J'ai en effet été membre du groupe Liikanen. Michel Barnier m'avait choisi en tant que président exécutif d'EADS, pour représenter les entreprises, de même qu'une membre belge représentait les épargnants.
J'ai eu rapidement le sentiment qu'un certain nombre de membres de la commission avaient décidé d'obtenir du rapport Liikanen une position en faveur d'une séparation nette entre les activités de marché et les activités de détail. C'était sans doute lié au rapport Vickers, pour ne pas créer de problèmes de compétitivité aux banques britanniques.
J'ai dès le départ été convaincu que la séparation était un danger majeur pour les banques françaises, qui, du reste, ne s'étaient pas mal comportées avant la crise, notamment au regard du contrôle des risques, sauf Dexia, et qui bénéficiaient d'une supervision qui a toujours bien fonctionné. L'économie française dispose d'un système bancaire qui offre tous les services que les entreprises peuvent demander.
Je suis donc rapidement devenu, au sein du groupe, le défenseur des banques universelles, alors que d'autres membres ont rejoint les positions, par exemple, des responsables de la Royal Bank of Scotland, de la Lloyds ou encore de la Deutsche Bank.
Le rapport est cependant équilibré ; je m'en différencie toutefois sur un point : la tenue de marché. Je suis heureux de voir que le projet de loi français isolait la partie qui me paraissait clairement spéculative et préservait la partie correspondant aux besoins des entreprises, notamment pour accéder au marché. C'est tout l'intérêt de la tenue de marché, qui permet d'apporter la liquidité pour les entreprises présentes sur les marchés.
Le danger de la séparation aurait été la mort de la banque d'investissement française. La seule ayant la taille critique suffisante pour vivre séparée est celle de BNP Paribas et, peut-être, de la Société Générale. Il en serait donc résulté un appauvrissement de l'offre de services aux entreprises, alors qu'aucune crise ne les avait frappées et qu'aucune preuve n'avait été apportée d'une aggravation du risque systémique. Le seul élément était l'idée de garantie implicite du contribuable sur ces activités, mais cela peut se traiter autrement, par exemple par des ratios prudentiels plus élevés pour les opérations de tenue de marché.