Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 9 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

Source

La commission reçoit une délégation du Parlement afghan, conduite par M. Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous avons le plaisir d'accueillir une délégation de la Wolesi Jirga conduite par M. Mirdad Nijrabi, député de la Kapisa, président de la commission des affaires de sécurité. Je vous souhaite, au nom de notre commission, une très chaleureuse bienvenue.

J'observe que, dans votre délégation, il y a également Madame Aimaque, qui est députée de Kaboul et donc de la région de Surobi. Nous avons donc là des élus des territoires qui ont été le lieu d'intervention de la force La Fayette jusqu'en novembre dernier et où notre pôle de développement continue à concentrer son action.

Cet échange de vues s'inscrit dans le suivi très attentif que notre commission fait de l'évolution de la situation en l'Afghanistan, pays, je le rappelle, avec lequel nous sommes liés, non seulement par les liens du sang, par les sacrifices que nous avons mutuellement consentis, par ceux de l'amitié, mais aussi par un intérêt profond puisque nous sommes persuadés que nous devons contribuer collectivement à ce que l'Afghanistan soit une terre de stabilité et ne constitue pas une menace de déséquilibre pour le monde et pour sa région. C'est tout le sens de notre engagement, depuis plus de dix ans, qui se concrétise aujourd'hui par la mise en oeuvre du traité d'amitié et de coopération.

Avant de vous passer la parole pour nous faire part de votre analyse de la situation politique et sécuritaire dans votre pays et de ses relations avec ses voisins, en particulier naturellement le Pakistan, je voulais vous faire part de quelques préoccupations que nous avons, nous qui suivons attentivement l'évolution de la situation en Afghanistan.

Après plus de 10 ans d'intervention de la communauté internationale, la situation militaire et sécuritaire reste fragile. Malgré d'indéniables succès, l'insurrection fait preuve d'une remarquable résilience et maintient dans le pays un niveau élevé d'insécurité. Cela est naturellement préoccupant pour l'avenir.

Alors que le retrait des troupes occidentales se poursuit, l'accent est mis sur la formation de l'armée nationale afghane et des forces de sécurité en général auxquelles la coalition passe le témoin. Cette montée en puissance indispensable des forces de sécurité afghane constitue bien évidemment la condition essentielle du bon déroulé de l'ensemble du processus militaire et politique qui marquera l'année 2014. Vous nous donnerez votre appréciation sur les conditions de ce transfert de responsabilité.

S'agissant des forces françaises, le dispositif de retrait a été réalisé aujourd'hui à 80 % et nos effectifs sont passés de 2 000 hommes à 1 000, chiffre qui devrait être encore divisé par deux d'ici le mois de juillet prochain.

L'année 2014 va également être marquée par les élections présidentielles ainsi que par la réforme électorale qui sera mise en oeuvre. Or nous ne pouvons que constater qu'aujourd'hui encore, ni le registre électoral, ni le cadre législatif, ni les mécanismes de financement, ni le plan opérationnel de la commission électorale indépendante, ni le projet de l'ONU pour soutenir celui-ci, ne sont en place. Vos analyses, en tant que responsable politique, de ce processus seront pour nous particulièrement intéressantes.

Enfin, vous pourrez nous dire où en est le processus de réconciliation et quel rôle joue votre voisin pakistanais dans ses négociations. Lors du dernier déplacement que j'ai effectué en Afghanistan avec le ministre de la défense, Gérard longuet, le Président Karzaï nous avait indiqué que seuls les Afghans étaient susceptibles de résoudre leurs problèmes internes sans une aide extérieure. Je souhaite vivement que vous puissiez résoudre ses problèmes et développer votre pays dans la liberté.

Monsieur le président, Madame et Messieurs les parlementaires, je vous passe la parole.

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

Après avoir fait chuter le gouvernement taliban en 2001, la coalition occidentale, réunie au sein de la FIAS, s'est concentrée sur la lutte contre le terrorisme. Malheureusement, dans cette lutte, les centres de formation installés en dehors de l'Afghanistan n'ont pas pu être neutralisés. Avec 350 000 hommes, l'armée afghane dispose du nombre mais se heurte encore à des problèmes d'équipement, de formation et d'appuis logistiques. De plus, notre pays a plus de 2 000 km de frontière avec ses voisins, ce qui multiplie les risques d'ingérence. De ce fait, on peut affirmer que la guerre, et sa solution, n'est pas un problème seulement interne à l'Afghanistan.

Mon pays fait face à deux enjeux majeurs : l'organisation des élections en 2014 et le transfert de responsabilité aux forces de sécurité nationales. À ces enjeux s'ajoute le défi du processus de paix et de réconciliation. Ce dernier est encouragé par les initiatives prises par la France, l'Allemagne ou le Qatar. Elles n'ont malheureusement pas jusqu'ici débouché sur des résultats concrets. Il est nécessaire que le gouvernement afghan, la communauté internationale et les pays voisins de la région redoublent d'efforts dans ce sens. Bien évidemment, le rôle du Pakistan est vital. J'estime entre 80 et 85 % la responsabilité de ce pays dans la réussite du processus.

