Intervention de Bruno Bézard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 avril 2013 : 3ème réunion
Révision des valeurs locatives et modalités de répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises cvae — Audition de M. Bruno Bézard directeur général des finances publiques

Bruno Bézard, directeur général des finances publiques :

Merci tout d'abord de cette invitation, qui me permet de vous présenter le travail de la DGFiP en matière de finances locales et en particulier la façon dont elle gère les importantes évolutions intervenues dans ce domaine ces dernières années.

Je tiens tout d'abord à dire que la DGFiP est totalement investie sur les questions de fiscalité directe locale, que ce soit en termes de gestion ou de contrôle, pour s'assurer de la fiabilité des bases. Je tiens à cette précision car j'entends dire parfois que nous nous intéresserions uniquement aux impôts d'Etat. Nous réalisons en matière de finances locales un travail très important et, je crois, de qualité.

S'agissant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, la DGFiP s'est fortement investie sur ce sujet pour qu'elle se fasse dans de bonnes conditions, à la fois pour les contribuables et les collectivités territoriales.

Avant même le vote de la loi, une concertation a eu lieu avec les collectivités et avec les professionnels pour permettre une bonne application du texte. Ensuite, une expérimentation a été menée dans cinq départements, toujours en concertation avec les acteurs concernés, qui ont par exemple été associés à la définition des télé-procédures. Je souligne que celles-ci sont un élément fondamental pour nous, car nous croulons sous le papier. Ce test réel a permis d'anticiper les difficultés et par exemple d'allonger le délai de dépôt des déclarations. Un rapport sur ce sujet a été remis au Parlement en janvier 2012.

La campagne déclarative générale a été lancée à la date prévue, c'est-à-dire le 11 février dernier. C'est une opération de grande ampleur : 3,3 millions de locaux et 1,7 million de propriétaires sont concernés. Ces déclarations seront traitées informatiquement afin de définir des secteurs avec des tarifs au mètre carré homogènes et une valeur locative moyenne. Ces données seront donc issues de la réalité statistique.

Les déclarations sont encore en cours : le délai court jusqu'au 8 avril pour les déclarations écrites et jusqu'au 8 mai pour les télé-déclarations. Nous avons reçu à ce stade 31 % des réponses, soit un million de déclarations. Nous nous réjouissons d'ailleurs que la télé-déclaration ait été massivement utilisée.

Le décret en Conseil d'Etat créant les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels devrait être publié au second semestre de cette année et sera bientôt soumis au comité des finances locales (CFL). Début 2014, des propositions de découpage en secteurs homogènes et de grilles de tarifs seront soumises à ces commissions. Elles fixeront les paramètres définitifs mi-2014, le cas échéant après arbitrage des commissions départementales des impôts directs locaux. Au second semestre 2014, les nouvelles valeurs locatives seront intégrées pour le calcul des impositions 2015. Cette description peut vous paraître assez simple, mais le travail que cela représente est considérable pour la DGFiP.

En ce qui concerne la contribution économique territoriale (CET), je crois que je recueillerai le consensus en disant que ce nouvel impôt est très complexe. La DGFiP a investi fortement dans la formation de ses propres agents pour qu'ils s'approprient cette réforme. La complexité de gestion demeure, du fait de l'articulation sur plusieurs exercices et des nombreux dégrèvements prévus. Les coûts informatiques sont importants et la charge de travail pour ceux qui gèrent cet impôt et son contentieux est démesurée. C'est un sujet de préoccupation pour la DGFiP, dans un contexte où on lui demande de réaliser des économies d'effectifs et de moyens.

J'émets à ce propos le voeu que l'objectif de stabilité fiscale, évoqué dans le récent pacte de compétitivité et qui vise explicitement la CET, soit respecté. Je pense également qu'il faudrait prendre davantage en compte, lorsque l'on discute d'un impôt, son coût de gestion.

La gestion et le recouvrement de la CET sont assurés au plus près, par les services d'impôts aux entreprises (SIE). Etant plus proches des entreprises, ils sont les mieux positionnés et en ont une vision globale, ce qui permet également un meilleur contrôle et un meilleur recouvrement. Sur ce sujet aussi, nous poussons à la dématérialisation des procédures et des avancées sont encore possibles. En ce qui concerne les bases de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), dans la mesure où il s'agit de grandes entreprises, leur gestion est centralisée, ce qui permet qu'elles aient un interlocuteur unique.

Nous avons mené un important travail - et il y en avait besoin - de fiabilisation des bases de cotisation foncière des entreprises (CFE). Nous allons également modifier nos systèmes informatiques pour faire communiquer les systèmes du « monde foncier » et du « monde fiscalité des professionnels ».

Pour la CVAE, des traitements informatisés de contrôle des paiements et d'application des exonérations ont été mis en place dès 2012. Globalement, nous estimons que les entreprises font preuve d'un bon civisme déclaratif, malgré la charge qui est suscitée et le caractère nouveau de cet impôt. Les télé-déclarations favorisent d'ailleurs ce civisme, dans la mesure où elles sont plus faciles à faire.

