Intervention de Bernard Chevassus-au-Louis

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 3 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Michel et de M. Bernard Chevassus-au-louis préfigurateurs d'une agence française de la biodiversité

Bernard Chevassus-au-Louis :

Je répondrai tout d'abord sur ce qui existe chez nos voisins européens, et même un peu plus loin. La Grande-Bretagne a fait le choix d'un ministère commun à l'agriculture et à l'environnement. En conséquence, son agence environnementale gère aussi les subventions de la politique agricole commune. Je rappelle qu'en France, le montant des aides de la PAC liées à l'éco-conditionnalité est nettement supérieur à celui des subventions que peut accorder le ministère de l'écologie pour des enjeux environnementaux. Le Royaume-Uni a aussi pour tradition de respecter l'autonomie de ses régions. De ce fait, son système est très décentralisé, et l'agence compétente pour la seule Angleterre comporte 2 500 personnes, là où l'agence centrale n'en compte que 150. C'est la même chose en Allemagne, où ces questions relèvent largement des politiques menées par les Lander.

Une autre question est de savoir si l'agence gèrera directement des territoires ? En France, nous avons fait le choix de confier les zones protégées à des opérateurs délégués, avec un établissement public spécialisé pour chacun des parcs nationaux. C'est une spécificité française : ailleurs, la gestion des espaces protégés est confiée à des organismes ou des établissements exerçant aussi d'autres missions. Une autre question est de savoir si l'on doit, ou pas, confier à l'agence des pouvoirs de police. C'est le cas aux Etats-Unis, où l'agence à des fonctions de contrôle. Pour notre part, nous avons fait le choix de ne pas les intégrer dans notre projet d'agence de la biodiversité. Bref, on trouve toutes les formules dans les comparaisons internationales.

En ce qui concerne le périmètre de compétences, aux niveaux technique et scientifique, il faut veiller à la cohérence des politiques des ressources naturelles, de l'eau, des sols, des forêts, du gibier, etc. Il faudra donc aussi parvenir un jour ou l'autre à une cohérence de l'action publique dans ces domaines. Nous avons estimé que l'agence de la biodiversité pourrait assurer un premier niveau de coordination. Mais si un choix politique différent est fait, ce sera à l'Etat d'assurer cette cohérence. In fine, il reviendra au Parlement de se prononcer sur ce point.

Pour les appels à projets et la stratégie, nous avons la volonté d'éviter le saupoudrage. Ceux-ci ne seront lancés qu'après une réflexion sur les aspects stratégiques. Par exemple, la diversité du vivant dans les sols de notre pays est un sujet encore largement méconnu, qui appelle d'abord l'acquisition de meilleures connaissances. Nous recommandons de faire les appels à projets conformément à ce thème stratégique. Mais l'agence de la biodiversité, comme l'Ademe actuellement, aura besoin d'une validation politique de ses axes stratégiques.

A propos des collectivités territoriales et du développement, si l'on fait le pari de la biodiversité sur l'ensemble du territoire, il faut insérer sa protection dans l'ensemble des difficiles compromis du développement durable. Une collectivité gère des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Il ne s'agit pas de sacraliser la biodiversité, mais de la mettre « dans toutes les mains », donc d'accepter les compromis. Par exemple, les parcs naturels régionaux, qui sont d'initiative locale, doivent concilier développement économique, vie sociale et préservation du patrimoine naturel. L'agence aura la responsabilité de parler de la biodiversité, mais acceptera de la mettre en débat. Sinon, on ne fera une agence que pour les espaces protégés, qui couvrent 2 % seulement du territoire.

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