Deux facteurs seraient susceptibles de diminuer le niveau d'ingérence du Pakistan. Le premier pourrait être une aggravation des problèmes politiques intérieurs. Ceux-ci sont très importants entre la montée en puissance des talibans pakistanais, l'extrémisme religieux, les tensions ethniques et le séparatisme de certains comme au Baloutchistan. Le second pourrait consister en une augmentation des pressions de la communauté internationale au Conseil de sécurité de l'ONU afin que le Pakistan arrête de soutenir l'opposition armée et contribue positivement au processus de paix. Il existe une réelle fragilité sécuritaire du Pakistan. Il me paraît évident que le processus de paix et de réconciliation pourrait connaître une accélération si on limitait le degré d'ingérence des services de certains de nos voisins.

S'agissant du défi des élections en 2014, la loi électorale est en ce moment même à l'étude au sein des 18 commissions de notre assemblée. Les débats en plénière pourraient avoir lieu à partir de la semaine prochaine. Vous avez tout à fait raison de souligner le faible degré de préparation de la commission électorale indépendante. Cela étant, le Président Karzaï s'est fortement engagé à ce que les élections aient bien lieu le 5 avril 2014. Personnellement, je suis persuadé que si les conditions de la sécurité en Afghanistan ne connaissent pas d'aggravation, ces élections auront bien lieu à la date prévue même si nous devons faire face à des problèmes classiques en période de post conflits. Il ne faut pas perdre de vue que l'Afghanistan, après 35 ans de guerre, a des institutions d'État très affaiblies. Pourtant, les 11 années qui viennent de s'écouler ont un acquis positif en matière de liberté de la presse, de liberté d'expression, des droits de l'homme et de la femme....

Tous les efforts possibles sont réalisés pour réussir le transfert de responsabilité et trouver les moyens de sécuriser le territoire, de préserver la souveraineté et de protéger notre intégrité territoriale.

Lors des différentes conférences internationales, comme celles de Chicago, de Tokyo ou de Londres, la communauté internationale a pris un certain nombre d'engagements vis-à-vis de l'Afghanistan. Avec la France, nous avons signé un traité d'amitié et de coopération qui couvre l'ensemble des domaines militaires, financiers, du développement, etc. Il importe naturellement que les pays tiennent les engagements pris.

S'agissant du processus de réconciliation, il est inutile d'en souligner l'importance. Il est rendu plus complexe par les divisions de l'opposition armée et par le soutien de certains pays de la région. Il est important de continuer à faire pression sur ces pays qui s'ingèrent et qui menacent la sécurité de l'Afghanistan. L'ensemble des partis politiques afghans oeuvre pour aboutir à la paix.

Je tiens à rendre un hommage solennel aux sacrifices faits par la France et, en particulier, aux 88 soldats français morts au combat. Je présente mes condoléances à leurs familles. Nous avons beaucoup de reconnaissance pour l'aide financière et technique dans tous les domaines (agriculture, santé, justice, électricité, gouvernance, etc.) que la France nous apporte. Je tiens en particulier à remercier l'ambassadeur Bajolet et Stéphane Cata, le chef du pôle stabilité français en Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

L'avenir de l'Afghanistan passe par la réussite du processus de réconciliation et par le développement économique et social. La France a beaucoup participé à la formation des militaires et des gendarmes afghans. Comment appréciez-vous cette formation ? Il n'y a pas de paix sans développement économique, pouvez-vous nous éclairer sur les potentiels de développement et l'avenir économique de votre pays ?

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

J'ai déjà souligné l'importance du processus de réconciliation. Nous croyons en sa réussite, mais nous avons aussi besoin de l'aide des pays amis et la communauté internationale pour nous aider à mettre fin à la guerre et à ses souffrances pour la population.

Il a été procédé à un inventaire des richesses naturelles pour environ 30 % du territoire. Celui-ci a mis en évidence une possibilité de disposer de 3 000 milliards de dollars de ressources minières potentielles. Et bien évidemment, le principal problème est la sécurité qui conditionne la mise en oeuvre de ces projets et de l'exploitation de ces ressources.

La France a en effet joué un rôle très important en matière de formation. J'ai d'ailleurs pu le constater moi-même dans ma province, en Kapissa, en particulier en ce qui concerne la formation de la police locale, qui a porté sur 600 hommes, et la formation des militaires afghans. Je tiens à souligner que l'armée nationale afghane a également beaucoup accompli mais qu'elle a encore besoin d'équipements et de formation.

