Commission des affaires économiques

Réunion du 10 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OEB
  • brevet
  • intellectuelle

La réunion

Source

La commission procède à l'audition, en commun avec la commission des Affaires européennes, de M. Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je souhaite la bienvenue aux membres de la commission des affaires économiques et à son président, ainsi qu'à M. Battistelli, président de l'OEB, qui va nous parler de la fin d'un feuilleton qui dure des décennies : celui du brevet unitaire européen. Ce dossier est particulièrement important pour les entreprises européennes, et surtout pour les PME : le brevet unitaire protégera la propriété intellectuelle européenne à un coût moindre, ce qui accroîtra notre compétitivité. Comment fonctionnera-t-il et comment les difficultés qu'ont suscitées jusqu'au bout l'Italie et l'Espagne seront-elles réglées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je me félicite de cette audition commune organisée à l'initiative de la commission des affaires européennes. Il est important de faire le point sur l'accord obtenu, par voie de la coopération renforcée, sur la création d'un nouveau brevet unitaire, après quarante ans de combat. Quel sera le rôle de votre Office ? L'absence de l'Italie et de l'Espagne du dispositif sera-t-elle un handicap ? Surtout, quels seront les avantages pour les entreprises françaises ?

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

L'OEB est une organisation intergouvernementale, et non une agence de l'Union européenne. Elle rassemble 38 États membres, une grande Europe allant de l'Islande à la Turquie, de la Finlande à Chypre et comprenant six cent millions d'habitants, soit autant que les États-Unis, le Japon et la Corée réunis.

La capacité d'innovation européenne constitue l'un des principaux atouts pour sortir de la crise financière. Le brevet, instrument juridique protégeant et valorisant l'investissement, doit donc figurer parmi les priorités. L'OEB, créé par la convention sur le brevet européen en 1973, est un outil intégré et très performant : il forme un système régional grâce auquel les entreprises peuvent obtenir, sur la base d'une seule demande, la protection de leurs inventions dans quarante pays d'Europe. Il offre ainsi une procédure uniforme et centralisée de recherche et d'examen des demandes de brevets présentant un niveau de qualité cohérent. Cela rend la protection plus simple, moins chère et plus attrayante pour les déposants, qu'ils viennent d'Europe ou du reste du monde.

Les pères-fondateurs de l'OEB estimaient que 30 000 dépôts annuels seraient le signe d'un beau succès. Ce chiffre a été dépassé en six ans, et les dépôts n'ont cessé d'augmenter depuis pour atteindre en 2012 le chiffre record de 257 750, en hausse de 5,2 % par rapport à 2011. C'est que l'OEB a acquis une réputation d'excellence parmi les offices de brevets. Nous examinons les demandes avec une telle rigueur, que nos brevets sont considérés comme les plus sûrs au monde. Pour atteindre ce niveau d'excellence, l'OEB s'est doté de moyens humains et techniques. Il compte 7 000 employés, ce qui en fait la deuxième institution publique européenne, après la Commission ; ses 4 100 ingénieurs scientifiques hautement spécialisés et tous trilingues couvrent l'ensemble des champs technologiques. Leurs rapports examinent la validité des demandes de brevet, en relevant toute antériorité de nature à affecter le caractère nouveau de l'invention présentée. Potentiellement dépourvu de limites spatiales et temporelles, ce travail est lourd et complexe. L'OEB est le seul organisme au monde capable de le conduire en six mois.

Ses outils de recherches sont devenus des standards mondiaux : EPOQUE est utilisé par quarante offices nationaux, comme en Chine, au Brésil, en Australie, ou au Canada, ainsi que dans la plupart des pays européens. Son outil de classification des brevets et de la littérature technologique vient d'être adopté par l'Office américain des brevets, et a donné naissance le 1er janvier 2013 au système Classification coopérative des brevets (CPC), commun à l'OEB et à l'Office américain. Avec ses 250 000 catégories, c'est l'outil le plus fin du monde, qui a fait de l'Europe le leader en la matière. La Chine, avec qui l'OEB coopère depuis trente ans, s'est appuyée sur le système européen pour développer ses propres outils, ce qui aide considérablement nos entreprises qui y investissent.

L'OEB a une forte dimension internationale : 62 % des brevets qu'il délivre le sont à des Etats non membres. Ses premiers clients sont les Etats-Unis (25 % des brevets), devant le Japon (20 %). Le premier client européen est l'Allemagne, avec 14 % des brevets. Suivent la Chine avec 7 %, la Corée du Sud avec 5,6 % et la France, pour moins de 5 %. Il y a deux ans, la Chine et la France étaient au même niveau. La demande de brevets est en hausse en 2012 : de 10 % en Asie, de 5,6 % aux États-Unis, et de 2,3 % en Europe, ce qui est assez positif pour être signalé. La demande de brevets avait baissé de 7 % en 2009, sous l'effet de la crise, avant de repartir en 2010, et de retrouver en 2012 le niveau de 2008.

