Intervention de Michel de Rosen

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Michel de Rosen directeur général d'eutelsat

Michel de Rosen, directeur général d'Eutelsat :

Merci de nous donner l'occasion de vous expliquer comment la solution satellitaire est une arme formidable contre la fracture numérique. J'organiserai mon propos en deux axes : je vous donnerai tout d'abord des informations sur Eutelsat, puis je vous montrerai comment Eutelsat et ses satellites peuvent permettre de connecter des Français qui n'ont pas accès aujourd'hui au haut débit.

Eutelsat constitue le troisième opérateur mondial de satellites. Nous sommes client des constructeurs de satellites et des sociétés de lancement. Nous sommes fournisseurs des distributeurs de chaînes de télévision et des fournisseurs d'accès à Internet. Les usagers finaux sont donc les clients de nos clients. Nous avons 4 400 chaînes de télévision sur nos satellites. L'activité des opérateurs dans le secteur spatial est caractérisée par une grande diversité : les services vidéo représentent 68,6% de notre activité, les services de données à valeur ajoutée 19,4 % et les services multi-usages 12,1 %.

Eutelsat est une belle histoire d'économie mixte. Dans les années 1960, les États-Unis ont constitué une coalition avec tous les pays du monde hors bloc soviétique. Ils ont créé une organisation internationale, Intelsat, dans le but d'utiliser les satellites pour les télécommunications. Une dizaine d'années plus tard, les pays européens ont décidé de créer leur propre structure, Eutelsat, organisation intergouvernementale regroupant tous les pays européens à l'Ouest du « rideau de fer ». Quand ce dernier est tombé, les autres États européens ont rejoint Eutelsat. Nous sommes donc d'abord une organisation européenne. Dans les années 1990, les États ont transmis la propriété d'Eutelsat aux opérateurs de télécommunications comme France Telecom ou British Telecom, qui étaient donc à la fois clients et actionnaires. En 2001, il y a eu une crise assez violente de l'Internet et des marchés financiers : Eutelsat a été vendue par ses actionnaires à des sociétés comme Eurazeo, Goldman Sachs... Il est ainsi passé en très peu de temps du capitalisme le plus étatique au capitalisme le moins étatique. En 2005, ses actionnaires ont porté Eutelsat en Bourse et en 2006, deux grands actionnaires sont entrés au capital : l'un Espagnol, Abertis Telecom, et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) via son fonds d'infrastructure. Quand le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a été mis en place, nous avons été apportés en dot.

Notre structure capitalistique est aujourd'hui la suivante : le premier actionnaire est le FSI avec 26 %, le deuxième est le fonds souverain chinois - qui est entré au capital quand les Espagnols ont vendu une partie de leurs participations - qui détient 7 %, Abertis a conservé 5 %, et tout le reste est en Bourse.

Eutelsat dispose d'une flotte de 30 satellites qui assure 75 % de la couverture mondiale. Nos satellites sont appelés géostationnaires, ils sont à 35 550 kilomètres au-dessus de la Terre. A cette hauteur, un satellite couvre un tiers du globe. Nous ne couvrons cependant pas l'Amérique du nord, car c'est un marché encombré. Les possibilités de croissance les plus intéressantes concernent les pays émergents. Le dernier né de notre flotte est un satellite acquis l'année dernière à la compagnie General Electric, qui couvre l'Asie orientale et le Pacifique jusqu'à la Californie.

Notre métier est très capitalistique. Un programme satellitaire coûte en moyenne 250 millions d'euros, avec le satellite lui-même, le lanceur, l'assurance et les coûts. Notre satellite KA-SAT a coûté 350 millions d'euros.

Quelques chiffres : nous sommes une société « moyenne » avec un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros sur le dernier exercice. Nous exerçons un métier très capitalistique puisque nous investissons environ 600 millions d'euros par an, soit la moitié de notre chiffre d'affaires. Beaucoup d'entreprises plus importantes investissent beaucoup moins. Notre carnet de commandes représente 4,7 années de chiffre d'affaires. Notre niveau d'endettement n'est pas négligeable mais reste raisonnable. Nous sommes très internationaux : nous comptons, au siège de la rue Balard, 30 nationalités parmi nos 780 collaborateurs.

Je ne peux pas manquer l'occasion de souligner qu'Eutelsat est un excellent citoyen européen. Sur les vingt dernières années, nous avons commandé 27 de nos 30 satellites à des constructeurs européens et Arianespace a lancé plus de la moitié de nos satellites. Notre grand concurrent européen, SES, qui est luxembourgeois, a commandé 8 satellites sur 40 à des constructeurs européens et moins de la moitié ont été lancés par Arianespace.

Nous sommes un contribuable très taxé par rapport à nos deux plus gros concurrents, qui sont tous les deux luxembourgeois, à savoir SES et Intelsat. Nous reversons 35 % de nos profits à l'État, soit trois fois plus que nos concurrents qui exercent le même métier et sont situés à 300 kilomètres.

J'en viens au haut débit. Les données de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) montrent que 300 000 foyers environ n'ont aucun accès, soit 0,9 % de la population. 10,7 % des foyers, soit près de 4 millions de foyers correspondant à près de 12 millions de français, ont un accès de moins de 2 Mbit/s.

Une nouvelle génération de satellites est apparue récemment : les satellites à haute capacité. Ils sont profondément différents des satellites de la génération antérieure, qui avaient une capacité de 2 Gbit/s. KA-SAT a une capacité 45 fois supérieure. Retenons donc que les autres satellites avaient un ou deux grands faisceaux, alors que KA-SAT a 82 faisceaux, chacun pouvant être réutilisé. Beaucoup de gens ne connaissent pas la solution satellitaire. Parmi ceux qui la connaissent, beaucoup ont un souvenir mitigé des satellites de la génération précédente.

Notre satellite KA-SAT a été lancé en décembre 2010. Il est opérationnel depuis juillet 2011 pour seize années. Construit par Astrium, il est basé sur dix stations terrestres en Europe. Il couvre toute l'Europe, l'Afrique du nord et les Pays du Golfe. Pour ce qui est de la France, ce satellite peut couvrir près de 300 000 foyers, soit 1 million de personnes. Par rapport aux satellites de la génération précédente, le débit descendant est, dans l'entrée de gamme, six fois plus important et le débit montant a été multiplié par vingt. Le volume mensuel est passé en bas de gamme à 1,2 Go à 10 Go. En haut de gamme, il est désormais illimité. Malgré cette amélioration du service, le tarif d'abonnement n'a pas changé en entrée de gamme et il a diminué en haut de gamme.

L'un des avantages supplémentaires de la solution satellitaire est qu'elle permet aussi le triple play. Elle connaît cependant des limites. La première est la latence : comme il faut passer par un satellite situé très haut, il y a un petit moment entre la pression sur le bouton et le résultat. Pour les amateurs de jeux en ligne, la solution satellitaire n'est donc pas optimale. La deuxième limite est la capacité de couverture : elle est limitée en nombre de foyers. Notre satellite ne peut en couvrir que 300 000 en France.

Nous ne prétendons pas être une alternative à la fibre. Nous sommes un complément à la fibre et nous sommes une meilleure solution que le Wimax.

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