L'avenir industriel de mon pays dépend des investissements étrangers. L'un des enjeux principaux consiste à développer la production d'énergie. Nous estimons que 220 000 MW sont nécessaires. L'Afghanistan dispose de beaucoup d'eau et de beaucoup de vent mais ces ressources ne sont pas encore utilisées aujourd'hui faute de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Pouvez-vous nous parler du développement social et éducatif ? Quelle aide pourrait apporter la France dans ces domaines, sachant que l'éducation est la base de tout développement ?

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

Beaucoup de progrès ont été faits. Par exemple, 8 300 000 élèves vont à l'école sur une population de 30 millions. Nous avons créé des universités nouvelles et des centres d'éducation supérieure. L'un des principaux problèmes auxquels nous faisons face est que les bacheliers ne peuvent pas tous entrer à l'université. À ce problème d'engorgement s'ajoute bien évidemment la question sécuritaire.

La résolution des problèmes sociaux est intimement liée aux problèmes économiques. Si le niveau de vie s'est indéniablement amélioré en 10 ans, de très importants problèmes persistent en matière de santé et d'éducation. L'existence de ces problèmes ne doit pas masquer les progrès qui ont été effectués en matière de mortalité infantile, de création de maternités ou encore de services de santé de base installés dans les zones éloignées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

J'ai pu constater, à travers plusieurs séjours en Afghanistan et des rencontres avec des parlementaires, la responsabilité du Pakistan dans les problèmes de sécurité que rencontre votre pays. Qu'attendez-vous du Conseil de sécurité en matière de pression sur le Pakistan ?

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

Vous avez raison de dire que les sources de la sécurité sont à l'extérieur du pays. Il est nécessaire de couper la source de cette insécurité. Faute de quoi aujourd'hui nous constatons que les objectifs militaires de la coalition occidentale, après 10 ans de présence, et malgré l'utilisation de technologies de pointe, n'ont pas été atteints. Une de nos préoccupations premières est la faiblesse des moyens dont dispose l'armée nationale afghane. Ce que nous demandons au Conseil de sécurité, c'est d'empêcher le Pakistan de saboter le processus de paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Au moment où le retrait de nos forces va s'achever, qu'attendez-vous de notre pays ? Quel est le bon positionnement que nous pouvons adopter pour l'avenir de l'Afghanistan ?

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

Nous espérons naturellement que les engagements pris dans le traité entre la France et l'Afghanistan seront tenus. Sur la formation et les équipements, nous attendons une aide technique de la France ainsi que pour le développement économique et le renforcement des capacités, notamment en matière agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Pouvez-vous nous éclairer sur le niveau des ressources propres du gouvernement afghan ?

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

C'est une question très difficile. En 10 ans, nous sommes passés de zéro à environ 2 milliards de dollars par an de ressources propres. Mais il est aussi évident que sans les problèmes de sécurité que nous connaissons, l'Afghanistan aurait dû être autonome. C'est l'insécurité qui empêche le développement des projets et des infrastructures. Nous le constatons par exemple sur la mise en exploitation des mines de cuivre qui ont été attribuées à la Chine et qui n'a toujours pas pu commencer. Dans ce contexte les ressources propres de l'État afghan sont essentiellement fiscales. Le budget 2013 se monte à 7 milliards de dollars et nous espérons que les ressources propres pourront en couvrir de deux à 2,5 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pouvez-vous nous faire un point sur l'étendue du trafic de drogue et sur la possibilité de proposer aux paysans afghans des cultures de substitution leur apportant au moins autant de revenus. Cet objectif est atteignable quand on sait que l'essentiel des bénéfices du trafic vont aux intermédiaires.

Debut de section - Permalien
Mirdad Nijrabi, député de Kapisa et président de la Commission des affaires de sécurité de l'Assemblée nationale afghane

Il est important de dire que le fléau de la drogue touche également 1,1 million d'afghans dont beaucoup de jeunes qui deviennent dépendants. L'islam condamne la culture de la drogue de manière très ferme. C'est l'opposition armée qui utilise la culture du pavot comme ressources financières. Là où le gouvernement contrôle le territoire nous avons pu limiter ces cultures mais elles se développent principalement dans les zones frontalières, en particulier avec le Pakistan. La culture du safran qui a été expérimentée dans la province d'Heirat, est un bon produit de substitution. Il existe, au sein du gouvernement, un ministère chargé de la lutte contre le trafic de drogue. De plus, les actions du ministère de l'intérieur sont très efficaces et conduisent à la destruction d'environ 100 tonnes de drogue chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La France dispose d'une compétence de pointe en matière agricole qui peut être mise au service de l'Afghanistan y compris en matière de sélection génétique des plantes en fonction du climat et du sol.

La commission reçoit une délégation de députés de la Grande Assemblée nationale de Turquie, conduite par M. Mehmet Tekelioglu, président de la Commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous avons le plaisir d'accueillir nos collègues de la Grande Assemblée Nationale de Turquie. Cette délégation est conduite par M. Tekelioglu, président de la commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne et elle compte parmi ses membres M. Gülpinar qui est le président du groupe d'amitié Turquie-France qui vient de se reconstituer, ce dont, naturellement, nous nous réjouissons.

