La loi de 2010, et je rejoins là Jean-François Vilotte, a globalement été un succès. Lors des débats, certains objectaient qu'il était impossible de réguler cette activité en ligne, et que les règles que l'on entendait mettre en place, comme le droit pour les organisations sportives de définir les paris autorisés, ou le retour sur paris que l'on entendait leur accorder, seraient inexportables en Europe. Or, notre modèle a été copié par nos partenaires européens, qui y voient un exemple réussi de loi de régulation de l'Internet. On disait encore que le plafonnement du taux de retour au parieur ne pourrait fonctionner sur le marché des jeux en ligne ; or cela fonctionne bel et bien.
La loi prévoyait, pour s'assurer que le jeu resterait responsable, une forte régulation. Les opérateurs y ont ajouté des mesures personnelles pour éviter le jeu addictif. Le fait est qu'il est plus facile de contrôler sur Internet, dans la mesure où l'on connaît les joueurs et les comptes.
Avant de renforcer encore la régulation, il me semble qu'il convient de dresser un bilan, à mettre en regard de celui établi avant l'ouverture, en 2009-2010. Cela aiderait à légiférer exclusivement dans le sens de la simplification que l'exécutif appelle de ses voeux.
Il n'y a pas de dérive addictive sur Internet. La mise moyenne y est de 50 euros. Avec un taux de retour joueur à 80 %, la perte moyenne est donc de 10 euros par mois, l'équivalent d'une place de cinéma : on reste dans le cadre d'une activité de loisir. Par ailleurs, alors que l'on craignait que le jeu ne se fasse l'auxiliaire des trappes à pauvreté, on constate que les joueurs se situent en moyenne sur une échelle de catégories socioprofessionnelles plus haute que la moyenne française. Reste cependant à faire un vrai bilan de la prévalence.
Pour ce qui concerne la lutte contre la fraude, je partage le constat de Jean-François Vilotte. Il a été mis fin à la plupart des paris illégaux. Bien que la fuite des gros parieurs vers l'illégalité reste une hypothèse plausible, la masse des parieurs est régulée. Il faut veiller à développer une offre attractive pour que les joueurs restent en France.
En matière de lutte contre la fraude sportive, la signature d'accords internationaux a marqué des avancées, et les fédérations sportives ont, de leur côté, réalisé un important travail en interne. La Fédération française de tennis a été précurseur. On peut faire beaucoup par la voie de la pédagogie, au sein des fédérations. Je rejoins, enfin, Jean-François Vilotte au sujet de la plateforme française.
Pour l'avenir, ouvrir davantage l'offre sur certains segments serait une bonne chose. En outre, autoriser les joueurs français à s'asseoir, sur nos sites régulés, à des tables étrangères, ferait gagner le jeu en liquidité, et éviterait que les intéressés ne se détournent de nos sites. C'est une question, aussi, de rentabilité.
Les jeux dits d'adresse ou skill games, restent, juridiquement, en zone grise. Dans la mesure où ils emportent gain monétaire, ils devraient basculer dans la régulation des jeux en ligne. D'autant qu'ils entrent dans le même système commercial et présentent les mêmes risques addictifs que les autres. J'ajoute que ce serait là une source non négligeable de recettes fiscales pour l'État.
La rentabilité des opérateurs est une vraie question. Les chiffres qu'a cités Jean-François Vilmotte sont éloquents : 183 millions de pertes d'exploitation, alors qu'ils s'acquittent de 327 millions de taxes. Il n'y a pas lieu de dicter au législateur le niveau du taux de la taxe, mais l'assiette pourrait être utilement modifiée, en retenant désormais le produit brut des jeux.
Au-delà, les opérateurs ont aussi besoin de trouver des produits à marge, tels les tables de poker internationales ou les skill games, ou encore les paris plus spéculatifs, pour une rentabilité immédiate. Ce serait aussi le moyen de préserver les recettes fiscales, sachant que certains produits s'étiolent avec le temps.