Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 3 avril 2013 à 14h30
Droits sanitaires et sociaux des détenus — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, nous étions réunis dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi de programmation relative à l’exécution des peines. Préparé à la hâte à la suite d’un fait divers tragique, ce texte était guidé par l’idéologie, que nous avions dénoncée, selon laquelle le tout-répressif constitue le meilleur remède à la récidive.

Les chiffres le montrent, le « consensus sécuritaire » de ces dernières années relève d’une pure idéologie, qui ne résiste pas à l’épreuve des faits : en dépit des réformes engagées par le gouvernement précédent, le taux de récidive n’a cessé d’augmenter, passant de 3 % en 2006 à 6 % en 2010 pour les crimes, et de 7 % à 11 % pour les délits.

Bien sûr, la lutte contre la récidive doit continuer de guider notre politique pénale. Mais, comme le gouvernement actuel, je considère que, pour être efficace, cette action nécessite de travailler prioritairement à la réinsertion. Cela peut prendre plusieurs formes, que le temps ne nous permet pas, aujourd’hui, de détailler toutes.

Monsieur le ministre, je sais que le Gouvernement s’est d’ores et déjà courageusement saisi de la question de l’aménagement des peines. Sachez que vous avez tout notre soutien sur ce dossier. Il serait d’ailleurs intéressant, une prochaine fois, de réfléchir à la mise en place en amont d’alternatives à l’incarcération. Toutefois, c’est sur les conditions sanitaires et sociales de détention que le groupe écologiste souhaite aujourd’hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer votre attention.

C’est une évidence : une réinsertion efficace doit se préparer tout au long de l’exécution d’une peine. Or les difficultés éprouvées par les détenus pour se former, accéder à une activité ou encore se soigner montrent que toutes les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui pour que tel soit le cas.

Concernant les droits sociaux, je souhaite en premier lieu aborder la question du travail en détention. L’exercice d’une activité rémunérée est primordial pour les personnes détenues, car il leur permet de subvenir, si elles le souhaitent, à leurs besoins. Il garantit l’indemnisation des parties civiles, amorce une démarche de réinsertion et contribue à éviter la récidive.

Cependant, malgré la nécessité d’une telle activité, seules 39 % des personnes incarcérées bénéficient aujourd’hui d’un travail : ce pourcentage inclut la formation professionnelle rémunérée, à hauteur de 14, 6 % des actifs, et les emplois à l’extérieur dans le cadre d’un aménagement de peine. Ce chiffre tombe ainsi à 27 % si l’on ne prend en compte que le travail en détention.

Par ailleurs, n’oublions pas que le travail proposé est loin d’être toujours effectué à temps plein tout au long de l’année. Il est le plus souvent peu qualifié, connaît d’importantes fluctuations et sa rémunération est très faible, les revenus mensuels moyens des travailleurs détenus tournant autour de 318 euros, alors que le coût mensuel de la vie en prison est évalué à environ 200 euros.

Les personnes détenues ne bénéficient pas d’un contrat de travail et ne sont pas régies par le droit commun du travail. Les dispositions relatives non seulement à la période d’essai, au préavis, au droit commun d’expression collective des salariés, à la procédure de licenciement, mais également aux différents droits sociaux liés à l’exercice d’une activité professionnelle ne s’appliquent donc pas aux travailleurs privés de liberté. Les fiches de paie sont de surcroît souvent peu lisibles et les critères selon lesquels le montant de la rémunération est fixé, souvent très opaques.

Une question prioritaire de constitutionnalité est à l’étude sur ce sujet au Conseil constitutionnel et les prud’hommes ont accordé à une détenue, le 8 février dernier, le paiement d’un préavis de licenciement de 521 euros, les congés payés afférents, ainsi que des indemnités de 521 euros pour « inobservation de la procédure de licenciement ». Il serait bon que, sur cette question, le législateur et le Gouvernement agissent avant de se voir imposer un changement indispensable.

Exclu du droit commun, le travail réalisé en prison n’ouvre par ailleurs aucun droit à l’assurance chômage, situation qui compromet singulièrement la réinsertion des sortants. Pour ce qui est de l’assurance vieillesse, l’article 94 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoyait la remise d’un rapport par le Gouvernement avant le 30 juin 2011, rapport dont nous n’avons jamais eu de nouvelles.

À ce jour, la situation des personnes incarcérées au regard de la retraite reste éminemment problématique. En l’absence d’un mode de calcul spécifique, la validation des semestres de cotisation est particulièrement difficile en prison, ce qui donne lieu à des montants de pensions très bas, de l’ordre de quelques dizaines d’euros seulement. En vertu de l’article R. 381-105 du code de la sécurité sociale, seuls les détenus travaillant au service général sont en mesure de valider leurs semestres de cotisation sur la base du temps de travail, plutôt que sur celle de la rémunération, cette règle n’étant d’ailleurs pas systématiquement appliquée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Une réflexion plus approfondie sur les moyens de faire progresser l’accès aux droits des personnes passées par la prison semble, à ce titre, nécessaire et urgent.

Par ailleurs, les dispositifs d’éducation et de formation professionnelle dans les lieux de détention subissent une situation persistante de crise structurelle et budgétaire. Pourtant, les besoins de la population carcérale sont considérables : plus d’un quart des détenus sont illettrés ou éprouvent des difficultés à lire, et près de la moitié d’entre eux n’ont aucun diplôme. En 2010, le taux de personnes ayant bénéficié d’une formation professionnelle n’a guère dépassé 8 %, et le taux de personnes scolarisées, 24 %.

Alors que les ministères de la justice et de l’éducation nationale se sont engagés à offrir aux personnes détenues « une éducation de qualité équivalente à celle dispensée dans le monde extérieur », la majorité des créations de postes réclamées par les unités d’enseignement en prison entre 2005 et 2010 ont été refusées pour des raisons d’économies budgétaires.

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