Je voudrais partager ces hommages avec mes collègues et collaborateurs de la commission « Mobilité 21 ». C'est le rassemblement de regards et de compétences différents qui permet de rechercher l'intérêt général.
J'ai peu parlé de l'Europe dans mon propos liminaire. L'Europe a sanctuarisé 13 milliards d'euros pour un certain nombre de grandes infrastructures. Quand nous avons rencontré il y a deux mois Mathias Ruete, directeur général à l'énergie et aux transports à la Commission européenne, il nous a dit tout l'intérêt des projets français visant à mieux intégrer le territoire national dans l'espace européen. Les deux projets lui semblant les plus intéressants à ce titre sont la liaison Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe. Le président de la République, lors de la rencontre franco-italienne de Lyon, avait conditionné la réalisation du Lyon-Turin à un apport de financement de 40 % de l'Union européenne. Les points de vue recueillis à Bruxelles sont plutôt positifs.
Concernant le canal Seine-Nord, la Commission est prête à soutenir le projet. Le Gouvernement précédent avait lancé un dialogue compétitif pour conclure un partenariat public-privé. Frédéric Cuvillier a demandé à un inspecteur général de l'environnement et du développement durable, Michel Massoni, de lui apporter un éclairage. Son rapport est parvenu à la conclusion que les coûts de réalisation étaient supérieurs au prix d'objectif et que les recettes n'étaient pas au niveau attendu. Le ministre a également constaté que les partenaires privés se situaient au-dessus du prix d'objectif dans le cadre du dialogue compétitif. Il a donc décidé d'arrêter cette procédure et de confier au député Rémi Pauvros le soin de faire des propositions pour remettre le dossier sur les rails, et ainsi ne pas se priver des crédits européens. Sa mission doit s'achever dans le courant de l'année 2013.
Les considérations financières sont un sujet majeur en matière d'infrastructures. Nous sommes face à des projets, à des travaux, d'autant plus consommateurs de crédits qu'on prend de plus en plus en compte la nécessité de préserver les milieux naturels et la biodiversité. Plusieurs ressources existent : des ressources budgétaires, des cofinancements des collectivités territoriales, et des ressources provenant de taxations diverses. Une incertitude pèse sur l'écotaxe poids lourds. Le ministre a souhaité prendre un peu de temps par rapport à sa mise en oeuvre. On sait que la mise au point sera difficile, comme l'exemple Toll Collect l'a montré en Allemagne, et il s'agit également d'étudier avec précaution la question de la répercussion. Une taxe supplémentaire sur les entreprises de transport routier est pénalisante, car ces entreprises ont souvent des équilibres financiers fragiles. C'est là un vrai sujet pour l'AFITF. La taxe sera prélevée à partir d'octobre mais le premier versement pour l'AFITF n'aura lieu que début décembre. Le manque à gagner, significatif, est compensé cette année par notre fonds de roulement.
Il serait souhaitable de sanctuariser ces recettes. Les critiques sur les recettes affectées, qu'elles viennent de la Cour des comptes ou du ministère des finances, sont nombreuses. Cependant, si l'on n'affecte pas de recettes pour les grandes infrastructures, celles-ci deviendront la variable d'ajustement du budget. Le volume des crédits disponibles pour les infrastructures risque de diminuer. Si l'on veut être demain à la hauteur des enjeux, il faudra vraisemblablement augmenter la ressource à destination des infrastructures, et notamment renforcer la régénération des réseaux. Roland Ries a évoqué le milliard d'euros nécessaire pour la régénération du réseau ferroviaire. Une grande partie de cette régénération est assumée par le gestionnaire d'infrastructures, RFF, ce qui aggrave le déficit de ses comptes. Il est indispensable de maîtriser la dépense ferroviaire. Si l'on n'y prend pas garde, les mêmes problèmes risquent de survenir pour les routes nationales et les autoroutes non concédées. Une remise en état serait beaucoup plus coûteuse que la maintenance et la modernisation régulières du réseau. La taxe poids lourds allemande est née de la constatation de la dégradation profonde du réseau routier et de la nécessité de faire participer les usagers routiers à l'entretien et à la réparation du réseau. Ce sont là des sujets stratégiques et de long terme.
