J’avais alors déclaré, en substance, que le mariage était une institution conservatrice, à double titre.
Premièrement – je crois avoir assez longuement insisté sur ce point, à l’Assemblée nationale comme au Sénat –, elle témoigne d’un ordre passé, car elle véhicule une conception de la conjugalité, de la vie de famille et de la liberté de chacun des membres du couple. Nous avons vu la définition qu’en avait donnée Portalis, puis l’évolution de l’institution, avec l’autorisation du divorce, conçue comme liberté suprême – puisqu’on peut contracter mariage, on peut tout aussi bien dissoudre mariage –, sa suppression – c’est-à-dire une nouvelle restriction de liberté – et enfin, de nouveau, son autorisation.
Deuxièmement, elle porte les empreintes de tous les combats, de tous les débats, de tous les progrès réalisés dans la société française sur les questions des libertés individuelles et de l’égalité.
Avant que je ne termine ma démonstration à l’Assemblée nationale, le député Claude Goasguen s’est exclamé : « Dans ce cas, ce n’est pas une institution conservatrice, mais conservatoire ! » Je lui ai répondu que si c’était une institution conservatoire, elle serait figée. Elle est conservatrice au sens où elle témoigne du passé et, de surcroît, elle en porte les traces.
Le rappel de la teneur exacte de mes propos me semble de nature à invalider le commentaire que vous en avez fait, monsieur Trillard.
Je passe sur le rapprochement, assez malheureux selon moi – je l’ai aussi entendu à l’Assemblée nationale –, que vous avez effectué avec les pratiques des vétérinaires en matière de transferts d’embryons. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, car je souhaite que notre travail soit constructif.
Monsieur Raffarin, les mots que vous avez prononcés ont résonné très fortement en moi. J’ai été très sensible à votre réflexion « en surplomb », au sens où l’on s’élève pour comprendre et analyser, notamment lorsque vous vous alarmez de cette violence qui est train de s’installer et de se manifester au grand jour dans la société, faisant fi de toutes les règles et principes du contrat républicain, lequel permet les oppositions, les désaccords, les divergences, les polémiques, voire les disputes, mais toujours dans le respect de la civilité de notre vie commune.
Lorsque vous me dites que, en tant que garde des sceaux, je devrais être encore plus que d’autres touchée et concernée par ces sujets, vous avez raison : les misères sociales et morales sont en effet le quotidien du garde des sceaux, mais aussi celui des magistrats, des greffiers ou des avocats, particulièrement dans les tribunaux d’instance. Nous vivons cette violence et ces difficultés sociales dans nos juridictions. Mais les personnes victimes d’actes homophobes la vivent également lorsqu’elles subissent ces discriminations et ces inégalités.
Nous partageons manifestement une même inquiétude sur l’état de notre société, sur la façon dont est en train de se défaire le lien social, avec cette radicalisation qui s’exprime parfois violemment, soit symboliquement, à travers le verbe, les messages ou les menaces, soit physiquement. Nous en sommes tous inquiets, mais aussi tous comptables, car c’est ensemble que nous ferons reculer cette violence et triompher de nouveau la civilité dans ce pays.
Cela étant, la conclusion à laquelle vous parvenez ne me semble pas judicieuse. Je ne crois pas en effet qu’une si belle profession de foi sur la nécessité de ramener la paix civile dans la société puisse être utilisée comme argumentaire en faveur de l’union civile.
Monsieur Karoutchi, vous avez regretté, avec toute la franchise qui vous caractérise, que, au cours des dix dernières années, et particulièrement lors du précédent quinquennat, aucun projet de loi ou proposition de loi sur l’union civile n’ait été présenté et adopté.
À entendre aujourd’hui toutes les interventions de Mmes les sénatrices et de MM. les sénateurs en faveur de l’union civile, je regretterais presque – j’ai un petit côté masochiste §– qu’ils ne vous aient pas davantage soutenu à l’époque, car nous aurions aujourd’hui un texte. Je maintiens toutefois que cette démarche n’est pas de même nature que celle du Gouvernement.
Il reste que, au regard de cette extraordinaire harmonie et de cette parfaite unanimité en faveur de l’union civile, je ne peux m’empêcher de me dire que vous auriez eu grand besoin de tous ces soutiens ces dernières années…
Je veux surtout retenir deux choses dans vos propos.
Tout d’abord, nous aurions pu, selon vous, retenir le mot « mariage », tout en le déconnectant de l’adoption. Ce n’est pas à vous que j’apprendrais que, pour notre code civil, le mariage entraîne l’adoption.