Intervention de Serge Larcher

Réunion du 4 avril 2013 à 22h10
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Discussion générale

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, d’aucuns ont voulu faire du mariage pour tous un débat technique mettant en jeu le sens même de notre code civil. D’autres en ont fait une tribune pour déverser, avec une brutalité parfois sidérante, une forme de haine de l’autre.

Certains, faisant preuve de plus de subtilité, tentent de nous démontrer, tout en n’ayant aucun grief contre l’homosexualité, qu’il leur semble normal de maintenir une législation spécifique pour les couples homosexuels, ce qui revient à les cantonner dans une sorte de « ghetto juridique ».

En réalité, comme tout sujet de société, ce débat est avant tout affaire de conviction. Ce dont je suis convaincu pour ma part, c’est que le plus grand nombre des opposants à ce texte mène un combat d’arrière-garde. Il me semble donc que l’hémicycle du Sénat est un bon endroit pour aborder ce sujet de façon dépassionnée et dire quelles sont nos convictions en toute sérénité.

Je me suis déjà longuement exprimé, à l’écrit comme à l’oral, sur les raisons pour lesquelles je voterai ce texte : souci d’égalité, lutte contre l’homophobie, nécessité pour la loi de prendre en compte les évolutions de la société.

Ces thèmes ont été et seront encore abordés par de nombreux collègues au cours de nos débats. Aussi, le point sur lequel je souhaite me concentrer aujourd’hui est celui de la position des populations et des élus des outre-mer.

Il semblerait que l’on ait voulu faire de nos territoires des bastions symboliques de la résistance au mariage pour tous, des citadelles imprenables de la défense des valeurs dites traditionnelles. Quelle est la vérité ?

La réalité, c’est qu’il est bien pratique d’entretenir la confusion entre importance du fait religieux outre-mer et conservatisme social. De fait, il me semble important, dans ce débat, de rappeler deux choses.

Premièrement, il n’y a pas de contradiction entre spiritualité et temporalité. Nos pratiques religieuses n’ont pas vocation à nous figer dans un « c’était mieux avant » réactionnaire ; elles doivent au contraire nous permettre de considérer les choses avec hauteur et tolérance.

Deuxièmement, ce débat constitue également l’occasion de rappeler que la France est une république laïque où l’Église et l’État sont séparés depuis plus d’un siècle. Il s’agit certes aujourd’hui d’une évidence, mais il en est qui ont parfois besoin d’être rappelées.

Cela étant dit, je veux également attirer votre attention sur le fait que nos sociétés ultramarines, dites traditionnelles, ont, par exemple, recours à l’IVG dans des proportions souvent supérieures à celles de l’Hexagone.

En outre, les manifestations contre le mariage pour tous n’ont pas mobilisé grand monde chez nous : quelques centaines de personnes dans les rues de Fort-de-France notamment. En ce qui concerne ce texte, il n’y a donc pas de fait ultramarin. §

D’ailleurs, si nous devions avoir une position particulière liée à ce qu’il est convenu d’appeler nos spécificités, il me semble que nous devrions être les premiers défenseurs de ce projet de loi.

En effet, ce débat nous renvoie à la lutte qui a été historiquement la nôtre au cours du xxe siècle : la conquête de l’égalité parfaite en droit, car c’est bien de droit qu’il s’agit ! Ce pour quoi nous nous sommes battus et nous battons encore aujourd’hui, nous, descendants d’esclaves, au nom de quoi le refuserions-nous à d’autres au motif de leur orientation sexuelle ? §

Pour terminer, je voudrais dire mon souhait que la loi soit non seulement votée, mais aussi mise en application rapidement et sans sourciller. §

1 commentaire :

Le 24/11/2021 à 10:14, aristide a dit :

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"quelques centaines de personnes dans les rues de Fort-de-France notamment."

Chaque avis est important, non ? Sinon c'est le totalitarisme.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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