Le 20 janvier dernier, les députés ont ajouté au projet de loi relatif à la régulation des activités postales un article 1er bis définissant les règles d'accessibilité au réseau postal.
Cet article précise notamment que, « sauf circonstances exceptionnelles, ces règles ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres des plus proches accès au réseau de La Poste ». A contrario, 9, 99 % de la population peut donc habiter à cinq, dix, vingt ou trente kilomètres de la plus proche « épicerie postale ».
M. Robert Mériaudeau, maire de Brégnier-Cordon, dans l'Ain, s'est amusé à appliquer strictement cette règle à quatorze départements. Il a ainsi dressé un tableau, que je tiens à votre disposition, monsieur le rapporteur.
La loi ne définissant pas la population à laquelle s'applique la règle énoncée ci-dessus, le maire de Brégnier-Cordon a choisi, en bon républicain, de retenir pour sa simulation la population totale avec doubles comptes, ce mode de calcul étant le moins défavorable aux communes rurales.
Il a additionné, pour chacun des quatorze départements, les populations des cantons les moins peuplés, jusqu'à s'approcher au plus près de ces 10 % ; et, pour les atteindre exactement, il a additionné les populations des communes les moins peuplées du canton suivant. Par exemple, dans le cas de l'Eure-et-Loir, il faudrait ajouter à la population des sept cantons les moins peuplés celle des plus petites communes du huitième canton le moins peuplé, à savoir celui de Brou.
A l'examen du tableau, il apparaît de façon évidente que la règle des 10 % est d'autant plus défavorable au milieu rural que le département compte une populeuse agglomération. Ainsi, dans le Rhône, si cette règle était strictement appliquée, il serait acceptable, selon la loi, que 51, 54 % des communes soient privées d'un proche accès au réseau de La Poste. En Gironde, dans l'arrondissement de Langon - 13 cantons, 169 communes -, seules les villes de Langon et de La Réole bénéficieraient d'une poste.
Le calcul aurait pu être fait différemment, en additionnant la population des communes les moins peuplées de chaque département. Le résultat serait beaucoup plus inquiétant encore.
A titre d'exemple, pour atteindre, avec cette méthode, le seuil de 10 % de population, il faut priver de présence postale 64 % des communes des Alpes-de-Haute-Provence, 58, 5 % de celles du Gers, 57, 7 % de celles du Var. Parions que les « polytechnarques » de La Poste sauront, carte topographique et liste des unités urbaines en main, aboutir à un résultat beaucoup plus « ruralicide » encore !
Il est insensé que l'on raisonne, en 2005, de manière rustre sur de frustes valeurs absolues ou relatives alors que les géographes ont, depuis longtemps, inventé la notion de courbes isochrones, courbes des points accessibles dans le même temps.
La règle des cinq kilomètres n'a pas de sens : cinq kilomètres à Thorame-Basse, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ne sont en rien comparables à cinq kilomètres dans la Beauce.
Certains, dans cet hémicycle, souhaitent que l'on tienne compte du critère de temps. Cela mérite débat ! Personnellement, je ne souhaite pas que l'on fige et la distance et le temps. Il serait souhaitable, me semble-t-il, qu'une étude d'impact soit réalisée sur ces critères de distance et de temps par les commissions départementales de présence postale territoriale.