Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe est une proposition en apparence séduisante, car porteuse de progrès à plusieurs égards. Je vous propose de les reprendre.
Premièrement, cela améliorerait la reconnaissance sociale de cette union grâce à une célébration en mairie.
Deuxièmement, cela éliminerait certaines discriminations, je pense notamment à la pension de réversion ou à la garantie pour le conjoint survivant de pouvoir demeurer dans le logement commun. Un problème moins commenté mais non moins grave est celui de la liberté de circulation des couples internationaux. Contrairement au mariage, le PACS ne facilite ni la délivrance d’un visa pour la France, ni l’obtention d’un titre de séjour, ni l’accès à une naturalisation. J’avais d’ailleurs défendu en février 2011 un amendement visant à faciliter l’obtention d’un visa long séjour aux conjoints pacsés, mais il m’avait fallu le retirer. À ce jour, le seul progrès en ce domaine, obtenu grâce à un autre de mes amendements, c’est que le refus de visa doit désormais être motivé.
Troisièmement, cela améliorerait la sécurité juridique en cas de dissolution de l’union. Ce dernier point me semble particulièrement important. Le mariage, qui insiste sur l’engagement dans la durée des partenaires, est plus difficile à dissoudre que le PACS. Cette stabilité, cette fidélité dans le mariage ont des effets positifs pour la société. Il s’agit, au-delà d’une morale personnelle, de maintenir des repères sociaux et culturels fondamentaux.
À l’heure où de plus en plus de couples optent pour le PACS plutôt que pour le mariage, il pourrait sembler positif que l’État encourage un tel engagement dans la durée, y compris entre personnes de même sexe.
« Le mariage est un acte politique et civil », nous dit le philosophe et ancien président de la commission d’éthique de la fédération protestante, Olivier Abel, en ce qu’« il tisse des différences dans une société qui éprouve ainsi son unité, en dépit des différences de milieu, de confession, d’opinion, éventuellement de nationalité ». Le mariage permet aussi d’organiser, de civiliser les rapports de force au sein du couple et de protéger le faible, ce que le PACS fait mal. « En renonçant à instituer la conjugalité, on contribue à la précarisation générale des engagements collectifs et à donner libre cours à la vengeance et à la violence », nous dit également Olivier Abel.
La procédure du divorce, plus longue que celle du PACS, permet de laisser un temps de réflexion et de négociation aux couples qui se séparent. Surtout, après un divorce, le conjoint économiquement plus faible peut bénéficier d’une pension alimentaire ou d’une prestation complémentaire.
Si le présent projet de loi se contentait de permettre aux couples de personnes de même sexe d’accéder à ce cadre institutionnel, je pourrais peut-être, sans doute même, le voter. Cependant, le mariage n’est pas seulement affaire de conjugalité, il soulève aussi de graves questions de filiation. La filiation peut être organisée hors mariage, ce qui est d’ailleurs le cas pour de nombreux couples hétérosexuels vivant en concubinage ou pacsés. Mais le mariage, sous sa forme actuelle, ne peut être pensé sans sa dimension filiale. Dès lors qu’un enfant naît au sein d’un couple marié, la présomption de paternité est automatique. Cela ne pourra pas être le cas dans un mariage homosexuel.
Or un cadre juridique donné doit avoir les mêmes effets pour tous. C’est la raison pour laquelle il me semble infiniment préférable de créer une union civile ouverte à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle. Elle aurait les mêmes conséquences que le mariage en termes de régime matrimonial et de droits sociaux, elle serait célébrée en mairie et serait moins facilement dissoluble que le PACS. Outre la portée symbolique importante de ce terme de « mariage », la seule différence avec le mariage serait que cette union séparerait, juridiquement et symboliquement, la dimension de la conjugalité de celle de la filiation.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne comprends vraiment pas pourquoi vous opposez un tel refus de principe à cette solution de sagesse. Celle-ci serait facteur de progrès et d’apaisement dans notre société, qui en a bien besoin.
Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu d’argument qui m’ait dissuadée de soutenir cette union civile. Je voudrais donc vraiment vous exhorter à réfléchir, avant votre vote, à l’amendement présenté par le doyen Gélard. Il offre en effet toutes les garanties nécessaires à cet apaisement et, surtout, à cette égalité de droits que nous voulons tous entre homosexuels et hétérosexuels.