Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède enfin à l'audition de M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques, sur la révision des valeurs locatives et sur les modalités de répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
En juin 2012, à l'initiative de son rapporteur général François Marc, qui était alors rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » avec Pierre Jarlier, la commission des finances du Sénat a pris une initiative importante concernant la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
Nous avons alors relancé un processus qui était au point mort. Cette démarche a été actée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012.
Dans la dernière loi de finances rectificative pour 2012, le rapporteur général, suivi d'abord par la commission des finances puis par le Sénat, est « revenu à la charge » en affirmant sa volonté que soit engagée également la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. A cette occasion, le Gouvernement a pris des engagements tout à fait formels en la matière.
Sur ces deux sujets, c'est la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui est maître d'oeuvre et nous entendons aujourd'hui son directeur général, afin qu'il nous présente un bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à accomplir.
Le troisième sujet mis à l'ordre du jour de notre réunion est celui de la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il a fait l'objet de débats lors de la loi de finances pour 2013 concernant en particulier les retards pris, les interrogations sur la fiabilité des données et les possibilités d'optimisation de la part de certaines sociétés. Je tiens d'ailleurs à votre disposition, monsieur le directeur général, des cas particuliers que je suis prêt à vous exposer et j'invite mes collègues à en faire de même.
Merci tout d'abord de cette invitation, qui me permet de vous présenter le travail de la DGFiP en matière de finances locales et en particulier la façon dont elle gère les importantes évolutions intervenues dans ce domaine ces dernières années.
Je tiens tout d'abord à dire que la DGFiP est totalement investie sur les questions de fiscalité directe locale, que ce soit en termes de gestion ou de contrôle, pour s'assurer de la fiabilité des bases. Je tiens à cette précision car j'entends dire parfois que nous nous intéresserions uniquement aux impôts d'Etat. Nous réalisons en matière de finances locales un travail très important et, je crois, de qualité.
S'agissant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, la DGFiP s'est fortement investie sur ce sujet pour qu'elle se fasse dans de bonnes conditions, à la fois pour les contribuables et les collectivités territoriales.
Avant même le vote de la loi, une concertation a eu lieu avec les collectivités et avec les professionnels pour permettre une bonne application du texte. Ensuite, une expérimentation a été menée dans cinq départements, toujours en concertation avec les acteurs concernés, qui ont par exemple été associés à la définition des télé-procédures. Je souligne que celles-ci sont un élément fondamental pour nous, car nous croulons sous le papier. Ce test réel a permis d'anticiper les difficultés et par exemple d'allonger le délai de dépôt des déclarations. Un rapport sur ce sujet a été remis au Parlement en janvier 2012.
La campagne déclarative générale a été lancée à la date prévue, c'est-à-dire le 11 février dernier. C'est une opération de grande ampleur : 3,3 millions de locaux et 1,7 million de propriétaires sont concernés. Ces déclarations seront traitées informatiquement afin de définir des secteurs avec des tarifs au mètre carré homogènes et une valeur locative moyenne. Ces données seront donc issues de la réalité statistique.
Les déclarations sont encore en cours : le délai court jusqu'au 8 avril pour les déclarations écrites et jusqu'au 8 mai pour les télé-déclarations. Nous avons reçu à ce stade 31 % des réponses, soit un million de déclarations. Nous nous réjouissons d'ailleurs que la télé-déclaration ait été massivement utilisée.
Le décret en Conseil d'Etat créant les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels devrait être publié au second semestre de cette année et sera bientôt soumis au comité des finances locales (CFL). Début 2014, des propositions de découpage en secteurs homogènes et de grilles de tarifs seront soumises à ces commissions. Elles fixeront les paramètres définitifs mi-2014, le cas échéant après arbitrage des commissions départementales des impôts directs locaux. Au second semestre 2014, les nouvelles valeurs locatives seront intégrées pour le calcul des impositions 2015. Cette description peut vous paraître assez simple, mais le travail que cela représente est considérable pour la DGFiP.
