L'agence de la biodiversité aura pour mission d'être au service des acteurs de terrain, pour faire des diagnostics de territoires. Je retiens votre idée de raisonner par écosystèmes, et non en fonction d'une liste des espèces protégées. Nous rejoignons ici la question de savoir comment l'homme peut contribuer à restaurer, stabiliser, ou au contraire fragiliser, ce fonctionnement des écosystèmes. Nous pourrons reprendre cette approche dans notre proposition finale.
En créant il y a vingt ans l'Ademe, la France a regroupé trois établissements publics compétents respectivement en matière d'environnement, de qualité de l'air et d'énergie. L'Ademe regroupe aujourd'hui un millier de personnes, qui ont une culture commune et s'appellent eux-mêmes les « adémiens ». C'est une forme de réussite, et nous faisons le pari de la renouveler pour l'agence de la biodiversité.
Je vous entends quand vous nous dites que nous n'allons pas assez loin dans notre tentative de réorganisation. Par exemple, sur le sujet des milieux humides, il faut distinguer le « grand cycle » de l'eau, dans tous ses aspects, du « petit cycle » de l'eau, seulement lié à l'eau potable. Le dispositif français organisé par bassins adossés à des agences fonctionne bien : personne ne nous a fait de remarque sur ces agences, sauf peut-être à Bercy. Mais le sujet que nous n'avons pas fini de traiter est celui des milieux humides, qui sont des écosystèmes où l'on peut protéger des ressources naturelles et faire en sorte que le coût d'accès à celles-ci se trouve réduit. Il faut faire converger les intérêts de la biodiversité et ceux d'un accès au meilleur prix à un bien essentiel comme l'eau.
Vous l'avez dit, il faut réintroduire les sujets de biodiversité dans les choix à conduire sur les territoires. L'entrée par les écosystèmes me semble une bonne approche.
En ce qui concerne la future loi cadre sur la biodiversité, nous travaillons à un projet de texte dans lequel nous retrouverons le sujet de l'agence, ainsi que celui des engagements de la France pris à Nagoya, qui doivent déboucher, dans l'année, sur une décision du Parlement européen relative à l'accès aux ressources génétiques et au partage des avantages qui en découlent. Il n'y a pas de consensus à ce propos. C'est compliqué pour la France, qui est à la fois un pays hébergeur de cette ressource génétique - ce qui n'est pas le cas de tous les pays européens - et un pays consommateur. Figurera également, dans ce texte de loi, un sujet sur la gouvernance. Nous allons essayer de simplifier le paysage des comités multiples qui existent. D'abord au niveau national, en fusionnant les comités « trames verte et bleue », le comité de révision de la stratégie nationale biodiversité, le comité de suivi Natura 2000, le conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le groupe national zones humide, etc. Une douzaine de comités sont concernés au total. Le corollaire est qu'il y aurait aussi un seul comité national d'experts et de scientifiques, qui regrouperait le comité d'observation de la biodiversité, le comité national de protection de la nature, le comité de l'environnement polaire, le groupe national des experts sur les oiseaux et la chasse. Le projet de loi comportera deux autres titres : l'un relatif aux paysages et à la publicité, l'autre relatif aux outils législatifs de conservation de la nature accumulés depuis la loi de 1976. Quarante ans après, il n'est pas incongru de se poser la question de savoir si les dispositifs des livres III et IV du code de l'environnement ne pourraient pas être simplifiés. L'objectif est de parvenir à une saisine du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de loi à la fin du printemps.
Je veux aussi insister sur la question : une agence de la biodiversité pour quoi faire ? Et bien, pour mettre en avant une capacité d'ingénierie au service du vivant, sauvage et domestique. Les compétences des deux ministères de l'agriculture et de l'écologie seront complémentaires, surtout si l'on décide de s'intéresser non pas aux 2 % du territoire qui sont protégés, mais à 100 % de celui-ci. Cette ingénierie autour des sciences du vivant sera mise aussi au service des décisions administratives ou politiques d'organisation des territoires. Il faut regrouper les moyens afin de donner aux collectivités locales comme aux opérateurs privés les outils nécessaires pour conduire plus facilement les études d'impact qui permettent d'arbitrer entre les trois options fondamentales : éviter, réduire ou compenser les atteintes à la biodiversité. Qu'est-ce qu'une vraie compensation ? Comment se conduit-elle ? Quelle doit être la proportionnalité entre destruction et compensation ? Autant de questions auxquelles il n'est pas aisé de répondre. Il s'agit là de sujets devenus très politiques. Je crois qu'il faut y mettre un peu de technique et d'expertise pour débloquer le débat. Nous proposons que l'agence ose venir sur ce terrain de l'évitement, de la réduction et de la compensation. C'est une démarche risquée, mais incontournable.
L'agence sera aussi au service d'une communication renforcée. Ce qui ne veut pas dire que celle-ci doit être centralisée ou confisquée. Mais je constate que le modèle de l'Ademe, avec des slogans tels que « Faisons vite, ça chauffe », pour le changement climatique, ou « ça déborde », pour la gestion des déchets, a su faire passer au niveau national des messages pas trop culpabilisants et écoutés par nos concitoyens. Si cette communication nationale se trouve relayée par des messages locaux, tant mieux. Mais nous avons retenu l'idée d'axer l'action de l'agence sur le triptyque éducation, formation, et communication.
En ce qui concerne l'organisation des services de l'Etat, elle n'était pas incluse dans le champ défini par notre lettre de mission. Nous avons quand même entendu des remarques sur le fait que les compétences techniques ont quitté les services de proximité, et qu'il fallait redonner à ceux-ci les moyens de s'adosser à des centres d'expertise. Tel est l'objet de l'agence, comme c'est celui de l'Ademe. Pour protéger la biodiversité, il n'y a pas que l'approche par le règlement, mais aussi celles par le conseil et le projet. Nous proposons que ce soit une agence de services, qui développe une offre de conseil pour les collectivités pour faire, par exemple, un atlas de la biodiversité, ou élaborer les rubriques trois et quatre d'un Agenda 21. Nous souhaitons que nos collègues des services déconcentrés puissent aussi s'adosser à l'agence, au lieu de s'abriter derrière les codes réglementaires et les procédures administratives. Ils doivent apprendre à être davantage dans une logique de territoires pour les domaines des sciences du vivant.