Vous effectuez actuellement un séjour en France dans le cadre d'un projet de « Dialogue interparlementaire » financé par l'Union européenne. Vous avez pris l'initiative de cette rencontre avec notre commission à et je me réjouis de cette occasion de débat qui va nous permettre d'échanger de façon très libre sur un certain nombre de sujets, en lien avec les missions de notre commission.

J'ai l'avantage de présider une commission dont les domaines de compétence sont relativement consensuels entre la majorité et l'opposition puisque tant la défense que les affaires étrangères engagent nos intérêts nationaux. Nous avons d'ailleurs institué un principe de « binômes » majorité-opposition pour l'ensemble de nos rapports et de nos missions.

Nous avons beaucoup travaillé l'année dernière dans le cadre de la préparation, en France, d'un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et continuons à suivre très attentivement les travaux de la commission chargée de sa rédaction finale ainsi que la préparation d'une loi de programmation militaire dont les enjeux nous paraissent très importants. Nous sommes en effet préoccupés par la tendance observée dans la plupart des pays européens, membres de l'OTAN, de la réduction sensible des budgets consacrés à la défense, alors même que les États-Unis, confrontés eux-mêmes à la nécessité de réduire leurs dépenses, orientent davantage leurs intérêts vers l'Extrême-Orient. Nous avons eu l'occasion d'affirmer que la limite de 1,5% du PIB consacré à la défense nous paraissait un plancher à ne pas franchir et conservons quelque espoir d'être suivi en ce sens par le Président de la République. Nous serons naturellement intéressés à connaître l'actualité de cette question en Turquie.

Nous examinons aussi de près les développements de la coopération entre États européens en matière de défense, qu'il s'agisse des initiatives au sein de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne ou des initiatives conduites au sein de l'OTAN.

En matière de politique étrangère, nous avons mis l'accent cette année sur trois zones géographiques qui nous paraissent au coeur de l'actualité :

- les pays de la rive sud de la Méditerranée, pour apprécier les évolutions intervenues dans certains d'entre eux à la suite de ce que certains ont qualifié de « printemps arabes » et leurs conséquences ;

- les questions du Sahel, car nous avons considéré, bien avant l'intervention de l'armée française au Mali, que cette zone géographique peu peuplée et instable constituait une zone à risque ;

- et enfin l'Afrique subsaharienne qui nous paraît être un continent à fort potentiel de développement.

Nous savons que la Turquie est active dans ces régions, que certains des nouveaux dirigeants du monde arabe se réfèrent au modèle turc de démocratie et qu'elle a renforcé de façon importante ses moyens diplomatiques et d'influence sur le continent africain.

Nous suivons également de très près la situation en Syrie et ses récents développements. Nous avons eu d'ailleurs l'occasion d'auditionner votre ambassadeur, il y a quelques mois, sur cette question et, la semaine dernière, à huis clos, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius.

Nous nous intéressons naturellement au conflit israélo-palestinien et observons les récentes évolutions des relations de la Turquie avec Israël et avec les différentes composantes palestiniennes.

Nous sommes également attentifs, tout comme vous, à la question du nucléaire iranien.

J'ajouterai que nous apprécions avec intérêt les récents développements de la question kurde en Turquie et nous nous nous réjouirions qu'une solution pacifique et durable puisse en être l'issue.

Enfin, les relations que nous entretenons avec la Turquie, soit en bilatéral, soit dans le cadre de l'Union européenne, sont, bien entendu, au coeur de nos préoccupations, nous avons conscience que pour diverses raisons, qu'il s'agisse de la position de la France sur le processus de négociation en vue de l'accession de la Turquie à l'Union européenne ou du vote par le Parlement d'une proposition de loi tendant à pénaliser la négation du génocide arménien, nos relations bilatérales se sont très sensiblement altérées, au cours des dernières années, ce que, pour ma part et je ne suis pas le seul dans cette commission, à le regretter profondément. J'ai le sentiment que nous entrons dans un période de reprise, de redémarrage de relations plus confiantes, votre visite en constituant l'illustration.

Nous avons, vous le voyez, de très nombreux sujets d'intérêt en commun. Ces sujets ne sont naturellement pas exclusifs et vous souhaiterez probablement en aborder quelques autres. Nous n'aurons sans doute pas le temps matériel pour les aborder tous au fond, mais cela constituera l'amorce d'un dialogue que, je l'espère, nous pourrons poursuivre.

