Quelles sont les raisons qui ont progressivement poussé à envisager la création d'un opérateur dans le domaine de la biodiversité ? Depuis une quinzaine d'années, le regard sur les questions de protection de la nature s'est déplacé, de deux manières complémentaires. Nous sommes passés de la notion d'espace ou d'espèce protégés, qui impliquait de repérer dans la diversité du vivant des choses qui méritaient protection, généralement dans des espaces dédiés, à la notion de protection de l'ensemble de la biodiversité ordinaire sur tout le territoire, agricole, forestier, urbain et périurbain. La deuxième évolution nous a fait passer d'une vision statique de conservation à l'identique de certains espaces et de certaines espèces, à l'idée que la biodiversité est un système évolutif, que les espèces et les milieux changent et se transforment. Il ne s'agit plus de vouloir conserver une photographie d'un milieu, mais plutôt de préserver les capacités d'adaptation des espèces sur l'ensemble du territoire. La biodiversité est sortie du monde des spécialistes pour devenir un enjeu d'aménagement du territoire.
Toute une série d'opérateurs se sont peu à peu saisis de ces enjeux. Partout sur notre territoire, des collectivités territoriales, des villes, des associations, des syndicats mixtes comme les parcs naturels régionaux, mais aussi des entreprises, des fédérations professionnelles, ont perçu l'importance de la biodiversité et pris des initiatives. Je prendrai un exemple très concret : le fait que les départements se soient intéressés à une autre manière de faucher les bords de route, lorsqu'on s'est rendu compte que ces bords de route pouvaient conserver de nombreuses espèces intéressantes, est une mesure de biodiversité du quotidien qui illustre la possibilité pour les gestionnaires d'infrastructures d'intégrer cette problématique. Les grands groupes industriels, dans le domaine des carrières, de l'eau, des autoroutes, ont eux aussi compris que prendre en compte la biodiversité, et savoir aménager les infrastructures dans cette optique, leur offre un avantage comparatif en France comme sur la scène internationale.
Pour appuyer et former ces acteurs, ainsi que les coordonner sur un certain nombre d'opérations, un opérateur unique et commun est nécessaire. L'idée n'est pas nouvelle. On a pu constater, dans d'autres domaines de l'environnement, comme la qualité de l'air, l'énergie, les déchets, ou l'eau, qu'il était nécessaire de mettre en place des opérateurs dédiés. La recentralisation des politiques n'est pas l'esprit dans lequel nous voulons travailler. Les nombreuses initiatives locales prises ces dernières années sont une richesse sur laquelle il faut capitaliser. Une recentralisation se traduirait par une perte d'efficacité collective.
Notre message est donc le suivant : il y a une place pour tout le monde, de l'association locale de protection des mésanges au grand groupe industriel international, en passant par les différents acteurs publics. Il faut donc parvenir à proposer à chacun des formes d'action adaptées. Nous avons beaucoup étudié le modèle de l'Ademe, qui nous semble permettre à une grande diversité d'acteurs de trouver des partenariats et des appuis techniques pour agir.
La France a récemment signé à Nagoya de nouveaux engagements, retranscrits dans la stratégie nationale pour la biodiversité, qui va être mise en oeuvre jusqu'en 2020. Cette stratégie manifeste la volonté de mobiliser tous les acteurs, et de faire de la biodiversité une politique pour tous, et non une politique limitée à l'État.