S'agissant de la pertinence des modes de transports, on ne peut pas tout faire sur tous les territoires. Souvenez-vous du rapport de la DATAR et de la loi Pasqua d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. En matière d'équité territoriale, on considérait à l'époque que chaque territoire devait être à moins d'une demi-heure d'un carrefour autoroutier et à moins d'une heure d'une gare TGV. Un tel programme aurait mis plusieurs siècles à être mis en oeuvre... Ce n'est pas pertinent. Il ne faut pas retomber dans ce travers, et tenir compte des différences de densité de population des territoires. Tous les territoires doivent avoir accès à un moyen de transport efficace, moderne, confortable et sûr, mais qui soit adapté aux spécificités locales.
J'ai travaillé sur ces questions d'aménagement du territoire, notamment lorsque j'ai été rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi Voynet. Il faudrait redéfinir une politique d'aménagement du territoire. Trois époques se sont succédé en la matière : celle des fondateurs, où il s'agissait de structurer et d'équiper le territoire, celle du début de la crise, où la perspective était de réparer et reconvertir, enfin, la période actuelle, où les mots-clés sont compétitivité et concurrence. Je ne suis pas contre la métropolisation, notamment au regard des réseaux de villes existant en Europe, mais il s'agira de définir un avenir pour les territoires ruraux et les petites villes, sans opposer les uns aux autres.
Hervé Maurey a évoqué le risque de dilution de nos travaux, compte tenu du nombre important de structures consultées. Ce risque n'existe pas. Ces structures nous apportent leur expertise.
Michel Teston soulève la question des territoires enclavés. Il s'agit d'opérer une démarche d'aménagement du territoire. Sur un certain nombre de sujets, les programmes de modernisation des itinéraires routiers peuvent apporter des réponses. Ils devraient être mieux financés et plus ambitieux. Il existe de nombreux bassins d'emploi, de petites villes industrielles, dans des territoires à dominante rurale. Nous n'arriverons pas à les développer sans solutions routières. Faut-il concéder ces routes ? Les concessions ont un coût, pour l'État comme pour l'usager. Des solutions peuvent exister à un coût plus raisonnable. Les réponses doivent être adaptées aux besoins des territoires.
La traversée Est-Ouest est un autre sujet important. Des difficultés se posent pour la ligne ferroviaire Lyon-Nantes. Se pose également la question de la route Centre-Europe Atlantique, route dangereuse qu'il conviendrait d'achever.
Charles Revet a évoqué le périmètre de la mission. Il s'agit essentiellement des soixante-quinze projets du SNIT. Mais dans ce cadre, il s'agit aussi de faire des recommandations lorsqu'on ne peut pas satisfaire immédiatement un territoire, et proposer des solutions d'attente ou des solutions alternatives.
Concernant l'utilisation des lignes LGV pour le fret, vous savez qu'il est actuellement nécessaire d'interrompre le trafic pour faire des travaux d'entretien sur ces LGV. Quand il y a une LGV, il y a aussi une libération de sillon sur les lignes classiques. Actuellement, la part modale du fret diminue, ce qui est préoccupant. Il est nécessaire d'améliorer les sillons, et de garantir un certain nombre de sillons pour le fret. La question de la concurrence se pose aujourd'hui sur les lignes, entre les voyageurs et le fret, mais aussi entre les lignes TER de proximité et les lignes TET. Un arbitrage doit être effectué pour ne pas marginaliser systématiquement le fret.
Rémy Pointereau a évoqué le rapport de Jean-Louis Bianco sur la réforme ferroviaire. Nous sommes en contact et nous coordonnons nos travaux afin de ne pas nous contredire. Quand il dit qu'il faut arrêter de construire des LGV, il ne dit pas qu'il faut renoncer à moderniser le ferroviaire. Il soulève une question intéressante : est-ce qu'on est aujourd'hui contraints à choisir entre le 350 à l'heure et le 160 à l'heure, dans la mesure où les coûts de maintenance et de gestion croissent de manière exponentielle avec la vitesse ? La réponse n'est pas facile.