En ce qui concerne la contribution économique territoriale (CET), je crois que je recueillerai le consensus en disant que ce nouvel impôt est très complexe. La DGFiP a investi fortement dans la formation de ses propres agents pour qu'ils s'approprient cette réforme. La complexité de gestion demeure, du fait de l'articulation sur plusieurs exercices et des nombreux dégrèvements prévus. Les coûts informatiques sont importants et la charge de travail pour ceux qui gèrent cet impôt et son contentieux est démesurée. C'est un sujet de préoccupation pour la DGFiP, dans un contexte où on lui demande de réaliser des économies d'effectifs et de moyens.
J'émets à ce propos le voeu que l'objectif de stabilité fiscale, évoqué dans le récent pacte de compétitivité et qui vise explicitement la CET, soit respecté. Je pense également qu'il faudrait prendre davantage en compte, lorsque l'on discute d'un impôt, son coût de gestion.
La gestion et le recouvrement de la CET sont assurés au plus près, par les services d'impôts aux entreprises (SIE). Etant plus proches des entreprises, ils sont les mieux positionnés et en ont une vision globale, ce qui permet également un meilleur contrôle et un meilleur recouvrement. Sur ce sujet aussi, nous poussons à la dématérialisation des procédures et des avancées sont encore possibles. En ce qui concerne les bases de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), dans la mesure où il s'agit de grandes entreprises, leur gestion est centralisée, ce qui permet qu'elles aient un interlocuteur unique.
Nous avons mené un important travail - et il y en avait besoin - de fiabilisation des bases de cotisation foncière des entreprises (CFE). Nous allons également modifier nos systèmes informatiques pour faire communiquer les systèmes du « monde foncier » et du « monde fiscalité des professionnels ».
Pour la CVAE, des traitements informatisés de contrôle des paiements et d'application des exonérations ont été mis en place dès 2012. Globalement, nous estimons que les entreprises font preuve d'un bon civisme déclaratif, malgré la charge qui est suscitée et le caractère nouveau de cet impôt. Les télé-déclarations favorisent d'ailleurs ce civisme, dans la mesure où elles sont plus faciles à faire.
Concernant la communication des bases aux collectivités locales, nous avons pris des mesures pour qu'elle se fasse le plus rapidement possible afin que les collectivités soient en mesure de voter leur budget en connaissance de cause.
Dès le 10 septembre de chaque année, nous leur transmettons des simulations des bases de CFE des établissements les plus importants ainsi que, depuis l'an dernier, un état de comptage prévisionnel des assujettis à la cotisation minimum, afin qu'elles fixent la base minimum en fonction du chiffre d'affaires. Nous communiquons l'état de notification de bases prévisionnelles un mois avant la date limite de vote du budget, c'est-à-dire autour du 15 mars. Enfin, nous communiquons, puisque la loi nous permet de le faire, le détail des bases et cotisations de chaque assujetti à la CFE et aux IFER aux collectivités bénéficiaires. Cette communication se fait sur CD-ROM, afin de permettre des traitements ultérieurs.
S'agissant du reversement du produit de la CVAE, la répartition est complexe et fait intervenir de nombreuses variables : valeurs foncières, effectifs salariés, niveau des collectivités... Notre système contient des dizaines de millions de données. Nous essayons de faire en sorte que ce traitement soit le plus parfait possible. Nous contrôlons l'exploitabilité des déclarations et nous procédons à la répartition du produit, selon les termes de la loi.
Il a fallu également répondre à la situation d'urgence créée par la possibilité ouverte aux collectivités de revenir sur les bases minimum de CFE qu'elles avaient définies pour 2012. 113 communes et établissements publics de coopération intercommunale, soit 1 374 communes concernées, ont utilisé cette possibilité. Ont ainsi été touchés 115 000 contribuables, pour un montant de 75 millions d'euros.
La gestion de cette crise n'est pas achevée : nous devons recouvrer auprès des redevables la partie non prise en charge par les collectivités et il a donc fallu monter en toute urgence un système dédié d'imputation comptable. Là encore, ce travail a constitué une charge considérable, pour un service qui était déjà fortement mobilisé sur la révision des valeurs locatives.