Si ce système est efficace, pourquoi le changer ? Le système européen était en réalité bancal, car pour chaque brevet délivré par l'OEB, une démarche de validation devait être effectuée dans chaque Etat membre. Les brevets nationaux forment en quelque sorte un bouquet, mais chacun a sa vie propre : les contentieux qui peuvent survenir ici ou là font courir à l'entreprise qui les possède le risque d'une importante perte de temps et d'argent, sans parler des possibles divergences d'interprétation des juridictions nationales. C'est pourquoi la question d'un brevet unitaire est sur la table depuis quarante ans. Deux règlements du 20 janvier 2013 lui ont donné naissance, en application d'une décision de décembre 2012. Ce brevet unitaire, délivré à l'issue d'une unique démarche par l'OEB, sera directement applicable dans vingt-cinq États membres.

L'Espagne et l'Italie s'y sont en effet longtemps opposées pour des raisons linguistiques. Depuis sa création en 1973, à une époque où l'Espagne ne faisait pas partie de l'Union européenne, les langues de travail de l'OEB sont l'anglais, l'allemand et le français, langues de 80 % des brevets déposés. Depuis 2010, l'Espagne conteste le statut du français et de l'allemand, et l'Italie, la Pologne, et la Suède à sa suite. Malgré leur opposition, le statu quo a été décidé : le système a fait ses preuves, les entreprises s'y sont habituées, et le coût d'une traduction en trois langues seulement reste acceptable. Voilà pourquoi, le brevet de l'Union européenne a été, après le divorce international, le second exemple de coopération renforcée.

Pour la création de la juridiction unifiée, il a fallu innover et passer par le droit international : un traité a été signé en février 2013. Paris accueillera l'instance centrale de la Cour européenne des brevets (CEB), Londres et Munich deux chambres spécialisées. Des chambres décentralisées concilieront la technicité des contentieux avec la proximité des justiciables. Le brevet unitaire sera mis en oeuvre lorsque la CEB sera effectivement créée, c'est-à-dire lorsque le traité sera ratifié par treize des États parties dont l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Pour maintenir son influence en matière de droit de la propriété intellectuelle, notre pays a tout intérêt à ratifier ce traité en premier. Certaines questions sont en effet restées en suspens : c'est le cas des règles procédurales, qu'un groupe préparatoire examine en ce moment. La France a une carte à jouer. Elle a été leader dans la création de l'OEB, comme elle l'a été dans cette matière depuis la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle de 1883. Une grande partie de la doctrine du droit des brevets procède de la réflexion française. C'est la raison pour laquelle Paris accueillera la chambre centrale de la CEB.

L'Allemagne ne fera rien avant les élections générales de l'automne, ce qui laisserait envisager une ratification au milieu de l'année prochaine. Quant au Royaume-Uni, situé quelque part entre l'Europe et le reste du monde, son attitude est imprévisible. Il serait donc opportun que le Sénat intervienne auprès du gouvernement pour accélérer la ratification du traité. Politiquement, le sujet fait consensus. Le brevet unitaire réduira en outre d'environ 70 % les coûts que supportent les entreprises. Les principaux bénéficiaires en seront les PME, les centres de recherche et les universités, c'est à dire des structures moins bien protégées en Europe qu'elles pourraient l'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nos entreprises ont en effet tout à y gagner. Il serait bon, monsieur le Président de la commission des affaires européennes, que nous nous rapprochions, pour soutenir cette rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L'installation du siège de la CEB à Paris est une bonne nouvelle. Vous y avez sans aucun doute été pour quelque chose.

Quelle différence y a-t-il entre l'OEB et l'Office communautaire des variétés végétales, qui siège à Angers ? Celui-ci protège tout autant la propriété intellectuelle.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

Le certificat d'obtention végétale (COV) n'est pas un brevet, c'est un outil industriel très spécifique et limité à ce domaine. A l'inverse, un brevet peut concerner n'importe quel domaine technologique. De plus, l'Office communautaire des variétés végétales est une agence communautaire, tandis que l'OEB est une organisation internationale créée par traité, qui a une gouvernance et un budget propres. Les ressources de ce dernier ne proviennent que des entreprises qui sollicitent ses services. Elles représentent environ 2 milliards d'euros. L'OEB ne reçoit pas un centime d'argent public, quel qu'il soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je fais partie de ceux qui pensent, à l'inverse de M. Le Cam par exemple, que le COV constitue un important progrès dans la protection contre la brevetabilité du vivant. La France a largement oeuvré pour sa création.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Un organisme qui ne demande pas d'argent public, c'est suffisamment rare pour être souligné. Je suggère que l'on suive le président Raoul sur la ratification, et que nous prenions ensemble une initiative.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

