Intervention de Jean Bizet

Réunion du 18 avril 2013 à 9h30
Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports est l’occasion de rappeler comment s’organisent aujourd’hui les rapports de force politiques autour des questions environnementales.

En effet, les considérations environnementales ont pris une place fondamentale dans l’élaboration des politiques publiques auxquelles le législateur participe. Même si les motivations de cette prise de conscience sont parfois quelque peu électoralistes, il n’en demeure pas moins que le caractère durable et respectueux de la nature est désormais un préalable indispensable à toute politique publique. Sur ce point, nous sommes d’accord, je pense.

Si, aujourd’hui, personne n’a le monopole de la conscience aiguë des questions environnementales, certaines approches diffèrent selon la place occupée dans cet hémicycle.

En d’autres termes, même si des antagonismes profonds subsistent sur certains sujets – le cas du nucléaire en est sans doute la meilleure illustration –, la prise de conscience est collective, comme en témoigne le Grenelle de l’environnement, réalisé par le précédent gouvernement.

Les lois dites « Grenelle » se sont révélées ambitieuses, même si certains les ont jugées incomplètes ; toutefois, elles ne se suffisent effectivement pas à elles-mêmes.

Pour cette raison, et comme notre groupe l’a toujours souligné, cette séquence de consultation puis de décision que furent les lois « Grenelle de l’environnement » doit se concevoir comme une étape dans la course vers une appréciation plus affinée des enjeux écologiques et des politiques publiques environnementales.

Or, bien que le texte que nous examinons ne soit pas aussi ambitieux que les lois dites « Grenelle », il doit se concevoir comme une marche, certes plus petite mais tout aussi indispensable que les précédentes lois Grenelle, dont il assure parfois la mise en application concrète.

Quelles avancées le présent projet de loi doit-il permettre de réaliser ?

Avant tout, il convient d’indiquer que la majorité des dispositions présentes dans ce texte sont de nature technique.

Ces dispositions s’attachent ainsi à apporter de nouvelles réponses juridiques à un ensemble de situations qu’en l’état actuel du droit l’État, les collectivités territoriales, les administrations et les opérateurs de l’État ont du mal à appréhender.

Ces situations concernent aussi bien le transport ferroviaire que les transports routier, fluvial et maritime, ainsi que, dans une moindre mesure, le transport aérien.

À cet égard, le présent texte répond parfois à des problématiques purement juridiques, qui – nous devons le reconnaître – se révèlent neutres sur le plan politique.

Néanmoins, si de nombreuses dispositions sont purement techniques, d’autres sont à la croisée des chemins : malgré leur caractère extérieur juridique, elles présentent en effet une dimension politique dans la mesure où elles donnent le pouvoir à des agents de l’État de constater et de verbaliser des infractions et des contrevenants. Ces mesures ont partant un fort caractère coercitif et sécuritaire, ce qui, je ne vous le cache pas, n’est pas pour me déplaire !

En termes de transport ferroviaire, il s’agit de permettre aux agents de la SNCF et de Réseau ferré de France de constater les infractions, et notamment les vols commis sur le réseau. Cette possibilité est donnée par l’article 4. À ce titre, je rappelle que ces vols se chiffrent en dizaines de millions d’euros et qu’ils sont en augmentation constante depuis plusieurs années.

Toujours en matière de lutte contre l’insécurité, et plus précisément contre l’insécurité routière, l’article 9 étend les prérogatives des contrôleurs de transports terrestres.

Ce texte comporte donc bel et bien un ensemble de dispositions à visée sécuritaire. Elles nous semblent, pour la plupart, relever du bon sens et du souci légitime d’accorder à la sécurité toute la place qu’elle mérite dans les problématiques de transports.

Le dernier ensemble de mesures que nous pouvons identifier dans ce projet de loi est, comme je l’ai indiqué précédemment, motivé par des considérations environnementales, chacune d’entre elles tentant ainsi d’apporter une réponse juridique à un problème environnemental.

Ces dispositions partent pour la plupart d’un constat d’impuissance, notamment de l’impuissance des agents de l’État à résoudre une situation qui s’éternise. Sur ce sujet, je songe aux articles 12 et 15 qui permettent, pour le premier, de déplacer d’office des bateaux en stationnement le long des voies fluviales et, pour le second, d’accélérer la déchéance de propriété pour les bateaux abandonnés.