Concernant la communication des bases aux collectivités locales, nous avons pris des mesures pour qu'elle se fasse le plus rapidement possible afin que les collectivités soient en mesure de voter leur budget en connaissance de cause.

Dès le 10 septembre de chaque année, nous leur transmettons des simulations des bases de CFE des établissements les plus importants ainsi que, depuis l'an dernier, un état de comptage prévisionnel des assujettis à la cotisation minimum, afin qu'elles fixent la base minimum en fonction du chiffre d'affaires. Nous communiquons l'état de notification de bases prévisionnelles un mois avant la date limite de vote du budget, c'est-à-dire autour du 15 mars. Enfin, nous communiquons, puisque la loi nous permet de le faire, le détail des bases et cotisations de chaque assujetti à la CFE et aux IFER aux collectivités bénéficiaires. Cette communication se fait sur CD-ROM, afin de permettre des traitements ultérieurs.

S'agissant du reversement du produit de la CVAE, la répartition est complexe et fait intervenir de nombreuses variables : valeurs foncières, effectifs salariés, niveau des collectivités... Notre système contient des dizaines de millions de données. Nous essayons de faire en sorte que ce traitement soit le plus parfait possible. Nous contrôlons l'exploitabilité des déclarations et nous procédons à la répartition du produit, selon les termes de la loi.

Il a fallu également répondre à la situation d'urgence créée par la possibilité ouverte aux collectivités de revenir sur les bases minimum de CFE qu'elles avaient définies pour 2012. 113 communes et établissements publics de coopération intercommunale, soit 1 374 communes concernées, ont utilisé cette possibilité. Ont ainsi été touchés 115 000 contribuables, pour un montant de 75 millions d'euros.

La gestion de cette crise n'est pas achevée : nous devons recouvrer auprès des redevables la partie non prise en charge par les collectivités et il a donc fallu monter en toute urgence un système dédié d'imputation comptable. Là encore, ce travail a constitué une charge considérable, pour un service qui était déjà fortement mobilisé sur la révision des valeurs locatives.

J'ajoute que j'ai régulièrement entendu dire que la DGFiP aurait mal conseillé les collectivités. Je tiens à votre disposition des échanges que nous avons eus avec certaines d'entre elles, qui montrent que nos mises en garde n'ont pas été écoutées. On ne peut pas nous reprocher de ne pas les avoir alertées sur ce sujet.

S'agissant de l'assiette de la CFE, les règles ne sont pas satisfaisantes pour les très petites entreprises, comme l'a montré cet « épisode ». Je rappelle que 1,3 million d'entreprises relèvent des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. A l'automne, le Parlement a souhaité apporter une première correction en créant une nouvelle tranche de chiffre d'affaires pour la définition de la base minimum. Mais il faudrait aller plus loin : l'assiette doit mieux prendre en compte la réalité économique des entreprises et il faut assurer l'égalité de traitement entre les acteurs économiques qui sont dans la même situation.

Concernant les ressources des collectivités, la DGFiP a été mobilisée pour que soit respecté le principe d'une garantie à l'euro près des ressources par rapport à la situation antérieure à la réforme de la taxe professionnelle. Nous sommes responsables des calculs de la DCRTP et du FNGIR, qui sont extrêmement complexes. Ces calculs sont d'autant plus difficiles qu'ils doivent tenir compte de dates butoirs. Il y a parfois des demandes de modification de ces dates, qui peuvent sembler justifiées sur le fond, mais nous appliquons la loi.

Les calculs ont eu lieu en 2011 et 2012 et une dernière opération est menée cette année. Il faudra tenir compte de la CVAE 2010 non territorialisée précédemment et corriger certaines erreurs, afin de stabiliser définitivement ces dotations. Celles-ci seront calculées cet été et seront notifiées au début de l'automne 2013.

Nous travaillons également avec les associations d'élus pour identifier les problèmes et les corriger. Nous avons également essayé d'enrichir les informations à disposition, en particulier celles relatives aux effectifs salariés et au chiffre d'affaires des entreprises.

Concernant la territorialisation de la CVAE, le récent rapport remis au Parlement a permis de décrire la situation : toutes choses égales par ailleurs, s'il y a davantage de valeur ajoutée, on devrait obtenir un produit de CVAE plus élevé, mais on peut se tromper. Aujourd'hui, nous ne sommes pas convaincus qu'il y aurait une concentration de CVAE non justifiée par une concentration économique de la valeur ajoutée. On ne détecte pas de phénomènes massifs d'optimisation qui seraient déconnectés de tout phénomène économique. Cette situation s'explique notamment par les clauses anti-abus qui ont été prévues par la loi et qui imposent un taux unique pour le calcul de la CVAE des entreprises, pour éviter les risques de déplacements arbitraires de la valeur ajoutée.

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