Non seulement l'Office ne reçoit pas d'argent public, mais il en rapporte aux États membres : 40 millions d'euros par an à la France, 130 millions d'euros à l'Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Dans une vie antérieure, j'ai utilisé cet argument pour solliciter l'adhésion de Monaco à la convention qui a donné naissance à l'OEB. Je lisais l'incrédulité dans les yeux du ministre monégasque.

La CEB va trancher des litiges entre titulaires de droits de propriété intellectuelle. Se prononcera-t-elle également sur les modalités de délivrance des brevets, ou l'OEB conserve-t-il un système de chambre de recours ?

Vous avez passé un accord avec une grande entreprise américaine que nous commençons à chatouiller sur le plan fiscal pour établir une base de données de traductions. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

On vous soupçonne parfois d'avoir une conception extensive de la brevetabilité du vivant, et une politique limitée de contrôle et d'appel. Que répondez-vous à cette accusation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le champ du droit de la propriété intellectuelle est extraordinairement intéressant, et parfois miné. Je salue les acquis de l'OEB et me félicite de la création d'une juridiction commune. Nos chefs de juridictions suprêmes sont sensibles à la capacité d'influence de notre système de droit. En outre, il y a là une opportunité en termes de ressources humaines, car il faut des magistrats de bon calibre pour trancher ce type de litige.

Les délais de ratification parfois ahurissants qui sont les nôtres sont liés à la capacité de production d'un unique bureau du Quai d'Orsay, perpétuellement encombré. Placer ce dossier au sommet de la pile impose de relancer le cabinet de M. Fabius.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je l'ai interrogé hier : il y a un stock de 200 conventions...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Lors de débats récents au Sénat, nous avons donné l'exemple de l'obtenteur Gautier, semencier de laitues notamment, pour montrer que si une variété est protégée par un COV, rien n'empêche qu'une partie de cette variété soit également protégée par un brevet, par exemple, sur un gène de résistance à un parasite contenu dans la variété sous COV. Confirmez-vous que le propriétaire d'un brevet peut demander, lors de la commercialisation de la semence, des droits au titre de son brevet ?

Les limites entre invention et découverte s'effacent peu à peu, notamment lorsqu'on accepte un brevet sur un gène natif, bien qu'il ne s'agisse que de la preuve expérimentale d'une réalité existante. En outre, de plus en plus de brevets sont déposés sans que la découverte avancée soit vérifiée dans ses effets. C'est le cas avec des dépôts de brevets sur des fonctions de gène présumées, et non réellement prouvées. Or de tels brevets peuvent contraindre les organismes de recherche à abandonner leurs travaux en raison des droits de propriété très élevés. Quelle analyse en faites-vous dans la perspective de l'élaboration d'un accord transatlantique de libre-échange ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

L'OEB a réalisé un travail exceptionnel. L'approche transversale qui prévaut dans cette matière, sur laquelle je me suis penché dès la fin des années 1990, est tout à fait opportune. Je salue le travail de Richard Yung, et me félicite que droite et gauche soient ici sur la même ligne. Enfin, je veux remercier le président Poncelet et Laurent Wauquiez pour avoir fait avancer le dossier du brevet unitaire : le premier, quoique membre de l'Institut, a renoncé à l'usage exclusif du français, le second pour avoir soutenu ma proposition de lancer une coopération renforcée. Il ne faut pas se priver d'utiliser cette possibilité pour faire avancer les choses, ce que n'avait pas permis le dialogue que nous avions établi avec Mme Rossana Boldi, notre homologue au Sénat italien.

La Chine est le premier des pays émergents à profiter des bienfaits d'une bonne protection de la propriété intellectuelle. J'invite les pays européens, dont la France, à prêter la même attention à ces questions, sous peine de fragiliser leur tissu économique.

Le COV est un titre de propriété intellectuelle, comme le brevet, mais appliqué au végétal. Ce sont des outils complémentaires. Non assorti de droit de propriété, il n'interrompt pas la recherche, et c'est là son grand mérite. Le Royaume-Uni, qui avait tout ouvert, n'a plus de filière semencière. Pourriez-vous rentrer dans le détail de la brevetabilité du vivant ? Renforcer l'excellence de nos filières impose de réaffirmer que le vivant n'est pas brevetable.

