Je ne vois pas comment on pourrait s'attaquer au mille-feuilles sans supprimer quelque chose... C'est la raison pour laquelle je n'ai pas saisi ce que vous vouliez dire. Lorsque nous confions à la région un rôle de chef de file, il s'agit d'un cadre. Comme aujourd'hui entre un président d'intercommunalité et un maire, le président de conseil régional et le président de conseil général pourront se répartir les rôles. L'immobilier d'entreprise, par exemple, pourra être confié au département, ou, dans les régions où les départements ne souhaitent pas l'exercer, à l'intercommunalité... Il y aura un dialogue entre les élus. Ils y sont prêts, contrairement à ce que laissent entendre trop souvent les médias, et même si l'exercice sera peut-être un peu difficile parfois.
En l'absence de pacte de gouvernance, les cofinancements seront interdits. Ces derniers resteront autorisés, compte tenu de la diminution des ressources, mais ils devront être liés à un acte clair de définition de la politique de développement économique, dont le champ est très large...
Je m'étais posée la question de savoir si un agrandissement des régions pouvait avoir un intérêt économique ou politique. Mais après avoir visité plusieurs de nos pays voisins, je peux vous assurer que ce ne sont pas toujours les régions les plus grandes qui fonctionnent le mieux. Je suis très favorable au e-progrès et à l'e-administration, mais je crois aussi à l'importance des relations humaines. En outre, gagnerait-on du temps en termes d'action publique en les agrandissant ? Je ne le crois pas. Ce n'est pas un processus facile, il faut en avoir conscience. Il ne faut pas perturber les choses en pleine période de difficultés économiques. Peut-être que dans vingt ou trente ans, il y aura une évolution, mais je ne voudrais pas perdre aujourd'hui trois années d'action publique à cause d'une telle réforme.
La fusion de certains départements a un sens, mais j'ai vu les difficultés qu'elle pouvait engendrer, en Alsace notamment. J'en ai tiré un enseignement : en tant qu'élus, nous voyons les choses du point de vue des institutions, alors que les citoyens raisonnent en termes d'action publique et de service public. J'encouragerai et accompagnerai toute fusion de communes, départements, voire de régions, mais je ne crois pas que ce soit d'actualité aujourd'hui.
Vous regrettez l'absence de mise en place d'une organisation plus claire et plus simple. Mais il aurait alors fallu renoncer à la clause générale de compétence. J'ai été la seule, au cours de la mission Lambert, à dire qu'il fallait s'engager dans cette voie. Puis, en regardant de près, en particulier dans le domaine du développement économique, je me suis rendue compte que ce n'était pas possible.
Le transfert des techniciens et ouvriers de service aux régions a bien fonctionné, mais a engendré la transformation de la région-administration de mission et de stratégie en une administration de gestion. Si l'on supprime la clause générale de compétence, la région va devoir tout gérer, alors qu'elle doit rester une administration de mission. Il y a peut-être des présidents de conseil régional qui souhaitent se débarrasser des lycées. Si un département souhaite les assumer, et que la région en est d'accord, il pourra le faire. Je n'attends toutefois pas de révolution sur le premier mandat des pactes de gouvernance. Il ne faut pas précipiter les choses. Mais à partir de la deuxième génération de pactes, il y aura certainement plus d'évolutions...
Sur le PLU intercommunal, vous êtes d'accord pour une école intercommunale mais non pour un PLU intercommunal. Or, le lieu d'implantation d'une école n'est pas indépendant des autres décisions d'urbanisme. Il est donc important de pouvoir en discuter ensemble. Les maires ont exprimé des réticences, parce qu'ils ont l'impression de perdre quelque chose. J'entre effectivement au Sénat avec un projet de loi qui le rend obligatoire, mais je pense qu'il faut laisser un délai important pour la mise en oeuvre d'une telle mesure. Je reviens du Nord Ardèche, où il y a déjà un PLU intercommunal et un projet de mutualisation totale des services de deux communautés de communes rurales. Je suis là pour aider ce type d'initiative.
Monsieur Pointereau, le Haut Conseil des territoires sera une rencontre des exécutifs, en amont de la décision avec l'exécutif de l'État, alors que le Sénat, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, représente le pouvoir législatif. C'est une forme d'étude d'impact réalisée par les exécutifs. Sur la question des normes, une fois que la loi Gourault-Sueur sera adoptée, les dispositions identiques qui seront restées dans le projet de loi seront supprimées.
Monsieur Teston, nous avons longtemps hésité au sujet des délaissés ferroviaires. Nous avons fait une proposition qui n'est pas si éloignée de celle du groupement des autorités responsables de transport (GART). Il faut désormais en discuter, afin d'adopter la meilleure solution.