Concernant le Grand Paris, l'enveloppe a été sanctuarisée. Il y a une urgence à moderniser les RER, et à opérer un aménagement ferroviaire du territoire sur les tangentielles et les rocades. Le critère d'acceptabilité des populations est important. Il est difficile aujourd'hui de faire construire des infrastructures. Pour la N 104 par exemple, tout le monde s'accorde à reconnaître la nécessité des travaux, mais les populations s'opposent aux projets. Il est impératif de réconcilier, avec pédagogie et imagination, le besoin général avec l'acceptabilité de proximité.
Sur la modernisation des TGV, il ne faut pas oublier que les TGV ne représentent que 6 % du marché mondial des trains. D'autres secteurs peuvent être encouragés également.
L'endettement de RFF s'élevant à 32 milliards d'euros, et étant estimé à 55 milliards quand les quatre lignes LGV seront réalisées, il convient de s'interroger sur la soutenabilité de cet endettement.
Francis Grignon a évoqué la hiérarchie des projets et des critères. Pour notre part, nous avons choisi une méthode d'analyse multicritères non agrégés. L'agrégation ou la pondération des critères induisent généralement un point de vue et peuvent fausser le jugement.
Ronan Dantec a évoqué la création de flux financiers nouveaux. Faut-il garder les PPP ? On sait aujourd'hui qu'ils coûtent cher. On paye au prix fort le risque assumé par le partenaire privé, qui emprunte à des conditions bien moins intéressantes que l'État. Nous discuterons de cette question dans quelques jours à Berlin à la Banque européenne d'investissement. L'autofinancement peut être la solution pour certains projets. Je pense par exemple à la liaison entre la Défense et Roissy.
Robert Navarro a indiqué qu'il fallait veiller à privilégier les projets créateurs de richesse. Il faut en effet être attentif sur notre façon d'investir. Nous avons pour notre part une appréciation coûts-avantages des projets en fonction de la valeur actualisée nette par euro investi.
André Vairetto a rappelé la spécificité des territoires de montagne, en termes de désenclavement, et de traversée des massifs. Ces sujets doivent être pris en compte : n'importe quelle infrastructure ne peut pas être utilisée dans n'importe quel milieu. Dans ces zones, l'écotaxe poids lourds pourrait être augmentée. L'Union européenne l'autorise en effet dans les zones sensibles comme les zones de montagne. Cela peut permettre de mieux financer des projets coûteux du fait du relief.
Jean-François Mayet, la rénovation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) a du sens. Il est tout à fait légitime de rendre Limoges accessible de Paris en deux heures. Le projet Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL) est un sujet complexe, nous y travaillons beaucoup. Il y a eu des fuites malvenues à ce sujet.
Jean-Jacques Filleul, la question des ports est effectivement essentielle. Nous assistons à un rebond de la voie fluviale, qui doit être salué. La réforme de Voies navigables de France va plutôt dans le bon sens. L'État a déployé des moyens pour rénover les écluses, consolider les berges et moderniser le réseau. Il y a effectivement de grands projets, comme le canal Seine-Nord-Europe. Se fera-t-il ? Je ne le sais pas.
S'agissant des verticales de fret, il y a deux corridors. Tout d'abord, le Perpignan-Bettembourg, qui voit jusqu'à cent trains de fret par jour, sur certains segments situés près de Lyon. Nous continuons à travailler à son développement, en faisant avec l'AFITF des travaux près d'Avignon. Le ministre a par ailleurs décidé de lancer un corridor atlantique. Si le trafic est important au travers des Alpes, il en sera de même pour ce corridor.
Philippe Esnol, je vous rejoins sur l'importance du fluvial. M. Tandonnet, je ne répondrai pas sur le Bordeaux-Toulouse, mais je peux vous dire que Toulouse entre dans les stratégies de l'Union européenne, en tant que grande métropole européenne.