Je voterai des deux mains un texte qui permettrait la ratification. La France doit rester pionnière.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

La CEB sera compétente en matière de contrefaçon, comme de validité des brevets délivrés. Ce dernier cas de figure est marginal, qui ne concerne qu'un brevet sur mille délivrés. Ce chiffre est vingt fois supérieur aux Etats-Unis. L'OEB conservera les mécanismes d'opposition et de recours qu'il offre déjà.

Un mot sur notre système de traduction, ou pattern translate. Pour délivrer un brevet, il faut d'abord s'assurer que l'invention est nouvelle, ce qui s'apprécie au regard non des seuls brevets déposés, mais de l'ensemble des connaissances existantes. Comme nous ne pouvons pas traduire des millions de pages, nous avons décidé d'utiliser les technologies de traduction automatique, et depuis que je suis à la tête de l'OEB, la meilleure existant sur le marché : celle de Google. Les algorithmes qu'utilise Google translate s'appuient sur des statistiques de traduction, ce qui rend sa base de données riche, variée et précise. Nous l'utilisons gratuitement, sans clause d'exclusivité, en échange d'une mise à disposition des dizaines de traduction que nous possédons en trois langues, réalisées par des professionnels.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

Tout à fait. Disponible sur Internet, notre système couvre quatorze langues - chinois inclus depuis décembre 2012 -, vingt-huit à la fin 2014. Les traductions sont parfois linguistiquement étranges, mais restent utilisables par les ingénieurs. Nous sommes les seuls à offrir une telle qualité de service pour repérer dans un océan de documents les deux ou trois pages dont on a vraiment besoin.

La brevetabilité du vivant est le seul domaine dont les règles sont fixées par le législateur européen. Nous avons décidé d'appliquer la directive « Biotechnologies » de 1998, ainsi que l'interprétation qu'en fait la Cour de justice de l'Union européenne. Elle exclut notamment du champ des brevets les gènes humains, les animaux, les plantes. Je confirme que le COV est un titre de propriété intellectuelle complémentaire. Cela n'empêche pas qu'une fonction particulière fasse l'objet d'un brevet. Cela ne nuit pas à l'innovation, bien au contraire. On nous accuse de laxisme : l'OEB n'a pas validé le brevet de la société Myriad Genetics qui lui aurait assuré un monopole sur le dépistage du cancer du sein.

L'OEB ne délivre que des brevets de qualité. C'est pourquoi sur deux demandes, une seule aboutit à un brevet. Sur la moitié restante, nous réduisons généralement le champ du brevet délivré. Un seul brevet est donc accordé sans modification substantielle pour quatre demandes. En matière de biotechnologies, la part des brevets délivrés n'est que d'un quart.

Monsieur le sénateur Richard, vous avez raison : Paris a un rôle à jouer dans la mise en oeuvre de la CEB. Il y a trois ou quatre ans, avait été créée au TGI de Paris une chambre spécialisée pour connaître des litiges relatifs au droit de la propriété intellectuelle sur l'ensemble du territoire, ce qui a constitué un vivier de magistrats compétents. Bien que la CEB soit européenne, le lieu a son importance. L'OEB a d'ailleurs son siège à Munich, comme l'office allemand, parce que l'Allemagne est la puissance dominante en Europe - elle pèse trois fois la France en matière de brevets. Une volonté politique peut modifier l'ordre au sein de la file des 200 conventions. Directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, j'ai d'ailleurs vu, lors de la ratification du protocole de Londres, que cela pouvait jouer en sens inverse...

Dans le système mondial des brevets, coexistent une conception européenne, qui a progressivement dépassé ses frontières, et une conception américaine. Selon cette dernière, un brevet est facilement délivré, à charge ensuite aux tribunaux de trancher les litiges. Nous combattons la reconnaissance mutuelle des brevets dans le cadre du dialogue transatlantique, car elle reviendrait à reconnaître sans autre forme d'examen des brevets accordés sur les végétaux ou au mépris d'appellations d'origine contrôlée par exemple.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

L'économie française ne peut compter ni sur ses ressources naturelles, ni sur son coût du travail pour faire la différence dans la compétition mondiale, mais sur la valeur ajoutée. C'est pourquoi les marques, synonymes de créativité, de design, sont si importantes. L'innovation est la seule manière de maintenir des coûts élevés.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Le brevet unitaire est une formidable avancée. Peut-on imaginer demain un « brevet pour tous » au niveau mondial ? L'OEB a aujourd'hui une fonction de veille, de surveillance sur les tentations de contrefaçon. Fournissez-vous également un soutien juridique à ceux dont les intérêts sont menacés ?

