Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 11 octobre 2006 à 15h00
Motion référendaire sur leprojet de loi relatif au secteur de l'énergie — Suite de la discussion et adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Le cas est tout différent pour ce qui concerne l'énergie : ce n'était pas une nationalisation de circonstance, et ce n'était pas non plus une nationalisation idéologique, au sens où la droite et la gauche se seraient opposées sur le fond du dossier car, à cette époque, nous étions tous unis pour vouloir cette mesure. Pourquoi ? Parce que nous pensions tous alors que l'intérêt général était en cause. Quel intérêt général ? Celui dont la défense s'imposait face aux trafics constatés avant-guerre, menés par de grands fournisseurs qui mettaient ainsi en cause la sécurité de l'approvisionnement du pays et son indépendance.

Précisément, que signifie l'indépendance nationale ? Ce n'est pas une marque de nationalisme, mais ce que l'on se doit entre citoyens vivant au sein d'une même communauté légale : la protection mutuelle, donc aussi les moyens de l'assurer.

L'indépendance, que l'on va qualifier de nationale, est donc en réalité la souveraineté civique : les Français décident de se garantir un certain nombre d'avantages et s'en donnent les moyens.

M. Bel et d'autres ont rappelé les dispositions de la Constitution de 1946 concernant les entreprises dont l'exploitation a ou acquiert un caractère de monopole.

Ces dispositions ne constituent pas le seul fondement de la nationalisation. Il en existe un autre. Dans une société civilisée, et au fur et à meure qu'elle se civilise, un certain nombre de droits de base sont garantis par la collectivité.

Si cela ne va pas de soi dans les sociétés qui n'en ont pas les moyens, en revanche, dans un grand pays riche comme le nôtre, c'est possible, notamment en ce qui concerne l'approvisionnement en énergie.

Et pourquoi s'agissant singulièrement du secteur de l'énergie ? Tout simplement parce que, dans ce domaine, il n'y a pas d'alternative possible.

En effet, dans de nombreuses activités qui relèvent de la production privée, il existe une alternative, car on peut se passer du service fourni. Mais comment se passer du service de l'approvisionnement en énergie ? C'est impossible ! Il n'y a pas d'alternative, car personne ne peut se passer d'énergie.

Par conséquent, la garantie apportée par la collectivité est très importante et doit être assurée par l'État, la volonté nationale et dans le respect de la primauté de l'intérêt général.

Voilà pourquoi il a été décidé en 1946 non seulement de garantir au pays son indépendance et la maîtrise de son approvisionnement, mais aussi de les garantir à chaque citoyen.

Or qu'est-ce que la souveraineté si celle-ci est entachée du risque qui menace désormais le secteur dont nous parlons ?

En effet, si ardents partisans que vous soyez de la privatisation, vous ne pouvez pas nier que, dorénavant, un double risque existe et pour les particuliers et pour le pays : pour les particuliers, le risque de ne plus pouvoir accéder au service ; pour le pays, le risque de voir ses approvisionnements remis en cause. Double risque, oui, tout au moins si on laisse la libéralisation produire dans notre pays tous les effets qu'elle a pu produire partout où on lui a laissé libre cours, à savoir notamment des ruptures d'approvisionnement et des interruptions de fourniture.

Mes chers collègues, lors de la canicule qui a frappé l'Europe en 2003, et sans qu'il soit besoin de remonter plus loin, la France a été le seul pays où de telles ruptures n'ont pas été constatées. Il y avait bien une raison à cela !

La raison, c'est que nous étions équipés correctement. Et chaque fois que nous avons été menacés de ne plus l'être, c'est précisément parce que l'on a fait valoir un autre principe que l'intérêt général. Alors ?

Entre public et privé, si l'opposition n'existe pas toujours, elle survient quelquefois, voire souvent. Et tout dépend dans quel domaine elle frappe. En l'occurrence, le domaine particulièrement sensible.

Si vous confiez une activité à une entreprise privée, il est normal que ses actionnaires cherchent à faire fructifier leur investissement. On ne leur demande pas de prendre en charge l'intérêt général.

Je prends un exemple : les États-Unis d'Amérique ne possèdent pas plus de gaz que nous. Pouvez-vous nous garantir que, lorsque les tarifs augmenteront, les méthaniers français n'iront pas servir d'abord le marché américain, car les tarifs y seront plus intéressants qu'en France ? Vous ne pouvez pas le garantir s'agissant d'une entreprise privée chargée de l'exploitation et de la fourniture de gaz !

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