Debut de section - Permalien
Mehmet Tekelioglu, président de la Commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne

Je vous remercie, ainsi que la commission, de votre accueil. Notre visite s'inscrit dans le cadre d'un projet d'échange et de dialogue que conduit le Parlement turc avec l'Union européenne. Je voudrais d'abord partager avec vous certaines pensées relatives à l'Union européenne. Nous souhaitons développer des liens d'amitiés, nos liens sont très anciens avec la France et nous sommes obligés de nous entendre. Nous sommes deux anciens empires, conscients que le monde a changé, que nous ne pouvons plus avoir de pensées impériales dans le monde actuel, mais que nous devons établir d'autres unions politiques et économiques pour continuer à avancer.

Dans le cadre de ce projet, l'Union européenne, pendant la période de candidature, a tenu à ce que la Turquie soit mieux connue, que les points obscurs soient mis en lumière, que les pays réticents puissent lever leurs doutes, grâce à l'échange et au dialogue. C'est une initiative du Parlement européen. La visite d'une délégation française en Turquie sera organisée ; nos ambassades respectives travaillent à cela. Des délégations turques se sont rendues au Portugal, en Estonie, en Hongrie, bientôt en Belgique. Dans le cadre du dialogue, des symposiums sont organisés en Turquie et dans d'autres pays européens, sur l'immigration, sur le dialogue interculturel, sur l'alliance des civilisations et l'Union européenne, le rôle des médias et la diversité culturelle, sur le terrorisme et nous aurons de prochaines réunions sur la bonne gouvernance et les 6 et 7 novembre à Paris sur l'égalité des sexes. Les sénateurs sont invités à participer à ces conférences.

En 2006, l'opinion publique turque était favorable à 70% à ce que nous accédions à l'Union européenne. Aujourd'hui, si nous posons la question de l'accès aux normes et standards européens, nous obtiendrons probablement le même résultat mais si nous interrogeons sur l'adhésion les résultats sont plutôt de 30 à 40%. Qu'est-ce qui explique cela ? La Turquie n'a pas été bien compris et nous n'avons pas réussi à avoir l'appui de certains de nos amis. Ainsi la France a bloqué certains chapitres au cours de la dernière période. Le blocage sur un de ces chapitres a été levé récemment, mais il faudrait que le blocage soit levé sur les quatre chapitres restants, ainsi l'opinion publique vis-à-vis de la France deviendrait beaucoup plus positive. Il faut le faire car nous avons besoin de plus de relations économiques et si nos relations économiques sont meilleures nous n'aurons plus de raisons de ne pas nous entendre. Sinon nous aurons plus de problèmes dans notre dialogue. Il faut que nous soyons en état de discuter et de négocier sur toutes les questions.

Sur l'Union européenne, il n'y a pas de perte de la visée. Elle est partagée par notre parti et par les partis de l'opposition. Nous poursuivons les réformes ; un 4ème paquet de réformes portant notamment sur la justice est à l'ordre du jour. Certaines déclarations et agissements de certains leaders en Europe ont eu un effet sur l'opinion publique et il faut dépasser tout cela.

La concordance avec l'acquis communautaires touche les lois, les règlements, tout un ensemble de directives et de textes, c'est un travail considérable et peu visible, mais qui se réalise quotidiennement. Notre objectif est bien d'intégrer tout cet ensemble de normes et d'être au standard européen. D'ailleurs, quand nous en serons arrivés là, la question de l'adhésion à l'Union européenne ne sera peut-être même plus d'actualité, mais, pour le moment, notre but est l'adhésion pleine et entière.

Le budget de la défense reste important, à la seconde place, même s'il n'est plus le premier puisque désormais l'éducation est le la plus dotée.

Les évolutions démocratiques dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, prennent la suite des mouvements observés dans les années 70-80 en Europe du Sud, puis en Europe de l'Est au début des années 90, puis dans certains pays d'Asie centrale. Les pays arabes étaient restés en dehors de ce mouvement, leurs régimes autoritaires ont pu se maintenir avec le soutien des pays étrangers soucieux de préserver leurs sources d'approvisionnement énergétique. Évidemment, ce n'est pas facile, la situation reste encore instable. Certains dirigeants prennent la Turquie comme exemple, ce n'est pas notre but, l'essentiel est que ces pays se dirigent durablement vers la démocratie.

Nous suivons de près ce qui se passe au Sahel et en Afrique subsaharienne, il faut que la paix vienne durablement sur ce continent.

Nous sommes préoccupés par la situation en Syrie qui est notre voisin. Nous avons actuellement 200 000 réfugiés syriens en Turquie, que nous prenons en charge et nous constatons la faiblesse de l'appui de la communauté internationale pour cela. Nous essayons de faire ce qui est dans nos possibilités pour que la paix survienne : action diplomatique, dialogue avec l'opposition.

S'agissant du conflit israélo-palestinien, nous voulions que les relations reprennent avec Israël dans un contexte nouveau, nous avons reçu les excuses que nous attendions mais l'essentiel est que la paix arrive dans la région, que les réfugiés soient traités équitablement, que l'embargo sur Gaza soit levé.