Peut-on imaginer que l'OEB étende demain son périmètre géographique ? Une partie de l'Afrique parle français - avant que les Chinois s'y implantent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Vous avez présenté les chiffres de la croissance de la demande de brevets. Pouvez-vous nous donner leur ventilation par pays ? Est-ce un indicateur avancé de leur situation économique ? Enfin, combien coûte le dépôt d'un brevet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Le brevet protège la créativité, la capacité d'exportation, et en définitive l'emploi. Protéger les droits de propriété intellectuelle, c'est défendre notre industrie, notre croissance, nos produits, bref la place de la France dans le monde. Sur la progression des brevets délivrés, les résultats de l'OEB, les perspectives de ratification, vous ne nous annoncez que des bonnes nouvelles. Ne serait-il pas opportun, et même urgent, de suggérer au président de la République et au ministre de l'économie la création, sur le modèle du vôtre, d'un office européen du commerce et de l'équité des échanges ? En attendant, nous subissons de plein fouet la concurrence des autres pays, car dans la mondialisation, la France se retrouve Gros-Jean comme devant.

Debut de section - Permalien
Benoît Battistelli, président de l'Office européen des brevets (OEB)

Le brevet mondial nécessiterait une législation mondiale. Tant que les États-Unis n'auront pas des règles similaires aux nôtres sur le vivant, cela restera un beau rêve. Il y a une Organisation mondiale de la propriété industrielle au sein de l'ONU, mais elle progresse à la vitesse du dialogue Nord-Sud... Modestes techniciens, nous nous contentons de promouvoir l'harmonisation des pratiques et des procédures. Nous collaborons avec les États-Unis, le Japon, la Chine et la Corée au sein d'IP5, qui représente 90 % des brevets mondiaux.

L'OEB n'a pas de compétence spécifique en matière de contrefaçon. Son rôle se limite à la délivrance des brevets. Un Observatoire de la contrefaçon, rattaché à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), promeut la coopération des services douaniers. Nous avons en outre un rôle de diffusion de l'information relative à l'innovation technologique sur notre espace internet, où 80 millions de brevets sont consultables, et à travers notre politique de pattern awareness, à l'attention des entreprises, qui sont plus souvent tiers que détentrices de brevets. C'est la contrepartie nécessaire au monopole que confère l'innovation brevetée.

Nous coopérons avec l'Afrique, ainsi qu'avec le pourtour méditerranéen. Des accords de validation sont en cours, qui reconnaîtront dans le pays signataire la validité d'un brevet européen, en échange d'un soutien au développement de ses propres brevets. Un tel accord sera signé au Maroc dans quelques semaines, qui facilitera l'investissement à l'étranger. Nous discutons en outre avec la Tunisie. L'Afrique francophone de l'Ouest possède sa propre organisation de la propriété intellectuelle, regroupant seize Etats et avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration.

En matière d'évolution respective des brevets dans les pays européens, la France occupe la deuxième position avec une croissance de 2 %, derrière l'Allemagne (3 %). La part du Royaume-Uni a beaucoup diminué, comme celle des Pays-Bas. Indicateur plus pertinent, le nombre de brevets par habitant place la Scandinavie en tête de peloton, suivie par la Suisse, l'Allemagne. Sur cet indicateur, la France joue en « deuxième division ».

Le coût moyen d'un dépôt de brevet européen se situe entre 25 000 et 30 000 euros, en y incluant la rémunération du conseiller en propriété intellectuelle.

Un brevet a pour premier objectif de susciter des dépenses d'investissement. En effet, les entreprises n'investissent dans la recherche et développement que dans la perspective d'en exploiter les résultats. Un cercle vertueux investissement-innovation-compétitivité-emploi s'enclenche ainsi. Nous remettons le prix de l'inventeur européen de l'année : celui-ci est récompensé non pas pour les brevets déposés, mais pour les performances économiques ainsi réalisées. La prochaine édition se tiendra à Amsterdam le 28 mai prochain. Sur les quinze candidats sélectionnés, deux sont Français.

La création d'un office européen du commerce n'est pas envisageable, car les Etats européens ne parviennent pas à s'accorder sur ces questions comme ils le font en matière de brevets. Vous m'incitez à solliciter le président de la République dans ce sens : bien que j'aie travaillé trente ans au ministère des finances, je n'ai plus de contact avec les institutions françaises depuis que j'ai été élu à la tête de l'OEB. Cela en dit long sur la capacité des autorités françaises à entretenir des relations avec leurs compatriotes à la tête des organisations internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

C'est bien triste. Nous réfléchirons à la manière de prendre le relais. Je vous remercie.