Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec l’examen de l’article 1er, le cœur du texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, des différentes voies possibles, vous avez choisi la plus radicale. Votre texte est une déclaration de toute-puissance dans la mesure où vous niez le rôle de l’altérité des sexes et que vous imposez votre point de vue aux enfants.
Permettez-moi de m’attarder sur vos motivations. Pourquoi avez-vous choisi cette voie radicale ? Pourquoi avez-vous choisi non seulement d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, mais surtout de l’imposer aux enfants de demain ?
Vous avancez trois motivations majeures.
La première, c’est l’égalité. Or le droit au mariage n’est un droit pour personne, pas plus pour les homosexuels que pour les hétérosexuels, dans la mesure où, pour se marier, il faut respecter des règles. Ceux qui ne les acceptent pas ou n’y correspondent pas ne peuvent se marier.
Ensuite, comme nous l’avons montré à plusieurs reprises, la conception de l’égalité qui prévaut dans notre droit républicain n’est pas de traiter tout le monde de la même façon. Sinon, concrètement, tout le monde devrait payer le même impôt. Le Conseil constitutionnel l’avait rappelé le 28 janvier 2011. Les trois grands ordres juridictionnels – le Conseil d’État, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel – ont chaque fois rappelé que l’égalité républicaine consiste à traiter de la même façon des cas identiques. A contrario, ces situations appellent un traitement différencié. Vous ne pouvez pas faire de cette égalité-là l’alpha et l’oméga de la loi.
La deuxième motivation, c’est l’amour. Le mariage serait une sorte de célébration sociale de ce très beau sentiment. Or, comme cela a été souligné, au nom de quoi l’amour donnerait-il le droit d’accéder à ce qui est bien plus qu’un contrat : une institution ?
Si un officier d’état civil – un élu, en général M. le maire ou celui qu’il a délégué – est nécessaire pour procéder au mariage, c’est pour signifier que celui-ci n’est pas simplement la conclusion d’un contrat entre deux personnes, c’est aussi une institution qui concerne la société, pour qui ce contrat est important, car de lui dépend le renouvellement des générations et bien d’autres choses. Le mariage est d’abord un cadre protecteur, ce que même l’amour ne doit pas occulter. C’est fondamental.
Enfin, la troisième motivation, c’est le droit aux enfants, dont il faut bien parler. Derrière le slogan du mariage pour tous s’en cache un autre : les enfants pour tous. Cela n’est pas acceptable. Là encore, il n’existe pas de droit à l’enfant, pas plus pour un couple homosexuel que pour un couple hétérosexuel.
Comme d’autres collègues, je suis président d’un conseil général. En matière d’adoption, il n’y a pas de droits, il y a d’abord des devoirs. L’adoption consiste non pas à donner un enfant à une famille, mais une famille à un enfant, ce qui est très différent. Or, si l’on se place de votre point de vue, l’enfant devient un objet de droit, alors qu’il est avant tout un sujet de droit. Là est le vice fondamental du texte – nous y reviendrons tout à l’heure – en matière de parenté et de filiation. Ce vice ne peut être appréhendé seulement du point de vue du développement de l’enfant, il est aussi un vice légistique. Nous y reviendrons également.
Le problème, c’est que les enfants subiront une double perte : celle de leurs origines, bien sûr, mais également celle de l’absence de la double figure masculine et féminine, laquelle est essentielle à leur construction.
Cette question fait débat et n’est pas consensuelle. De fait, on devrait au moins pouvoir se dire que, en l’absence de consensus, il faut être prudent et appliquer le principe de précaution.
Il faut donc faire attention, d’autant plus que le mariage consacre une fois pour toutes la différence des sexes et des générations, l’altérité et la généalogie, l’identité. C’est fondamental. Il consacre également la conjugalité entre deux êtres qui s’aiment, mais également la différence entre générations. Enfin, il crée une articulation entre culture et nature.
Nous sommes d’accord, la nature ne doit pas tout imposer, mais la civilisation, c’est faire tenir ensemble des éléments d’ordre à la fois naturel et culturel. Cela me paraît fondamental. §
Le plus piquant est que ceux qui ont le plus dénigré le mariage dans le passé veuillent aujourd'hui l’imposer à tous. Il est vrai qu’il ne s’agit plus du même mariage. Je pense que, comme dans la novlangue d’Orwell, vous avez conservé le mot, mais que vous en avez radicalement transformé le sens. Nous aurons l’occasion d’en reparler.