J'ajoute que j'ai régulièrement entendu dire que la DGFiP aurait mal conseillé les collectivités. Je tiens à votre disposition des échanges que nous avons eus avec certaines d'entre elles, qui montrent que nos mises en garde n'ont pas été écoutées. On ne peut pas nous reprocher de ne pas les avoir alertées sur ce sujet.
S'agissant de l'assiette de la CFE, les règles ne sont pas satisfaisantes pour les très petites entreprises, comme l'a montré cet « épisode ». Je rappelle que 1,3 million d'entreprises relèvent des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. A l'automne, le Parlement a souhaité apporter une première correction en créant une nouvelle tranche de chiffre d'affaires pour la définition de la base minimum. Mais il faudrait aller plus loin : l'assiette doit mieux prendre en compte la réalité économique des entreprises et il faut assurer l'égalité de traitement entre les acteurs économiques qui sont dans la même situation.
Concernant les ressources des collectivités, la DGFiP a été mobilisée pour que soit respecté le principe d'une garantie à l'euro près des ressources par rapport à la situation antérieure à la réforme de la taxe professionnelle. Nous sommes responsables des calculs de la DCRTP et du FNGIR, qui sont extrêmement complexes. Ces calculs sont d'autant plus difficiles qu'ils doivent tenir compte de dates butoirs. Il y a parfois des demandes de modification de ces dates, qui peuvent sembler justifiées sur le fond, mais nous appliquons la loi.
Les calculs ont eu lieu en 2011 et 2012 et une dernière opération est menée cette année. Il faudra tenir compte de la CVAE 2010 non territorialisée précédemment et corriger certaines erreurs, afin de stabiliser définitivement ces dotations. Celles-ci seront calculées cet été et seront notifiées au début de l'automne 2013.
Nous travaillons également avec les associations d'élus pour identifier les problèmes et les corriger. Nous avons également essayé d'enrichir les informations à disposition, en particulier celles relatives aux effectifs salariés et au chiffre d'affaires des entreprises.
Concernant la territorialisation de la CVAE, le récent rapport remis au Parlement a permis de décrire la situation : toutes choses égales par ailleurs, s'il y a davantage de valeur ajoutée, on devrait obtenir un produit de CVAE plus élevé, mais on peut se tromper. Aujourd'hui, nous ne sommes pas convaincus qu'il y aurait une concentration de CVAE non justifiée par une concentration économique de la valeur ajoutée. On ne détecte pas de phénomènes massifs d'optimisation qui seraient déconnectés de tout phénomène économique. Cette situation s'explique notamment par les clauses anti-abus qui ont été prévues par la loi et qui imposent un taux unique pour le calcul de la CVAE des entreprises, pour éviter les risques de déplacements arbitraires de la valeur ajoutée.
Il me semble qu'à l'époque de cette réforme douloureuse, on cherchait surtout, par le taux unique, à plafonner la charge fiscale des entreprises, ce qui n'empêche pas les effets éventuels des déplacements de bases.
Nous avons étudié plus précisément la situation de 1 008 groupes fiscaux suivis par la direction des grandes entreprises : leurs filiales génèrent 76 % de la CVAE payée par ces entreprises. Je suppose, mais ce n'est qu'une hypothèse, que nombre de ces filiales sont localisées en région. De plus, nous nous sommes intéressés à l'implantation des chefs de groupe : 40 % seulement de ceux-ci sont implantés en Ile-de-France. J'ai, moi-même, été surpris de ce chiffre.
Enfin, je souhaiterais dire un mot sur les relations entre l'administration fiscale et les collectivités territoriales, et je tiens à souligner le fait que je comprends le souhait des élus de connaître la dynamique des recettes qui leur sont affectées afin de piloter au mieux leurs budgets, mais je dois vous faire part de deux contraintes. D'une part, les systèmes d'information tels qu'ils ont été construits jusqu'à ce jour suivent les encaissements effectifs, sur la base de la comptabilité de caisse. Les projets pour les améliorer représentent des investissements incontournables mais qui s'inscrivent dans un contexte budgétaire contraint. D'autre part, il convient d'articuler au mieux le secret fiscal et la légitime demande d'informations de la part des collectivités territoriales. Pour la CVAE, je pense que nous donnons beaucoup d'informations, notamment des données internes à l'entreprise. Je suis ouvert à toute suggestion d'amélioration en ce domaine. J'ai fait le tour des principaux sujets sur lesquels la DGFiP est mobilisée aujourd'hui, et je tiens à insister sur le fait que les impôts locaux constituent une part importante et non négligée de notre travail.