Cela étant, comme je l’ai souligné en introduction, ces mesures s’inscrivent également dans la continuité des lois « Grenelle ».

Dans cette perspective, l’article 16, qui clarifie et distingue d’une part les procédures applicables en cas de marée noire, en vertu de la convention CLC, et d’autre part les procédures applicables dans le régime général des créances maritimes, s’inscrit dans le prolongement des travaux du Grenelle de la mer. Cette mesure permettra de mettre fin aux confusions auxquelles sont confrontés les tribunaux de commerce, qui, pour l’heure, font usage des dispositions législatives et réglementaires relatives au régime général de responsabilité, issu de la convention LLMC, malgré l’arrêt de 1987 de la Cour de cassation. Là encore, cette disposition me semble relever du bon sens.

Cependant, la mesure phare de ce texte est sans nul doute le remplacement non pas de l’écotaxe elle-même mais du dispositif de majoration qui doit répercuter cette écotaxe poids lourds des transporteurs vers leurs clients. Or c’est là que les choses se gâtent, monsieur le ministre !

En effet, l’écotaxe ne peut se concevoir sans ce dispositif de majoration qui traduit le principe du « pollueur-payeur ». Ainsi, la majoration permet de répercuter sur l’acteur économique qui choisit le mode de transport routier la taxe que payera initialement le transporteur.

Ce système se justifie par deux raisons : premièrement, les transporteurs ne sont pas responsables des choix des chargeurs, et notamment de leur choix en faveur du transport routier ; deuxièmement, ils dégagent des marges moyennes trop faibles – environ 1, 5 % – pour pouvoir supporter seuls le coût de la présente taxe.

Personne ne conteste la nécessité de cette majoration, mais l’actuel dispositif qui calquait le montant de la majoration affectée aux chargeurs sur le montant de l’écotaxe devait faire l’objet d’une refonte, que les professionnels appelaient au reste de leurs vœux.

Ainsi, l’actuel système de majoration doit être remplacé par un nouveau dispositif de majoration forfaitaire obligatoire.

De fait, cette disposition est essentielle au bon fonctionnement des entreprises de transport, qui sont souvent des structures petites, voire très petites : 80 % d’entre elles comptent moins de dix salariés. Par conséquent, ces entreprises n’ont pas la possibilité de répondre à la complexité de l’actuel dispositif, dont les modalités de calcul nécessitent des relevés particulièrement précis. Elles pourraient donc se trouver dans l’incapacité de remplir une obligation légale si nous conservons l’écotaxe sous sa forme actuelle.

Le nouveau dispositif voulu par le Gouvernement est – force est de le reconnaître – plus lisible pour les professionnels du secteur, qu’ils soient transporteurs ou chargeurs. C’est déjà un avantage ! En effet, en prenant en compte un taux uniforme s’appliquant à l’intérieur de chaque région, les transports interrégionaux se voyant également fixer un taux unique calculé selon les mêmes principes, les professionnels du secteur pourront mieux anticiper les volumes de la taxe.

De plus, en gardant comme critère d’élaboration des taux les données relatives aux trafics observés et aux itinéraires, à la consistance du réseau soumis à la taxe et aux charges de gestion, ce prélèvement continuera de fonder sa légitimité sur le respect de considérations environnementales.

En conséquence, cette mesure, qui vise avant tout à rétablir la sécurité juridique et fiscale des entreprises du secteur, participera également de la prise en considération de problématiques écologiques en préservant le concept du « signal prix », qui doit permettre d’inciter les demandeurs à se détourner des modes de transport les plus polluants. Or ce n’est pas toujours facile !

Les nouvelles modalités d’application de l’écotaxe permettront également de préserver les ressources dégagées initialement pour financer les infrastructures de transport par l’intermédiaire de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Je tiens à saluer l’accord atteint en CMP, permettant de réintroduire une mesure que le groupe UMP avait défendue, à savoir l’exonération des « véhicules, propriété de l’État ou d’une collectivité locale, affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes ». Il s’agit d’une disposition de l’article 6 ter.

Je salue également le geste accompli en faveur des collecteurs de lait : en tant que sénateur du premier département laitier français, je ne peux pas être totalement insensible à cette question, monsieur le ministre ! Cela étant, vous auriez dû aller beaucoup plus loin. En effet, le lait c’est une chose, mais la prise en compte de la viande et des légumes aurait été préférable encore !

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