La situation nucléaire de l'Iran conduit à une impasse. Nous essayons de convaincre l'Iran d'arrêter ses travaux et d'accepter les contrôles des Nations unies sur l'ensemble des centres. S'il n'y a pas cette transparence, les craintes augmenteront dans le monde et l'Iran en subira les conséquences.

Le problème kurde doit pouvoir être résolu de façon durable et pacifique. Un processus est en cours. Il y a un volet « droits de l'homme » et un volet « terrorisme », cela a entraîné un très grand nombre de morts jusqu'à aujourd'hui. Une ouverture est en cours pour que le sang ne coule plus. C'est un préalable. Les kurdes commencent à voir qu'il est possible de vivre ensemble en Turquie en obtenant l'intégralité de leurs droits et ils savent désormais que cela est possible.

La question arménienne continue de nous préoccuper. Nous avons été éduqués à considérer la France comme le centre et de la liberté d'expression et des droits de l'homme et nous souhaitons que les Turcs obtiennent les mêmes droits que les citoyens français. Il ne faudrait pas observer un recul en la matière en France. Il y a eu des événements de 1915, ils n'étaient pas unilatéraux, mais les Parlements ne peuvent pas être les mécanismes de ces décisions, laissons les organismes internationaux et surtout les historiens travailler sur ces sujets. Lors du radoucissement des relations entre la Turquie et l'Arménie, avec des visites respectives des présidents de la République, il y avait eu la mise au point d'un protocole en ce sens mais cela s'est arrêté. Il faudrait relancer ce protocole et que les travaux se poursuivent dans cette direction.

Il y a toujours un grand nombre d'étudiants turcs en France, mais beaucoup plus encore qui se rendent aux États-Unis, il faudrait relancer ces échanges dans le cadre du développement de nos relations bilatérales.

Enfin, je voudrais vous signaler deux candidatures turques, celle de la ville d'Izmir à l'organisation de l'Exposition universelle 2020 et celle d'Istanbul à l'organisation des Jeux olympiques la même année. Nous avons besoin de votre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Nous avions abordé la question syrienne, il y a quelques mois, avec votre ambassadeur. Depuis, la situation a évolué et se pose la question de la fin de l'embargo sur les armes. Nous observons une dissymétrie entre les belligérants, la Russie et l'Iran qui ne respectent pas cet embargo, qui n'est d'ailleurs pas le leur, qui continuent à approvisionner le régime et en conséquence, c'est l'Armée syrienne libre qui se trouve pénalisée. En même temps, l'hésitation persiste car l'opposition nous paraît encore très divisée. J'imagine que la Turquie se pose les mêmes questions. Quelles sont, de votre point de vue, les perspectives de sortie de crise ? Comment hâter l'issue de la crise ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Sur la question arménienne, je partage la perplexité que vous avez exprimée sur les lois mémorielles. Ce n'est pas aux parlements mais aux historiens de dire l'histoire, pour autant, comme élu d'une région où les familles d'origine arménienne sont nombreuses, je peux vous dire que la question de la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie est une question majeure en France et donc chez les représentants du peuple français.

Je voudrais également vous interroger sur les droits de l'homme. L'Europe est un espace géographique, l'appartenance de la Turquie à cet espace a fait l'objet de nombreuses discussions depuis des siècles. L'adhésion de la Turquie serait très bénéfique à l'Europe sur le plan économique compte tenu de son développement. Mais l'Europe est d'abord un projet politique fondé sur la paix, la démocratie et les droits de l'homme. Le Gouvernement et le Parlement ont-t-il toujours la ferme volonté de mettre votre pays aux standards européens en ce domaine et de respecter la Convention européenne des droits de l'homme, notamment en matière de procédure pénale, de liberté d'expression et de liberté de la presse.

Debut de section - Permalien
Mehmet Tekelioglu, président de la Commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne

La solution de la crise en Syrie ne dépend pas de la Turquie. Le blocage au Conseil de sécurité de la Russie et de la Chine est préjudiciable mais nous n'avons pas les moyens de les convaincre, peut-être que la France pourra y parvenir par son influence. Ce que nous savons, c'est que la situation ne peut pas durer comme cela et que Bachar Al-Assad doit être convaincu de quitter le pouvoir pour que le calme revienne en Syrie. Nous continuons à avoir des entretiens avec l'opposition syrienne. La Turquie n'agira que dans le cadre d'accords internationaux, d'une résolution préalable des Nations unies. Nous sommes très concernés aussi par l'afflux des réfugiés. Il faut que la communauté internationale soit plus active.