Merci pour cette présentation très utile et très concrète. Je souhaiterais vous interroger sur deux points : s'agissant de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, lors des débats relatifs au projet de loi de finances rectificative fin 2012 au Sénat, le Gouvernement avait proposé un amendement le 14 décembre 2012, qui visait à mettre en place une expérimentation dans certaines collectivités avant une mise en oeuvre nationale progressive. Cet amendement, qui n'a pas pu être repris en commission mixte paritaire en raison du rejet par le Sénat de la loi de finances rectificative, reflète malgré tout un engagement politique de la part d'un Gouvernement qui en a pris lui-même l'initiative. Pouvez-vous nous le confirmer ?
S'agissant de la territorialisation de la CVAE, nous avons en mémoire l'excellent rapport de 2012 de nos collègues Charles Guené et Anne-Marie Escoffier, qui faisait 25 propositions précises. La proposition numéro 2 suggérait de simplifier les formalités de déclaration des effectifs par l'utilisation des déclarations annuelles des données sociales (DADS) et la proposition numéro 20 suggérait d'adapter les modalités de répartition aux caractéristiques des groupes dès la loi de finances pour 2013. Peut-on considérer que ces propositions sont satisfaites ou en voie de l'être ?
Vous avez abordé la question de la mise en oeuvre et en effet, il n'est plus l'heure du conceptuel. Concernant la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, en juillet dernier, à mon initiative, nous avons souhaité préciser à la fois les modalités de mise en oeuvre et le calendrier. Nous avons aujourd'hui des échos positifs sur le terrain, les entreprises en particulier sont favorables à cette révision, permettant davantage de transparence et d'équité. Vous avez parlé de la collecte des déclarations puis du rôle des commissions départementales : ces commissions deviennent décisionnaires et joueront donc un rôle important. Pouvez-vous préciser où en est la mise au point des décrets d'application et nous indiquer si les délais sont tenus ?
Concernant la valeur locative des locaux d'habitation, nous avions imaginé un amendement prenant appui sur les valeurs locatives professionnelles, qui a été retiré au profit d'un amendement gouvernemental qui n'a pas été adopté eu égard à la configuration du Sénat lors du vote du budget. Mais un engagement avait été pris, concernant à la fois le calendrier, les modalités de répartition, et qui prévoyait aussi une concertation. Comment s'organise cette concertation ? Quel est le calendrier précis ? Quels sont les acteurs associés ? Le Parlement en fera-t-il partie ? Par ailleurs, la DGFiP est-elle en capacité de mener à bien cette expérimentation ?
S'agissant de la CVAE, peut-on considérer que les critères de répartition et les supports de déclaration des entreprises sont désormais suffisamment éprouvés pour espérer une stabilisation définitive des calculs de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ?
Enfin, il avait été promis lors des lois de finances pour 2012 et pour 2013 au Parlement des informations sur les groupes : auriez-vous des tableaux, des écrits, des synthèses pour que nous puissions approfondir nos réflexions ?
Le nombre et la densité des questions montrent l'intérêt de ce domaine. Avant de laisser la parole à Maxime Gauthier, chef du service de la gestion fiscale et à Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales, je souhaiterais faire trois remarques. Nous pensons que la mise en oeuvre est souvent plus importante que les concepts, les meilleures intentions se traduisent toujours par des désastres si on n'a pas pensé à la bonne gestion le plus en amont possible. Oui, ces travaux représentent une charge de travail considérable, dans un contexte de réduction des effectifs, et cette question ne manquera pas d'être abordée demain, lors d'une réunion avec les organisations syndicales.
