Comme le faisait avant moi Jean-Jacques Hyest, il me revient de vous présenter une communication sur l'application des lois au 31 mars 2013. La mise en application des lois promulguées entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012 concerne deux gouvernements, entre lesquels nos critiques seront également partagées... Le contrôle de la mise en application des lois opéré par les assemblées a été considérablement renforcé ces dernières années. Le Sénat a créé en 2011 la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. Un comité de suivi de l'application des lois a été mis en place par le Gouvernement en mars de la même année. Le contrôle de l'application des lois au sein du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) relève d'une cellule de programmation de l'activité normative. La coopération entre les services des assemblées et le SGG s'est accrue puisque les services de ce dernier sont systématiquement saisis sur chacune des mesures en attente de parution. Pour autant, la situation est loin d'être satisfaisante.
Jusqu'en 2010, les commissions permanentes du Sénat examinaient au 30 septembre les mesures réglementaires relatives à toutes les lois adoptées lors de la session qui s'achevait à la même date. Il a été décidé de décaler la période de référence des mesures réglementaires prises en compte : sont maintenant intégrées dans les statistiques toutes celles qui ont été prises dans les six mois suivant la dernière promulgation d'une loi comptabilisée dans la période.
Mécaniquement, une période de référence plus courte pour les lois, conjuguée à une période d'adoption des mesures réglementaires plus longue aurait dû entraîner un taux d'application supérieur. Or, deux mesures d'application sur trois ne sont toujours pas prises, pour les textes examinés par notre commission entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012.
C'est d'autant moins acceptable que notre activité a été particulièrement chargée ; 21 lois ont été promulguées au cours de la période de référence, dont neuf d'origine parlementaire, mais la commission a également adopté sept propositions de loi qui sont actuellement en navette, une proposition de loi qui est toujours en instance d'examen en séance publique, une proposition de loi qui n'a pas été adoptée en séance publique, deux qui ont fait l'objet d'un renvoi en commission et une qui a fait l'objet d'une censure totale par le Conseil constitutionnel. Ainsi, en un an, notre commission a examiné 33 textes législatifs. Elle a publié neuf rapports d'information, rendu 21 avis budgétaires et trois avis sur des textes examinés au fond par d'autres commissions.
Les conditions d'examen de ces textes ont été difficiles. En témoigne l'usage de la procédure accélérée qui constitue la donnée statistique la plus inquiétante : 100 % des projets de lois et deux propositions de lois sur trois y ont été soumis. Son usage suspend le délai minimal d'examen des textes prévus à l'article 42 de la constitution. Il réduit considérablement le temps que les parlementaires consacrent à l'examen d'un texte. Couplé à un nombre de textes toujours plus important, le recours accentué à cette procédure ne facilite pas le travail du Parlement. Si l'objet de certains textes la justifie parfois, elle ne peut être systématique. Il faudra suivre avec attention cette évolution.
Je m'en tiendrai ici à quelques exemples significatifs. Le premier concerne la loi de programmation relative à l'exécution des peines qui prévoit qu'un décret fixera les conditions dans lesquelles des personnels hospitaliers peuvent consacrer une partie de leur temps de service à la réalisation d'expertises ordonnées par l'autorité judiciaire. C'est la seule disposition de cette loi à avoir été introduite par le Sénat et approuvée par la précédente majorité de l'Assemblée nationale. À ce jour, la mesure nécessaire n'a pas été publiée.
Le deuxième exemple concerne une loi pour laquelle des mesures ont été prises mais n'ont pas été mises en oeuvre en raison de l'alternance politique. Un décret d'octobre 2011 relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale a édicté les mesures réglementaires prévues par la loi. A la suite du rapport de deux avocats généraux de la Cour de cassation, la garde des sceaux a annoncé son intention de mettre un terme à l'expérimentation. Un arrêté en date du 18 mars 2013 en a tiré les conséquences. De fait, les dispositions relatives aux citoyens assesseurs sont privées d'application, et sauf nouvelle intervention du législateur, deviendront caduques au 1er janvier 2014. Il s'agit ici de l'effet naturel d'une alternance politique.
La troisième loi illustre un problème de codification. La loi de février 2007 relative à l'outre-mer prévoyait des dispositions relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon. Au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT), ont été insérées des dispositions législatives qui n'ont pas entraîné l'édiction de mesures règlementaires spécifiques postérieurement à la promulgation de la loi. L'article LO 6413-1 du CGCT a rendu applicable, à compter du 1er janvier 2008, les lois et règlements déjà intervenus dans les matières qui ne sont pas exclues du régime de l'application de plein droit. Des dispositions antérieures à la loi, non contredites par une disposition spécifique à Saint-Pierre-et-Miquelon, garantissent l'application de la loi. Il aurait été plus clair cependant de procéder par des renvois explicites au sein de la partie règlementaire du CGCT, comme pour les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
La loi du 12 mars 2012 relative aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire a fait l'objet d'un décret d'application, tout à fait nécessaire, bien que non prévu par la loi. Il apporte des garanties supplémentaires en matière de protection du droit constitutionnel de propriété. Pour une fois, le pouvoir réglementaire a publié rapidement un texte non explicitement demandé par la loi. Hélas, il s'agissait de traiter la situation de Petroplus, dont les offres rachat viennent d'être déclarées irrecevables.
Si l'on attend encore une grande partie des mesures d'application de la loi relative à la simplification du droit, due à M. Warsmann, l'arrêté du 22 novembre 2012 a simplifié les formalités de l'obligation de dépôt des journaux et périodiques auprès des autorités publiques prévue par la loi sur la liberté de la presse. La loi a simplifié ces dispositions obsolètes, en centralisant le dépôt auprès du ministre chargé de la communication, et les modalités de dépôt ont été précisées par l'arrêté. Cette simplification constitue un premier pas, et j'encourage le Gouvernement à publier les innombrables décrets et textes d'application sans lesquels la simplification du droit reste un voeu pieux.