Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 8 avril 2013 à 14h30
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Articles additionnels avant l'article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Entendons-nous : la hiérarchie des normes n’est pas mise en cause. Nous sommes d'accord pour reconnaître que les traités internationaux s’imposent en droit interne. La question est de savoir si un ou plusieurs traités comportent une définition du mariage qui heurterait la nouvelle définition, ou plutôt, car il ne s’agit pas de créer une nouvelle définition, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Il ne s’agit pas d’interpréter abusivement les mots. Monsieur Hyest, vous avez le droit de considérer que, quand il est écrit « l’homme et la femme », cela signifie « l’homme avec la femme », mais cela peut également vouloir dire « l’homme en tant que citoyen et la femme en tant que citoyenne ». En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de faire des exégèses, parce que la décision de 2010 que j’ai évoquée portait précisément sur l’autorisation et l’interdiction du mariage de personnes de même sexe. C’est sur la base de la définition de l’expression « l’homme et la femme » dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé qu’il appartenait au législateur national de décider et que, en cas de désaccord entre deux pays, c’était le droit interne qui prévalait.

Quant à l’Allemagne, monsieur Hyest, elle ne fait pas partie des douze pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle. Le doyen Gélard a cité la Pologne, qui en fait effectivement partie. Voici la liste des onze autres : le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la Slovénie, le Vietnam, Madagascar, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l’Algérie. L’Allemagne n’est donc pas concernée. Cela signifie que, indépendamment du régime matrimonial et du droit du mariage allemands, il peut y avoir dérogation à la loi personnelle. Par conséquent, un Allemand ou une Allemande qui souhaite épouser un Français ou une Française en France peut le faire. Sous réserve du respect des dispositions du code civil relatives au mariage, il n’y aura aucune difficulté de transcription : l’acte sera simplement transcrit dans le registre de l’état civil. Je le répète, il ne peut y avoir de difficultés que pour les ressortissants des pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle.

Ma réponse est extrêmement claire. Aucune convention ne comporte de définition du mariage incompatible avec le mariage des personnes de même sexe. Du reste, si nous apprenions qu’une convention bilatérale ou multilatérale signée par la France comportait une telle définition, nous en tirerions les conséquences. Mais, parmi toutes les conventions que j’ai mentionnées – ce sont les principales –, aucune ne soulève la moindre difficulté.

Même si le débat était indispensable, le Gouvernement maintient donc son avis défavorable sur cet amendement, parce qu’il n’y a pas lieu de prendre la précaution de demander un rapport gouvernemental.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion