-mer, notamment au regard de la transition écologique. Comment sortir des pesticides pour produire dans l’excellence biologique et agro-écologique ? Nous ferons aussi ce travail, ce qui montre bien que nous avons une vision pour l’outre-mer. Nous n’attendrons pas dix ans pour fixer un cap.

Le cap est fixé : c’est la première fois que, de manière volontariste, un gouvernement s’efforce de combattre les monopoles et l’économie de rente, tout en respectant les libertés du marché.

Sans entrer dans les polémiques, monsieur Fontaine, je rappelle que deux textes ont été déférés au Conseil constitutionnel. Or nous savons bien que cette juridiction s’empare de la totalité des dispositions d’un texte qui lui est soumis. Cela étant, nous savions qu’il y avait un risque. Le même problème avait été soulevé pour la défiscalisation.

Aujourd’hui, force est de constater que le Gouvernement a donné priorité aux outre-mer autant qu’à la sécurité, la justice et l’éducation. Le budget des outre-mer a augmenté de 5 % cette année, ce qui ne s’était jamais vu en pleine crise de l’économie et des finances publiques – et une crise de quelle gravité ! -, et une hausse de près de 13 % est prévue sur trois ans. Nous n’avons donc pas à nous plaindre. Et si les outre-mer prennent leur part à l’effort, comme il se doit, c’est en fonction de leurs facultés contributives.

Ce texte, s’il est voté, s’accompagnera de la montée en puissance, si j’ose dire, de la loi LRE et de la mise en place effective du RSA. À ce sujet, je puis vous assurer, monsieur Guerriau, qu’une information permanente est donnée aux titulaires du RSTA pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits afin de bénéficier, demain ou après-demain, du RSA. Néanmoins, soyons honnêtes, il restera peut-être un nombre restreint de nos compatriotes ultramarins qui ne pourront en bénéficier, compte tenu des plafonds et des seuils.

Enfin, il faut rappeler que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dans sa dimension « exploitation » – d’autres études portent sur la mise en place du CICE « investissement » –, est proportionnel à la masse salariale, soit 4 % en 2013 puis 6 % à partir de 2014. Là aussi, il conviendra d’évaluer la meilleure façon d’en faire profiter les outre-mer.

Pour ma part, j’ai une feuille de route constituée par les trente engagements spécifiques du Président de la République pour les outre-mer – il y en avait soixante pour toute la nation. Non sans obstination, mais en faisant preuve aussi de diligence et toujours animé du même esprit d’ouverture, je m’y tiendrai.

En conclusion, je tiens à remercier le Sénat de la qualité de ses débats, toujours consensuels. J’espère donc que ce texte sera voté le plus largement possible, presque à l’unanimité. Quant à vous, monsieur Guerriau, qui avez déclaré que vous ne pouviez pas voter contre, je vous remercie de votre bienveillance.

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