Et en plus, on crée le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) !
Le CICE n'est pas compliqué à gérer car il a été conçu de la façon la plus simple possible.
Enfin, sur la valeur locative des locaux d'habitation, je tiens à souligner que la volonté politique est claire.
Sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, nous avons également des échos plutôt positifs, et nous constatons une adhésion certaine, car aujourd'hui le système est très opaque. Les propriétaires se rendent compte, en remplissant la déclaration, que le nouveau système sera plus simple et plus transparent. Nous ne rencontrons pas de difficultés particulières sur le terrain, d'autant que de gros efforts ont été faits au niveau local, permettant de mettre en place une structure spécialisée, un numéro de téléphone et un site internet dédiés. A ce jour, le calendrier est respecté : les déclarations ont été envoyées à la date prévue, et 31 % des déclarations ont déjà été reçues. Une relance est prévue. Les délais sont serrés, et c'est pourquoi nous veillons au cadencement afin de pouvoir donner aux commissions départementales les informations nécessaires le plus tôt possible, pour qu'elles puissent travailler. Nous refusons systématiquement les demandes d'organisations professionnelles ou d'expert-comptables de repousser les délais de remise des déclarations.
S'agissant du décret sur les commissions départementales, il sera bientôt soumis au Comité des finances locales et sera publié dans les temps. Il faudra que nous fassions preuve de pédagogie auprès de ces commissions et des collectivités territoriales car le système sera très différent de ce que nous connaissons aujourd'hui.
Concernant l'engagement du Gouvernement sur le calendrier de mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation : nous nous apprêtons à lancer la concertation pour définir le contenu de cette révision, concertation qui inclura le Parlement, les représentants des élus, les collectivités territoriales et les propriétaires intéressés. Mais ce sera plus difficile que pour les locaux professionnels, notamment pour toucher les particuliers. On peut identifier les sociétés de HLM et les grands loueurs, mais il faudra trouver d'autres biais pour les particuliers. Le contenu de la loi sera donc sans doute différent de celle prévoyant la révision des valeurs locatives pour les locaux professionnels.
Pourquoi ne pas prendre les conseillers municipaux comme représentants des propriétaires ?
C'est une excellente idée. Les représentants de consommateurs ne seront pas forcément pertinents dans ce cadre.
Cela a le mérite de la simplicité ! D'autant plus que pour les commissions communales des impôts directs, des personnes sont nommées sur proposition de l'exécutif, qui fournit une liste de personnes parmi laquelle le directeur des services fiscaux choisit. Une procédure de cette nature pourrait s'appliquer.
Tout à fait.
Sur la territorialisation de la CVAE et la simplification des procédures déclaratives, il a notamment été évoqué la possibilité de s'appuyer sur les DADS. Aujourd'hui, les déclarations de CVAE contiennent des informations sur la valeur ajoutée et les effectifs. Une première simplification a déjà permis de dispenser les mono-établissements de déclaration sur la répartition territoriale des effectifs. Une piste serait de supprimer cette déclaration de CVAE pour s'appuyer sur les seules DADS, mais cela aurait des conséquences sur la répartition des effectifs sur le territoire, car les règles s'appliquant dans les deux cas sont très différentes. Par exemple, une personne salariée dans plusieurs établissements différents pendant l'année est comptabilisée une fois dans l'établissement où elle est le plus présente au titre de la CVAE, tandis qu'elle est comptabilisée dans chaque établissement au titre des DADS. Cela engendrerait un nouveau changement dans la répartition du produit de la CVAE, notamment dans les secteurs où les salariés sont ambulants. Il s'agirait donc d'une nouvelle répartition, d'un véritable changement.
Sur le contrôle fiscal des groupes, la direction des grandes entreprises comme celle des vérifications nationales et internationales nous ont confirmé n'avoir rien repéré de particulier, ce qui n'est pas étonnant dans la mesure où la CVAE cherche à être neutre pour les groupes. D'où la répartition des effectifs en fonction de la présence réelle et non en fonction des filiales ; il n'est pas tenu compte de la distribution des bénéfices entre les filiales et la maison-mère dans le calcul de la CVAE, il n'y a pas non plus de distorsion dues aux dividendes ou à des facturations intra-groupe.
