Intervention de Bruno Retailleau

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Thieulin président du conseil national du numérique

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Vous avez souligné la diversité de composition du CNNum ; y aura-t-il également une diversité politique et une réelle liberté de parole ? Il y a eu une polémique à ce sujet, lors de la redéfinition du périmètre du Conseil ...

S'agissant de la neutralité, je partage votre avis : Internet est devenu un bien public stratégique, et on ne peut laisser de grands opérateurs mondiaux privés imposer des règles à cet écosystème essentiel. Votre avis sur le sujet a été donné très rapidement, avec un débat après-coup, mais j'imagine que vous aviez des contraintes imposées...

Nous sommes là sur un point de contact entre contenants et contenus. Il y a une dimension juridique d'ordre constitutionnel, avec les libertés d'expression et de communication, et une dimension économique, s'agissant du financement de l'infrastructure.

Nous divergeons sur la nécessité de recourir à la loi. J'étais rapporteur lors de la transposition du troisième « paquet télécoms ». Nous avions inscrit dans la loi, à notre initiative, le principe de non discrimination, et reconnu à l'Arcep un pouvoir de règlement des différends entre opérateurs et prestataires de services. L'Autorité a émis dix recommandations, tout comme la Commission fédérale des communications (FCC) américaine avait proposé en 2009 six principes.

Mais soit la loi inscrit un principe, et après ?... Soit elle va dans le détail, ce qui est impossible : parle t-on de neutralité des réseaux, des terminaux, des moteurs de recherche ?... On risque en outre de perturber des équilibres souvent délicats.

Dans votre avis, vous souhaitiez donner valeur constitutionnelle à la neutralité, comme pour la liberté d'expression. Je pense que vous vous trompez, car la loi ne confère pas seule une telle force à un principe. Le Conseil constitutionnel, en 2009, avait posé pour la première fois le principe constitutionnel selon lequel Internet concourt à la liberté d'expression et de communication. C'est un fait acquis auquel la loi n'ajoutera ni ne retranchera rien.

Par ailleurs, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans laquelle vous avez proposé d'inscrire le principe de neutralité, est un épouvantail. Certes, la neutralité est constitutive d'Internet, mais ce qui, d'un point de vue juridique, importe en termes de libertés et d'accès aux contenus, c'est le statut, non pas d'éditeur, mais d'hébergeur. Nous l'avions consolidé dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Vous avez agité un chiffon rouge en faisant allusion à la loi de 1986, qui concerne les éditeurs. La communauté numérique l'a perçu comme source de confusion entre le statut d'éditeur et celui d'hébergeur.

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