Sur le numérique et la feuille de route de ma collègue Fleur Pellerin, il faut aller vite. Nous l'avons confié au département parce que c'est lui qui engage aujourd'hui le plus de dépenses en matière d'aménagement du territoire. La « colonne vertébrale » du réseau sera peut-être confiée aux régions dans le cadre des conférences territoriales, parce que celles-ci bénéficient de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). Il faut en tout cas que cette « colonne » devienne publique, avec des péages pour son utilisation. C'est tout de même avec de l'argent public que l'on finance les réseaux pour lesquels l'initiative privée est défaillante.
Monsieur Rome, le président de la conférence territoriale établit l'ordre du jour, les convocations et paie les timbres... Je ne comprends pas ces querelles. Si l'on prend un président de conseil général, selon quel critère sera-t-il choisi ? Laissons de côté les problèmes d'ego, il faut une unité de présidence.
Monsieur Nègre, j'ai reçu Monsieur Estrosi et nous avons décidé de sanctuariser Nice, ce qui a néanmoins posé quelques problèmes... Si je supprime la clause générale de compétence, j'enlève au département le numérique et le tourisme, qui relèvent de l'économie. On ne peut pas tout avoir... Je pense qu'une compétence peut être partagée.
L'intermodalité doit se faire à l'intérieur des territoires, à partir d'un schéma régional. La dépénalisation du stationnement ne me choque pas, lorsqu'il s'agit du non-respect des règles de stationnement payant. En revanche, le stationnement dangereux relève de l'État.
S'agissant du rachat d'un garage pour en faire une terre agricole, je suis désolée, il n'est pas autorisé, en raison du principe du respect de la propriété privée.
Monsieur Chastan, comme je l'ai dit, nous laisserons du temps pour l'adoption des PLU intercommunaux. Il faudra en débattre, peut-être au sein de votre commission, puisqu'il y a des enjeux environnementaux forts, sur les questions de captages et de zones Natura 2000. Je rends en revanche obligatoire la mutualisation des services pour les intercommunalités. On ne peut pas transférer une compétence sans les services.
Sur la division du texte initial en trois projets de loi, cela reste un corpus global, avec le même exposé des motifs.
Monsieur Tandonnet, je suis d'accord avec vous sur la compétence générale. Pour les établissements publics fonciers locaux, il faut passer à un établissement public foncier régional. A partir du moment où il y aura une taxe, cela permettra de racheter des friches, ce que les EPF locaux ne peuvent souvent pas faire, faute de moyens.
En ce qui concerne les pays, je suis assez d'accord. Il est regrettable qu'ils soient devenus une option dans le texte. Dans la première version, j'avais proposé de créer des pôles de développement territorial là où il n'y a pas de pays. Je pense qu'il va bien falloir associer les collectivités de communes, rurales en particulier. Je ne suis pas fermée à des amendements en ce sens.
Monsieur Doublet, je suis d'accord avec votre observation sur les syndicats départementaux d'eau et d'assainissement. Il va falloir trouver une rédaction pour permettre le maintien d'une telle opération.
Monsieur Maurey, vous êtes perplexe... Moi aussi, tous les matins en me levant, mais je se suis rassurée le soir ! Plus sérieusement, ce texte n'est pas le résultat d'un compromis hypothétique entre l'AMF, l'ARF et l'ADF, mais d'une discussion très difficile avec l'AMF. Il s'agit de déterminer les liens du maire avec le département, l'intercommunalité, la région. Cela implique de prendre en compte des choses qui ne relèvent pas seulement de la réalité froide du droit. Je crois qu'il faut faire confiance aux élus, pourvu que l'Etat se porte garant in fine. Vous me dites que ce n'est pas le cas pour l'aménagement numérique. Mais l'accès au haut débit n'est pas encore un droit fondamental, pour l'instant. Vous doutez des conférences de territoires ; moi, au contraire, je leur fais confiance. Je suis convaincue que la deuxième génération des pactes de gouvernance sera d'un niveau supérieur à la première.
Pour moi, il ne s'agit pas tant de « l'Acte III de la décentralisation », que de la modernisation de l'action publique. Nous devons faire un texte qui permette d'évoluer sans devoir recourir plus tard à de nouveaux textes. Nous ne pouvons pas légiférer tout le temps. L'ensemble formé par la conférence des territoires et le pacte de gouvernance donne la possibilité aux élus d'évoluer encore et encore. Je préfère l'action au droit, pour nous adapter à un monde qui bouge vite. Mon objectif est de faire un seul texte de loi, et qu'après le système fonctionne, même dix ans après son vote.
Madame Masson-Maret, vous avez raison sur l'intégration des schémas régionaux de développement économique. Les schémas des aires urbaines doivent être intégrés à ceux des régions. Cela déplaît peut-être aux régions, mais c'est écrit dans ce sens là. La recherche précise de la cohérence doit déboucher sur un document unique.