Concernant la stabilisation des calculs des ressources de la DCRTP et du FNGIR, un premier calcul a été fait en 2011 pour connaître les montants du panier de ressources avant et après la réforme, c'est-à-dire au 30 juin 2011. Certaines données n'étaient pas à jour et des erreurs ont été détectées, d'où un deuxième calcul effectué en 2012. Les données ont été transmises en mai ou juin 2012 aux collectivités territoriales, afin qu'elles signalent les erreurs qu'elles relevaient. Le montant issu de ce nouveau calcul a été notifié fin 2012 en intégrant à la fois les rôles supplémentaires, les déclarations rectificatives et la correction des erreurs. Les effets de ces opérations sont significatifs pour un nombre très limité de collectivités. Ainsi, les variations de montant de la DCRTP supérieures à 10 % ne concernent que 155 collectivités. Une variation de plus de 10 % du montant du FNGIR ne concerne que 622 collectivités. Le calcul effectué en 2013 a permis d'intégrer les dernières choses manquantes (déclarations rectificatives, corrections d'erreurs). Au fil du temps, les modifications portent sur des montants de plus en plus faibles. Ainsi ce calcul devrait être le dernier, permettant de figer définitivement les montants comme la loi le prévoit.
Faites-vous des contrôles de cohérence entre les effectifs déclarés au titre de la CVAE et des DADS ? Avez-vous évalué le taux de non-déclaration des entreprises qui ne payent pas la CVAE mais doivent tout de même faire une déclaration pour être prises en compte dans la répartition ? Enfin, j'aimerais savoir pourquoi en 2010 certaines collectivités ont eu jusqu'à 30 % de rôles supplémentaires.
Je vous remercie tout d'abord d'être venu nous exposer le ressenti de votre administration. Je me réjouis que la révision des valeurs locatives des locaux professionnels soit en bonne voie. Mais ne posera-t-elle pas la question de ses conséquences sur le calcul des dotations et fonds de péréquation ?
Par ailleurs, je salue la qualité du travail, sur le terrain, des directions départementales des finances publiques. Au niveau local, nous disposons bien des renseignements nécessaires, mais en ce qui concerne le niveau macroéconomique, le Parlement ne dispose pas des éléments globaux qui lui seraient utiles. Les collectivités n'ont presque plus d'autonomie fiscale, il nous faut donc d'autant plus pouvoir suivre les évolutions au jour le jour, au niveau global.
Concernant les ajustements des montants de DCRTP et FNGIR, je ne crois pas qu'ils soient dus uniquement à des corrections d'erreurs matérielles ou à des rôles supplémentaires. Il me semble qu'il y a également eu des changements d'interprétation de la loi.
S'agissant de la DADS, lorsque nous avions suggéré son utilisation, les déclarations au titre de la CVAE n'avaient pas encore été prévues, le problème ne se posait donc pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui. Utiliser la DADS serait désormais difficile, à moins que ce soit un élément de simplification significatif pour la DGFiP et les entreprises.
Les chiffres que vous nous avez communiqués sur la cotisation minimum de CFE sont intéressants. Je crois que la DGFiP est opposée à l'idée de son plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Pouvez-vous nous indiquer pourquoi ?
Enfin, je suis en désaccord avec vous sur la répartition de la CVAE des grands groupes. On a détecté des différences importantes entre le produit de CVAE et la valeur ajoutée, notamment au bénéfice de l'Île-de-France pour être clair. Certains groupes préfèrent déclarer un peu plus de valeur ajoutée sur le siège social. Sur l'ensemble, cela représente peut-être quelques pourcents, mais c'est fondamental pour les collectivités concernées.
Pour les valeurs locatives, je pense qu'il faut utiliser les valeurs réelles : les commissions départementales seront-elles habilitées à le faire ?
