Intervention de Benoît Battistelli

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Battistelli président de l'office européen des brevets

Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB) :

Le brevet mondial nécessiterait une législation mondiale. Tant que les États-Unis n'auront pas des règles similaires aux nôtres sur le vivant, cela restera un beau rêve. Il y a une Organisation mondiale de la propriété industrielle au sein de l'ONU, mais elle progresse à la vitesse du dialogue Nord-Sud... Modestes techniciens, nous nous contentons de promouvoir l'harmonisation des pratiques et des procédures. Nous collaborons avec les États-Unis, le Japon, la Chine et la Corée au sein d'IP5, qui représente 90 % des brevets mondiaux.

L'OEB n'a pas de compétence spécifique en matière de contrefaçon. Son rôle se limite à la délivrance des brevets. Un Observatoire de la contrefaçon, rattaché à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), promeut la coopération des services douaniers. Nous avons en outre un rôle de diffusion de l'information relative à l'innovation technologique sur notre espace internet, où 80 millions de brevets sont consultables, et à travers notre politique de pattern awareness, à l'attention des entreprises, qui sont plus souvent tiers que détentrices de brevets. C'est la contrepartie nécessaire au monopole que confère l'innovation brevetée.

Nous coopérons avec l'Afrique, ainsi qu'avec le pourtour méditerranéen. Des accords de validation sont en cours, qui reconnaîtront dans le pays signataire la validité d'un brevet européen, en échange d'un soutien au développement de ses propres brevets. Un tel accord sera signé au Maroc dans quelques semaines, qui facilitera l'investissement à l'étranger. Nous discutons en outre avec la Tunisie. L'Afrique francophone de l'Ouest possède sa propre organisation de la propriété intellectuelle, regroupant seize Etats et avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration.

En matière d'évolution respective des brevets dans les pays européens, la France occupe la deuxième position avec une croissance de 2 %, derrière l'Allemagne (3 %). La part du Royaume-Uni a beaucoup diminué, comme celle des Pays-Bas. Indicateur plus pertinent, le nombre de brevets par habitant place la Scandinavie en tête de peloton, suivie par la Suisse, l'Allemagne. Sur cet indicateur, la France joue en « deuxième division ».

Le coût moyen d'un dépôt de brevet européen se situe entre 25 000 et 30 000 euros, en y incluant la rémunération du conseiller en propriété intellectuelle.

Un brevet a pour premier objectif de susciter des dépenses d'investissement. En effet, les entreprises n'investissent dans la recherche et développement que dans la perspective d'en exploiter les résultats. Un cercle vertueux investissement-innovation-compétitivité-emploi s'enclenche ainsi. Nous remettons le prix de l'inventeur européen de l'année : celui-ci est récompensé non pas pour les brevets déposés, mais pour les performances économiques ainsi réalisées. La prochaine édition se tiendra à Amsterdam le 28 mai prochain. Sur les quinze candidats sélectionnés, deux sont Français.

La création d'un office européen du commerce n'est pas envisageable, car les Etats européens ne parviennent pas à s'accorder sur ces questions comme ils le font en matière de brevets. Vous m'incitez à solliciter le président de la République dans ce sens : bien que j'aie travaillé trente ans au ministère des finances, je n'ai plus de contact avec les institutions françaises depuis que j'ai été élu à la tête de l'OEB. Cela en dit long sur la capacité des autorités françaises à entretenir des relations avec leurs compatriotes à la tête des organisations internationales.

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