Intervention de Michel Sapin

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 avril 2013 : 1ère réunion
Sécurisation de l'emploi — Audition de M. Michel Sapin ministre du travail de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social

Michel Sapin, ministre :

Vos inquiétudes sont légitimes. Menons ce débat avec respect, il le vaut.

Certes, le juge administratif ne pourra contrôler les motifs des accords de maintien de l'emploi mais, jusqu'à présent, les accords n'étaient soumis à aucun encadrement juridique. Les syndicats sont conscients de cette lacune. Le projet de loi y remédie.

Les accords de maintien de l'emploi ne relèveront pas d'une procédure unilatérale mais devront être signés par des organisations syndicales représentant plus de la moitié du personnel, et non plus de 30 %. Les syndicats seront d'autant plus en mesure de veiller à la proportionnalité et à la réciprocité des efforts consentis par les salariés d'une part, et le patronat et les actionnaires d'autre part, que l'accord devra obligatoirement les détailler. De plus, la loi protégera les plus faibles car les salaires inférieurs à 1,2 Smic ne pourront être touchés.

Comme la Cour de cassation l'a rappelé récemment, l'absence ou l'insuffisance du motif économique n'entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement économique. Le projet de loi confère le soin au juge administratif de vérifier la procédure suivie. En revanche, le salarié pourra saisir le Conseil des prud'hommes qui vérifiera le caractère réel et sérieux du motif. En cas de licenciements collectifs, l'administration appréciera le dossier dans son ensemble, ce qui inclut la situation économique de l'entreprise.

L'interdiction des licenciements boursiers est une idée difficile à mettre en place d'un point de vue juridique. Le Conseil constitutionnel a annulé en 2002 un dispositif en ce sens. Aussi avons-nous choisi la voie du renchérissement, afin de modifier l'intérêt financier des entreprises. C'est la proposition n° 25 du candidat François Hollande... Monsieur Watrin, nous divergeons sur les outils, mais nos objectifs sont les mêmes.

L'autorisation administrative de licenciement a été supprimée en 1986. Le patronat y était hostile car il considérait que le juge administratif était trop sévère. La juridiction administrative sera aussi juste que la juridiction civile. Elle disposera de plus de pouvoirs pour contrôler les accords collectifs ou les plans de licenciement. Les délais de jugement sont inférieurs et la loi a prévu des délais rapides.

Le patronat est divisé sur l'instauration de clauses de désignation en matière de complémentaire santé, qui autoriseraient les accords de branche à imposer le choix d'un organisme. Si l'UPA ou la CGPME y sont favorables, tout comme les organisations syndicales, le Medef y est opposé. J'ai souhaité donner une liberté totale aux partenaires au sein de chaque branche pour déterminer le meilleur dispositif. Les accords ne procèderont pas obligatoirement à la désignation d'un organisme ; ils pourront émettre une simple recommandation. Plus la branche est diversifiée, plus les petites entreprises ont intérêt à une mutualisation et les grosses entreprises à la liberté. Chaque situation est particulière.

De plus, si les accords comportent des clauses de désignation, celles-ci seront subordonnées à une mise en concurrence préalable obéissant à des modalités précises de transparence et d'égalité de traitement entre les candidats. Un décret les définira, qui procédera du même esprit que la loi « Sapin » de 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Enfin l'Assemblée nationale a apporté quelques nouveautés.

A l'article 1er, la transparence dans les négociations de branche concernant la complémentaire santé a été renforcée et les conditions contractuelles devront être conformes à celles des contrats solidaires et responsables.

A l'article 2, la définition du compte personnel de formation ouvert à chaque salarié a été précisée. Une négociation sur la formation professionnelle aura lieu avant la fin de l'année.

La rédaction de l'article 3 sécurise les mobilités volontaires en créant un droit de retour dans un délai raisonnable, qui de fait ne pourra excéder quelques semaines.

A l'article 4, l'information des instances représentatives du personnel a été améliorée, notamment concernant la précarité dans l'entreprise et les questions d'ordre environnemental.

A l'article 5, le calendrier de mise en place de la représentation des salariés au sein des conseils d'administration a été avancé.

L'article 8 prévoit un meilleur encadrement des coupures de temps partiel. Les dérogations au temps partiel ne seront possibles que si un accord de branche étendu a été conclu. Il s'agit d'un progrès considérable, notamment pour les femmes.

A l'article 10, des précisions et des garanties ont été apportées avec la prise en compte accrue du respect de la vie personnelle et familiale, l'instauration d'une procédure individuelle de mise en oeuvre de la mobilité, le renforcement des obligations d'accompagnement et de reclassement en cas de licenciement. Autant de modifications substantielles qui répondent aux critiques des non-signataires.

A l'article 12, autre progrès : en cas d'accord de maintien de l'emploi et de baisse des rémunérations des salariés, les dirigeants et actionnaires devront faire des efforts proportionnés sur les rémunérations et dividendes.

A l'article 13, l'administration aura quinze jours, et non plus huit, pour valider un accord majoritaire. Faute d'accord, elle disposera de vingt et un jours pour homologuer la décision unilatérale de l'employeur. En réalité elle disposera d'un délai supérieur car elle sera saisie dès le début de la procédure.

Enfin le Gouvernement a pris l'engagement de soutenir une proposition de loi contre les stages abusifs et pour les droits des stagiaires qui devrait être déposé avant l'été.

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