Je voudrais également savoir si les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) sont destinés à devenir des variables d'ajustement. Je vais prendre l'exemple de mon département, ce qui illustre l'intérêt du cumul des mandats. Depuis la réforme de la taxe professionnelle, les ressources que nous touchions grâce à la centrale de Nogent ont sensiblement diminué. Or, quand nous avons accepté de voir s'implanter les centrales, dont personne n'en voulait, on nous a promis des compensations financières. L'Etat va-t-il revenir sur sa parole ? Je dois voir le préfet au sujet de la création d'un centre de stockage de déchets nucléaires dans quelques jours et je peux vous dire que si les FDPTP devaient devenir une variable d'ajustement, je refuserais cette implantation.
S'agissant des valeurs locatives, on peut observer des variations très importantes d'une commune à l'autre ou même à l'intérieur d'une même commune. Ce qui signifie que l'utilisation des nouvelles bases pourrait avoir des effets très importants pour les contribuables et alimenter leur mécontentement. Vous attendez-vous à une augmentation des contentieux ? Et quels seront le rôle et la marge de manoeuvre des commissions d'impôts directs locaux dans les contentieux éventuels ?
Je m'inquiète de voir que certaines communes périurbaines, par exemple dans la grande couronne parisienne, ont des charges importantes liées à leur population, mais ne touchent pas beaucoup de CVAE, dans la mesure où leurs habitants travaillent dans une autre commune, par exemple à Paris. Serait-il compliqué d'ajouter dans la clé de répartition de la CVAE la prise en compte de la part de la population travaillant dans une autre collectivité ?
Le système actuel des bases locatives est obsolète et injuste. Au niveau communal, on peut compenser des bases élevées par un taux plus faible et l'inverse. Mais cela n'est pas possible au niveau départemental, ce qui pénalise les habitants des collectivités ayant des bases élevées.
La révision des valeurs des locaux d'habitation sera-t-elle expérimentée à l'échelle départementale ?
Sur ces questions techniques, je vais laisser la parole à Maxime Gauthier et à Frédéric Iannucci.
Concernant les entreprises qui doivent faire une déclaration alors qu'elles ne payent pas la CVAE, nous avons fait face en effet, la première année, à une certaine incompréhension et donc à un taux de défaillance assez important. Mais désormais ce problème est réglé et le taux de réponse est tout à fait satisfaisant.
S'agissant des rôles supplémentaires, ils ont en effet été plus nombreux en 2010. Cela s'explique par la grande vigilance dans le contrôle cette année là, du fait du changement de système, et par la nécessité de boucler ces contrôles avant la fin de l'année, pour qu'ils soient pris en compte avant la réforme. Cela a joué un rôle d'accélérateur en quelque sorte.
En ce qui concerne la cotisation minimum de CFE, deux pistes sont possibles : la création de tranches en fonction du chiffre d'affaires et l'utilisation de la notion de valeur ajoutée. Mais ce dernier choix ne nous semble pas opportun, car il impliquerait de créer une contrainte comptable nouvelle pour les micro-entreprises, qui ont actuellement la possibilité de tenir une comptabilité extrêmement simplifiée, qui ne permet pas de mesurer la valeur ajoutée. En matière fiscale, le raffinement tourne rapidement à la perversion.
S'agissant de la révision des bases locatives, je vais détailler la méthode retenue. Nous collectons les déclarations des propriétaires, aujourd'hui sur les locaux professionnels, demain sur les locaux d'habitation, ainsi que, pour les locaux loués, le montant des loyers réels. Nos logiciels calculent ensuite des loyers moyens et des écarts à la moyenne, ce qui permet de déterminer des zones homogènes : il peut s'agit de communes entières, mais aussi parfois de zones correspondants à plusieurs communes. A l'inverse, nous pouvons descendre jusqu'au niveau de la « feuille de plan », c'est-à-dire quelques pâtés de maisons.
Nous obtiendrons ainsi une carte et une grille tarifaire pour chaque type de local. Ces données seront soumises aux commissions départementales, qui prendront les décisions à la lumière de leur connaissance du terrain. L'administration fera une proposition à partir des informations dont elle dispose, mais ce n'est plus elle qui prendra la décision.
