Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en tant que sénateur de la République française et parlementaire d’outre-mer, j’ai l’honneur à la fois redoutable et solennel d’apporter mon soutien à ce projet de loi, qui fait débat, particulièrement en outre-mer, où, bien plus qu’ici, perdure un certain conservatisme.
Ce sujet cristallise les émotions les plus intimes, les plus subjectives et donc, fatalement, les plus excessives. Il touche aux profondeurs de notre inconscient collectif et ébranle les racines mêmes de nos représentations multiséculaires du monde, de la famille et de la société.
Mais si je comprends les peurs, les réticences et la résistance au changement, je me dois aussi de prendre acte d’un débat fondamental pour les valeurs républicaines et de défendre ces valeurs.
Ce texte vise simplement à ce que la République reste plus cohérente avec elle-même sur trois principes fondamentaux : la liberté, l’égalité et la vérité, que je substitue au principe de fraternité, tant la conjonction des trois piliers de notre République ne saurait se révéler ou se comprendre qu’à la lumière du principe de vérité.
La liberté, c’est simplement celle de s’aimer et de s’unir entre deux personnes adultes et consentantes, dans les règles du droit positif. Le droit suit la réalité, mais ne la crée pas. Pour l’union de deux êtres, la portée du mariage dépasse celle du PACS, qui ne prévoit que l’assistance matérielle, alors que la relation entre les époux comprend respect, fidélité et secours. Accorder aux homosexuels la possibilité de se marier, c’est leur reconnaître l’engagement public de cette liberté, ce qui constitue une avancée démocratique.
Concernant l’égalité, les divisions et j’ose dire les « paradoxes » révèlent que, dans la société française, laïque, républicaine et fraternelle, il est encore bien long le chemin qui mène à l’altérité et à la reconnaissance d’autrui dans sa différence, et ce quelle que soit, finalement, cette différence.
Il est encore bien douloureux, pour certains, de passer d’une ouverture d’esprit « virtuelle », de bon aloi, à l’épreuve réelle de la confrontation, du respect, de l’acceptation dans la communauté humaine, tout simplement, de couples différents, de familles différentes, que nous croisons pourtant tous les jours au pied de notre immeuble, dans la rue, dans nos quartiers et dans nos villes, sans vouloir les voir...
Si je soutiens ce projet de loi, c’est parce qu’il brise le déni de réalité qui étouffe sous le carcan de la honte l’existence de ces familles homoparentales et de leurs enfants, en leur permettant, en fait, d’exister.
Alors même que les procédures actuelles d’adoption le permettent, mais au prix du secret, du mensonge et du déni de soi-même, ce projet de loi fait tout simplement acte de vérité.
Ceux qui brandissent comme une évidence désespérée que tout enfant a droit à un père et une mère profèrent une lapalissade et font semblant d’oublier que jamais la nature ne changera cette vérité biologique. La filiation, cependant, est affaire de choix et, dans toute l’histoire du monde, jamais un modèle familial n’a rendu un enfant heureux. C’est la famille réelle, concrète et vraie, formée d’adultes en harmonie, qui choisissent et soignent avec amour et respect les enfants qu’ils élèvent.
Que ceux qui prétendent opposer artificiellement le droit de l’enfant et le droit à l’enfant m’expliquent sur quels critères la société devrait valider, aujourd’hui, en l’état actuel de l’évolution des conditions de vie matérielles et morales des enfants, tel ou tel modèle de référence, parmi les familles monoparentales, les « familles alternées », les familles recomposées, toutes prétendument hétérosexuelles, ou les familles homoparentales, encore émergentes.
Les modèles familiaux sont aujourd’hui ébranlés, comme les religions l’ont été en leur temps, comme les idéologies le sont encore. Cela n’empêche ni la foi ni le militantisme. Cela n’empêche nullement les familles nucléaires hétérosexuelles traditionnelles de continuer d’exister. Qu’elles accordent simplement aux autres, différentes, le droit à cette différence, non pas le droit d’exister, car elles existent, mais le droit à la vérité de cette existence.
Il est temps que l’hypocrisie cesse, que le voile se lève, que le droit dise ce qui doit être, en raison non pas de ce qui fait peur, mais de ce qui s’impose comme un phénomène historique et social irréversible.
Ce qui fait sens aujourd’hui dans la société française, laïque et républicaine, c’est que tous les enfants soient reconnus égaux les uns aux autres dans leur droit à pouvoir, sans honte et sans peur, désigner leurs parents, les personnes qui les élèvent. Un droit à la vérité, un droit à la plus haute des valeurs universelles.
En conclusion, que ceux qui, soudainement, spéculent sur les outre-mer sachent que, s’agissant de ces valeurs de liberté et d'égalité, ces territoires ont historiquement une attitude revendicative, tout au moins de dignité.
Le 24/11/2021 à 18:28, aristide a dit :
"Il est temps que l’hypocrisie cesse, que le voile se lève, que le droit dise ce qui doit être, en raison non pas de ce qui fait peur, mais de ce qui s’impose comme un phénomène historique et social irréversible"
Jusqu'à sa prochaine abrogation...
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