Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 avril 2013 à 9h30
Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur de son travail consensuel et M. le ministre de cette capacité d'écoute que nous nous plaisons toujours à lui reconnaître.

Les objectifs de l’écotaxe poids lourds sont louables et légitimes – et bien sûr, nous les soutenons – pour favoriser le report modal et de financer de nouvelles infrastructures de transport. Cependant, les débats autour de l’application de cette écotaxe font apparaître certains doutes et certaines craintes concernant ses effets sur la compétitivité de notre économie, et notamment sur le secteur de l’agro-alimentaire.

Monsieur le ministre, ces préoccupations sont encore plus vives dans les territoires ruraux, pénalisés par l’absence d’alternatives efficaces à la route, comme le rappelait en première lecture mon collègue Alain Bertrand. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions déposé un certain nombre d’amendements visant à minorer la taxe dans les territoires enclavés.

La question des territoires dans lesquels seule la route permet le désenclavement est en effet systématiquement éludée. Évidemment, dans les régions où l’on bénéficie de routes à quatre voies, d’autoroutes, d’aéroports, de trains à grande vitesse et de fret ferroviaire, on fait face à une situation tout à fait différente ! On peut alors déclamer sur la transition énergétique et sur beaucoup d’autres choses !

Mais en l’absence d’alternative à la route, l’écotaxe sera systématiquement répercutée vers le consommateur final, qui paiera pour un choix qu’il n’aura pas lui-même effectué, ce dernier relevant bien de l’entreprise qui privilégiera en toute logique la route, plus compétitive dans ces cas-là que le fret ferroviaire, trop délaissé.

Pour citer une étude commandée par la SNCF au cabinet Bain & Company, l’écart de prix en Europe entre le mode routier et le fret ferroviaire serait d’environ 25 %, et le déficit du fret ferroviaire pourrait atteindre 5 milliards d’euros en cinq ans. Le rapport prévu par le projet de loi, portant sur les effets de la majoration sur les prix de transport des produits de grande consommation, pourra nous éclairer sur ce point.

Avec ce texte, nous allons adopter des minorations et des exonérations alors qu’aucune expérimentation n’a finalement eu lieu. Les deux exonérations de véhicules, et notamment celle qui concerne les véhicules de ramassage laitier – c’est d’ailleurs une bonne chose pour les producteurs de lait –, révèlent l’absence d’alternative à la route dont vont souffrir certains secteurs de l’économie.

Je me satisfais partiellement de la possibilité de revoir ultérieurement la liste des tronçons de route taxables. J’ai entendu mon collègue Joël Labbé dire qu’il faudrait que toutes les routes le soient ! Il est facile de demander cela depuis une région desservie par tous les modes de transport, alors que, dans certaines régions, il n’existe que des routes nationales où l’on passe à 30 kilomètres à l’heure… Je pense qu’il faudrait enfin s’occuper de l’égalité territoriale ! Il me semble d’ailleurs qu’un ministère en est chargé, encore que je n’aie pas entendu jusqu’ici beaucoup de propositions. Cela étant rappelé, la révision de la liste devra se faire selon la procédure même qui a présidé à son établissement ; j’espère donc que la consultation sera réelle, car ce retour est essentiel.

Je constate, monsieur le ministre, que la région Auvergne, chère à mon cœur, ne bénéficie ni de la minoration de 30 % ni de celle de 50 %, accordées à certaines autres régions. Peut-être est-elle plus proche des autres régions européennes que la Bretagne historique, peut-être n’est-elle pas périphérique… Mais elle reste, hélas ! la région la plus enclavée et donc la plus exposée à l’application de la taxe.

Il y a malheureusement là un manque de cohérence de l’exécutif : bien que défavorable au relèvement de la minoration applicable à ces régions, il a fini par céder, alors que, si l’on en croit les travaux de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le taux régional applicable à la Bretagne dans la répercussion de la taxe tenait bien compte de la minoration, puisqu’il a été établi à 3, 3 %, au lieu de 5, 5 %. Il semblerait que nous ne disposions pas des mêmes forces de persuasion – je n’ose parler de « forces de dissuasion », même si l’on peut y penser…

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