Les commissions se prononceront également sur les coefficients de localisation, qui permettront de tenir compte de contraintes particulières, à l'intérieur d'un même secteur, comme, par exemple, un magasin mal situé par rapport aux autres.
Sur le contentieux, dans la mesure où le système sera beaucoup plus clair, on espère avoir moins de contestation, et la loi a prévu un mécanisme de lissage au cas où on constaterait des variations importantes pour les contribuables. Après, il ne restera que les contentieux habituels : les recours pour excès de pouvoir contre la décision de la commission, et les contentieux fiscaux habituels liés à des erreurs.
Concernant la possibilité d'ajouter un facteur de complexité supplémentaire dans la répartition de la CVAE, nous ne disposons pas de l'information relative à la part de résidents d'une commune travaillant en-dehors de celle-ci. Je ne sais pas si cette information existe ni si elle est fiable.
Enfin, je confirme que sur le caractère obsolète des bases des locaux d'habitation, le constat est partagé, et le Gouvernement se sent engagé par le calendrier annoncé.
Les rôles supplémentaires en matière de CVAE sont le signe que l'administration joue son rôle et qu'elle est vigilante notamment quant à la qualité des bases. Néanmoins, le montant global des rôles supplémentaires en 2012 s'élève à 200 millions d'euros, à rapprocher des 56 milliards d'euros de l'ensemble des ressources après réforme. La prise en compte de ces rôles supplémentaires concerne généralement à la fois les montants avant et après réforme, donc c'est globalement neutre. Par ailleurs, 50 % des rôles supplémentaires concernent la taxe d'habitation.
Concernant l'insuffisante information du Parlement, nous sommes à votre disposition, les associations d'élus locaux sont nos interlocuteurs au niveau central ; de plus, au niveau local, il existe un service « fiscalité directe locale » au sein des directions départementales, où il est notamment possible de procéder à des simulations.
A propos de l'interprétation plus rigoureuse dans le calcul des garanties de ressources : huit modifications législatives sont intervenues depuis le premier calcul, certaines sont d'ailleurs d'origine gouvernementale, donc il se peut que les règles évoluent. Mais dans les instructions internes, il n'y a pas eu de consigne d'interprétation restrictive ou sévère. L'administration n'y aurait d'ailleurs pas intérêt car la somme des éléments positifs et négatifs s'équilibre toujours, c'est un jeu à somme nulle.
Sur la prise en compte des spécificités du tissu périurbain dans la répartition de la CVAE, la solution passe, me semble-t-il, davantage par des mécanismes de péréquation qui commencent à monter en puissance.
Je vais maintenant redonner la parole à monsieur le directeur pour la conclusion.
Cher collègue, nous auditionnons la semaine prochaine MM. Laignel et Morvan, respectivement président du Comité des finances locales et directeur général des collectivités locales, sur l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités : vous pourrez leur poser cette question. Par ailleurs, les contraintes pèseront partout, et il faudra trouver des variables d'ajustement. Bruno Bézard va néanmoins vous répondre et conclure.
Frédéric Iannucci va vous répondre. Je tiens néanmoins à rendre hommage à votre département pour son implication dans la dématérialisation.
Je ne vais malheureusement pas pouvoir vous répondre. Ce sont les grandes questions qui occupent la direction du budget ; aucun de nous ici n'est capable de vous répondre.
Il s'agit en effet d'un débat politique entre l'Etat et les collectivités territoriales. Je souhaiterais conclure en soulignant qu'on me fait souvent la remarque suivante : vous décrivez l'infinie complexité du système tout en demandant sa stabilité. Oui, c'est vrai, nous souffrons de la volatilité et de la complexité, et les agents s'en plaignent. Nos agents sont effrayés par l'ampleur des tâches, notamment la révision des valeurs locatives, mais ils sont heureux de le faire. Je souhaitais souligner cette ambivalence.
Merci, monsieur le directeur général. Je voudrais témoigner des efforts de la DGFiP pour répondre à nos demandes et questionnements. Vos souffrances sont largement partagées, notamment par les membres de la majorité qui a voté la suppression de la taxe professionnelle.