Nous pensons comme vous que la question arménienne n'est pas du ressort des parlements. Sur la reconnaissance du génocide, laissons les historiens nous dire s'il y a eu génocide ou non. Créons une commission d'arbitrage internationale. Nous avons déjà dit que nous accepterions la décision d'une telle commission d'arbitrage, parce qu'il y a eu énormément de morts de chaque côté et que nous ne pensons pas qu'il y ait eu un but génocidaire, mais nous le disons unilatéralement et vous ne l'accepterez pas, c'est pourquoi nous proposons qu'une commission internationale arbitre.

Sur les droits de l'homme et la démocratie, nous essayons d'atteindre le niveau européen, nous avons conscience de nos manques mais nous avons la volonté de les combler. Pour mettre en mouvement les solides, il faut de l'énergie, mais une fois qu'ils sont mis en mouvement on ne peut guère les arrêter. Il en va de même des mouvements sociaux, il faut que la législation soit mise en pratique, que la société l'admette et l'accepte. En matière de démocratie et de droits de l'homme, nous n'avons pas l'intention de faire de concessions, les partis d'opposition sont d'accord sur ce point, parce que nous travaillons, en adoptant ces standards, au bénéfice des citoyens turcs.

Debut de section - Permalien
Ayse Gülsün Bilgehan, député

En tant que député de l'opposition, je suis d'accord avec le président. La Turquie et la France ont des approches communes sur la Syrie, sur les pays du « printemps arabes « et sur la Palestine. On pourrait, de loin, dire que nous sommes parfois concurrents. S'agissant de la Syrie, la Turquie porte un lourd fardeau et a besoin de l'aide de la communauté internationale. Mais, outre la question des réfugiés, il faut aussi penser à ce qui adviendra après la chute du Gouvernement, car l'opposition est divisée et il faut poser la question des minorités, y compris chrétiennes, la question de la place des femmes, celle de la laïcité. C'est d'ailleurs notre point commun, dans les pays des printemps arabes et au Mali aussi. Il faut souligner la position modérée du Gouvernement turc sur l'intervention française au Mali.

Sur l'Union européenne, il est vraiment important que nous poursuivions le processus d'adhésion. Il ne faut pas que la France arrête les négociations en bloquant des chapitres. Je suis membre du Conseil de l'Europe dont la Turquie est un membre fondateur et nous n'avons heureusement pas ces problèmes-là, nous travaillons tous en bonne intelligence. Il est donc important que le processus continue sans quoi nous risquons de perdre le soutien de l'opinion, et si la Turquie perd l'espoir d'adhérer, cela sera une grande désolation pour une grande partie des républicains et des amis de la culture française. Notre intérêt est d'être dans le même camp.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

L'environnement de la Turquie est instable, des crises sont latentes chez tous ses voisins, de la Géorgie à la Syrie, en passant par l'Irak et l'Iran, et je me réjouis que la Turquie ait su préserver la paix avec ses voisins. Ma question portera sur le problème du Haut-Karabagh, ayant l'impression que les travaux du groupe de Minsk, co-présidé par la France, les États-Unis et la Russie, n'avancent guère. Quelle est votre appréciation de la situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je voudrais saluer nos amis turcs et exprimer également mes réserves sur les lois mémorielles. La Turquie fait des efforts pour adopter les standards européens, mais Chypre reste un « caillou » dans la chaussure de la Turquie, tout en reconnaissant que c'est la communauté chypriote grecque qui a rejeté le dernier plan proposé par le secrétaire général des Nations unies. Il est important que la question trouve une solution, l'élection d'un nouveau président à Chypre n'est-elle pas une occasion pour relancer des négociations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Le Gouvernement turc fait preuve de beaucoup de courage en réaffirmant sa volonté de rentrer en Europe alors que nous posons des conditions et que l'opinion publique turque est de plus en plus sceptique. Mais nous apprécions aussi beaucoup cette orientation nouvelle prise par le Gouvernement pour essayer de régler la question kurde et celle du PKK, et peut être, là aussi, à rebrousse-poil de l'opinion publique. Il s'agit là d'une réorientation de la politique menée jusqu'alors qui nous montre que la Turquie joue un rôle pondérateur, modérateur, à l'intérieur comme à l'extérieur On le voit également dans les discussions avec Israël et elle porte un poids important des conséquences de la crise syrienne. C'est donc une inflexion nouvelle, qui est très appréciable, qui montre que la Turquie ne tourne pas le dos à la modernité et joue un rôle régional très important. Me confirmez-vous que, joint à l'héritage kémaliste de la laïcité -Kemal Atatürk était imprégné de culture française- la voie nouvelle qui a été prise va se développer, car elle ouvrirait la voie à une Turquie en pleine cohésion avec l'Europe ?

