Après avoir fait chuter le gouvernement taliban en 2001, la coalition occidentale, réunie au sein de la FIAS, s'est concentrée sur la lutte contre le terrorisme. Malheureusement, dans cette lutte, les centres de formation installés en dehors de l'Afghanistan n'ont pas pu être neutralisés. Avec 350 000 hommes, l'armée afghane dispose du nombre mais se heurte encore à des problèmes d'équipement, de formation et d'appuis logistiques. De plus, notre pays a plus de 2 000 km de frontière avec ses voisins, ce qui multiplie les risques d'ingérence. De ce fait, on peut affirmer que la guerre, et sa solution, n'est pas un problème seulement interne à l'Afghanistan.
Mon pays fait face à deux enjeux majeurs : l'organisation des élections en 2014 et le transfert de responsabilité aux forces de sécurité nationales. À ces enjeux s'ajoute le défi du processus de paix et de réconciliation. Ce dernier est encouragé par les initiatives prises par la France, l'Allemagne ou le Qatar. Elles n'ont malheureusement pas jusqu'ici débouché sur des résultats concrets. Il est nécessaire que le gouvernement afghan, la communauté internationale et les pays voisins de la région redoublent d'efforts dans ce sens. Bien évidemment, le rôle du Pakistan est vital. J'estime entre 80 et 85 % la responsabilité de ce pays dans la réussite du processus.
Deux facteurs seraient susceptibles de diminuer le niveau d'ingérence du Pakistan. Le premier pourrait être une aggravation des problèmes politiques intérieurs. Ceux-ci sont très importants entre la montée en puissance des talibans pakistanais, l'extrémisme religieux, les tensions ethniques et le séparatisme de certains comme au Baloutchistan. Le second pourrait consister en une augmentation des pressions de la communauté internationale au Conseil de sécurité de l'ONU afin que le Pakistan arrête de soutenir l'opposition armée et contribue positivement au processus de paix. Il existe une réelle fragilité sécuritaire du Pakistan. Il me paraît évident que le processus de paix et de réconciliation pourrait connaître une accélération si on limitait le degré d'ingérence des services de certains de nos voisins.
S'agissant du défi des élections en 2014, la loi électorale est en ce moment même à l'étude au sein des 18 commissions de notre assemblée. Les débats en plénière pourraient avoir lieu à partir de la semaine prochaine. Vous avez tout à fait raison de souligner le faible degré de préparation de la commission électorale indépendante. Cela étant, le Président Karzaï s'est fortement engagé à ce que les élections aient bien lieu le 5 avril 2014. Personnellement, je suis persuadé que si les conditions de la sécurité en Afghanistan ne connaissent pas d'aggravation, ces élections auront bien lieu à la date prévue même si nous devons faire face à des problèmes classiques en période de post conflits. Il ne faut pas perdre de vue que l'Afghanistan, après 35 ans de guerre, a des institutions d'État très affaiblies. Pourtant, les 11 années qui viennent de s'écouler ont un acquis positif en matière de liberté de la presse, de liberté d'expression, des droits de l'homme et de la femme....
Tous les efforts possibles sont réalisés pour réussir le transfert de responsabilité et trouver les moyens de sécuriser le territoire, de préserver la souveraineté et de protéger notre intégrité territoriale.
Lors des différentes conférences internationales, comme celles de Chicago, de Tokyo ou de Londres, la communauté internationale a pris un certain nombre d'engagements vis-à-vis de l'Afghanistan. Avec la France, nous avons signé un traité d'amitié et de coopération qui couvre l'ensemble des domaines militaires, financiers, du développement, etc. Il importe naturellement que les pays tiennent les engagements pris.
S'agissant du processus de réconciliation, il est inutile d'en souligner l'importance. Il est rendu plus complexe par les divisions de l'opposition armée et par le soutien de certains pays de la région. Il est important de continuer à faire pression sur ces pays qui s'ingèrent et qui menacent la sécurité de l'Afghanistan. L'ensemble des partis politiques afghans oeuvre pour aboutir à la paix.
Je tiens à rendre un hommage solennel aux sacrifices faits par la France et, en particulier, aux 88 soldats français morts au combat. Je présente mes condoléances à leurs familles. Nous avons beaucoup de reconnaissance pour l'aide financière et technique dans tous les domaines (agriculture, santé, justice, électricité, gouvernance, etc.) que la France nous apporte. Je tiens en particulier à remercier l'ambassadeur Bajolet et Stéphane Cata, le chef du pôle stabilité français en Afghanistan.