Tout en étant d'accord, pour l'essentiel, avec les observations du président André Laignel, je souhaiterais apporter quelques éléments complémentaires.
La différence entre la première diminution de dotation à hauteur de 750 millions d'euros prévue par la loi de programmation des finances publiques, et déjà votée par le Parlement, et la deuxième baisse de 750 millions d'euros, n'est pas seulement arithmétique. En effet, la loi de programmation des finances publiques prévoit explicitement une diminution de l'enveloppe normée à hauteur de 750 millions d'euros par an en 2014 et en 2015. En revanche, la deuxième baisse pourra s'imputer sur l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales. Cette différence est susceptible d'avoir un impact sur les différentes solutions à l'étude.
Les questions auxquelles nous devons répondre sont multiples. Tout d'abord, quelle sera la répartition de la baisse de DGF entre les différents niveaux de collectivités territoriales ? Les chiffres sont très proches selon que l'on prend en compte la proportion des ressources de la DGF de chaque collectivité, ou celle des dépenses globales. Du côté des recettes, la baisse de la DGF se répartit entre les communes et leurs groupements à hauteur de 57 %, les départements pour 30 % et les régions pour 13 %. Au prorata des dépenses globales, la répartition est la suivante : 56 % pour les communes, 30 % pour les départements et 12 % pour les régions, le total n'atteignant pas 100 % du fait des arrondis. La répartition est donc identique.
Mais doit-on considérer que les ressources et les dépenses sont toutes équivalentes, ou que les dépenses d'allocations, dites de solidarité nationale, doivent être exclues des calculs ?
Par ailleurs, doit-on prendre en compte le montant (ou stock) des dépenses globales, ou opérer une répartition selon l'évolution des dépenses de collectivités territoriales, ou encore retenir un critère mixte ? Comme l'observait le président André Laignel, une répartition selon le stock des dépenses globales, aboutit à une baisse de 840 à 870 millions d'euros de la DGF des communes et intercommunalités. Mais si l'on procède en prenant en compte l'évolution des dépenses, ce montant peut atteindre 1,1 milliard d'euros. Plusieurs scénarios seront ainsi présentés par mes services lors de la réunion, demain, du groupe de travail du CFL, ce qui donnera sans doute lieu à des débats intéressants.
Au sein du bloc des communes et des intercommunalités, doit-on considérer que les communes percevant la dotation de solidarité urbaine (DSU) cible et la dotation de solidarité rurale (DSR) cible doivent être totalement ou partiellement exonérées de la diminution des dotations, ou y contribuer de manière proportionnelle ? Doit-on faire appel aux critères du revenu par habitant, de l'effort fiscal et du potentiel financier, alors que le mode de calcul actuel du potentiel financier des départements est contesté ?
Un groupe de travail de l'Assemblée des départements de France (ADF) travaille à une modification éventuelle des critères qui déterminent le potentiel financier des départements en vue de soumettre des propositions au CFL et au Gouvernement. En tout état de cause, c'est lors de la réunion du groupe de travail prévue le 25 avril 2013 que sera abordée la question de la répartition de l'effort entre les collectivités territoriales de même niveau.
Par ailleurs, doit-on chercher à diminuer de 1,5 milliard d'euros la DGF globalement, ce qui inclut la dotation de base, les dotations de péréquation, ou des parties de la DGF - le complément garantie et la dotation de compensation de la suppression de la part salaires ? Car les chiffres restent les mêmes : par exemple, il faut répartir au sein du bloc communal une baisse de 860 millions d'euros, qui peut être ponctionnée soit sur les 23,8 milliards d'euros de la DGF, soit sur le seul complément de garantie, et les pourcentages sont alors, bien entendu, différents.
En outre, en dehors de la DGF, se pose la question des autres dotations, comme la dotation spéciale instituteurs (DSI) que vous avez citée et qui est constituée de deux parties : la compensation d'un logement mis à disposition par les communes et une indemnité pour les instituteurs non logés, étant entendu que la DSI est en extinction progressive.
Au sein de l'enveloppe normée, le cas particulier des variables d'ajustement, comme la dotation de compensation unifiée de taxe professionnelle, représente un enjeu chiffré à 1 milliard d'euros. Faire porter l'effort sur les variables d'ajustement soulèverait donc des difficultés particulières.
Une réforme de la dotation elle-même ferait débat. Quand la DGF a été créée en 1993, un principe de base avait été retenu pour surmonter les difficultés de répartition : la cristallisation des différentes parts de compensation de la péréquation qui existaient à l'époque. C'est pourquoi, la DSU, créée en 1991, et la DSR ont évolué séparément au sein d'une DGF qui était alors indexée sur la hausse des prix et la moitié de la croissance du produit intérieur brut (PIB). Faut-il revenir en arrière, et intégrer de la péréquation dès la dotation forfaitaire ? Il s'agit d'une piste de réflexion, qui n'est aujourd'hui qu'à l'état d'ébauche. Il me semble impossible de pouvoir faire aboutir ces chantiers à l'horizon du projet de loi de finances pour 2014, mais ce serait envisageable pour 2015.
S'agissant du poids des dépenses dites contraintes, un tiers des dépenses provenant de normes nouvelles est lié aux dépenses de personnel des collectivités locales ; il peut s'agir de la revalorisation du point d'indice, qui n'est certes pas d'actualité, ou des réformes du salaire minimum. Nos estimations de la hausse des dépenses imputables aux normes sont un peu différentes de celles de l'AMF. Pour 2013, nous les avons évaluées à 800 millions d'euros. Pour 2014, on doit prendre en compte des économies prévisibles de l'ordre de 200 millions d'euros, et le solde de dépenses liées aux normes nouvelles atteindrait donc près de 600 millions d'euros.