Debut de section - Permalien
Mehmet Tekelioglu, président de la Commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne

Lorsque nous avons entamé les négociations d'adhésion à l'Union européenne, nous avons reçu deux messages : il faut que les institutions non politiques ne s'occupent plus de politique en Turquie et que vous avanciez sur Chypre. Après l'échec du référendum, nous avons fait un pas, et nous avons dit que si l'embargo sur la partie nord était levé nous ouvririons nos ports et nous mettrions en pratique le protocole d'Ankara, mais il n'y a pas eu d'évolution. Nous avons tout fait à l'époque pour que les négociations continuent. L'arrivée d'un nouveau président à Chypre permettra peut-être de discuter, de faire une nouvelle évaluation et d'avancer vers une solution. Nous sommes optimistes, mais il faut que l'autre partie le soit également. Il faut avancer car, si nous ne dialoguons pas, demain nous risquons de nous quereller. D'ailleurs de nouvelles questions surgissent comme celle de l'exploitation des ressources énergétiques. On peut coopérer sur ce sujet. Si on a une approche selon laquelle ces ressources appartiennent à Chypre dans son intégralité, on pourra avancer. D'ailleurs, si ces ressources ne peuvent être transférées vers la Turquie, l'exploitation ne sera pas rentable. On avait proposé une solution bicommunautaire, mais il faut la volonté des deux parties. On a un « caillou » dans les deux chaussures, mais il faut résoudre la question en ôtant les cailloux pas en coupant le pied. Nous savons que nous devons avancer.

Sur le problème kurde, il y a une bonne atmosphère en Turquie actuellement. Il faut que toutes les couches de la société participent à la solution parce que si on oublie une partie de la société, les discussions grandissent et cela devient plus difficile. On vient de créer un Conseil des sages dans ce but. Il y a des risques, mais la politique est l'art de prendre des risques. Si on ne prend pas de risques, aucune évolution n'est possible.

En matière de laïcité, je vous rappelle que notre Premier ministre, lors d'un discours en Égypte, a dit aux Égyptiens de ne pas abandonner la laïcité, c'est un élément de cohésion de la société. Il n'a pas été compris, le mot n'existe pas en arabe. Certains l'ont accusé de proférer des insultes et de dire d'autres choses en Turquie, mais nous n'avons pas fait de concessions en matière de laïcité en Turquie. Nous ne sommes pas pour autant partisans d'une laïcité rigide, il faut la concilier avec les libertés individuelles. Nous essayons d'adopter toutes les normes européennes. On ne peut avoir de problèmes sur la laïcité Si vous abandonnez la laïcité, cela veut dire que vous voulez transposer des principes religieux dans vos lois, il n'en est pas question en Turquie. Certaines applications sont critiquées comme des atteintes à la laïcité, mais nous voulons juste mettre en avant les libertés individuelles et nous pensons qu'il y aura une meilleure cohésion sociétale.

Debut de section - Permalien
Tahsin Burcuoglou, ambassadeur de Turquie à Paris

Le Groupe de Minsk travaille depuis de nombreuses années, mais, jusqu'à aujourd'hui, aucun plan n'a été soumis aux partis. Ce système n'a fait que maintenir le statu quo sans apporter de solution. Or un cinquième du territoire de l'Azerbaïdjan (hors Haut-Karabagh) reste occupé, les Nations unies l'ont admis, il faut que cette occupation cesse. La Turquie a des projets de coopération régionale dans le domaine de transports, de l'énergie et de l'aide humanitaire, si on ne le fait pas les parties continueront à s'opposer et les opinions resteront figées. Nous avons des frontières communes avec les deux pays. Il faut souligner la présence visible et l'influence de la Russie en Arménie. Il faudrait que le groupe de Minsk soit moins passif, il faut que l'occupation des terres azerbaïdjanaises occupées cesse, je ne parle pas du Haut-Karabagh, et que les solutions proposées par la Turquie soient discutées par le groupe de Minsk. À défaut, la situation n'évoluera pas. L'Azerbaïdjan, de son côté, s'enrichit avec ses ressources pétrolières et gazières et en consacre une partie croissante à sa défense alors que l'Arménie s'appauvrit en population et se développe peu. Cela va conduire à un déséquilibre à terme avec tous les risques que cela comporte si on n'apporte pas de solutions. C'est une région sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous n'avons pas le temps d'engager un dialogue sur le concept de laïcité, mais je pense que cela sera utile. Dans notre conception, c'est d'abord le respect de la pensée de l'autre. L'objectif de de dialogue ne serait pas d'imposer un modèle mais d'examiner la façon dont chacun le décline en droit, en matière d'éducation, en matière politique, et adapte ce principe en fonction de son histoire. L'évoquer lèverait des incompréhensions qui pourraient conduire à des retards dans le processus que nous conduisons et pour lequel, tout comme vous, je m'impatiente.

Debut de section - Permalien
Mehmet Tekelioglu, président de la Commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne

Nous sommes en faveur de la continuation du dialogue et j'espère que nous aurons d'autres occasions de ce type. Nous attendons impatiemment une délégation en Turquie et j'espère qu'un membre de votre commission en fera partie.