Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 18 avril 2013 à 9h30
Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports — Article 11 bis

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Aux termes de cet article, le Gouvernement doit transmettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport analysant les conséquences de la réglementation relative à la circulation des poids lourds de 40 à 44 tonnes sur le territoire.

Si nous sommes favorables à une telle évaluation, nous pensons qu’il aurait été opportun de la mener avant de généraliser cette autorisation de circulation à tous les secteurs d’activité sur tout le territoire.

En effet, alors que nous dénonçons depuis plusieurs années l’incompatibilité de la circulation des poids lourds de 44 tonnes avec les objectifs du Grenelle de l’environnement, un décret du 4 décembre 2012 signé par Mme Batho et par vous-même, monsieur le ministre, généralisant la circulation des véhicules de 44 tonnes, est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Or le décret du 17 janvier 2011 n’autorisait la circulation de ces véhicules que pour les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et à partir de 2014 pour les autres secteurs.

Pourquoi ne pas avoir demandé une étude préalable afin d’évaluer l’impact environnemental et socio-économique, les coûts ou les gains pour la collectivité nationale, les effets sur les émissions de dioxyde de carbone et les impacts sur les chaussées ?

Il est vrai que, à première vue, charger un peu plus les poids lourds en leur donnant la possibilité de passer à 44 tonnes peut paraître écologiquement logique. Si l’on transporte plus de marchandises par camion, on réduit leur nombre, mais nous savons depuis de nombreuses années que c’est une fausse bonne idée ; pire, une véritable hypocrisie !

En effet, la circulation des poids lourds de 44 tonnes entraîne une détérioration plus rapide des routes. Dans un rapport de 2011, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a estimé le surcoût lié à l’entretien des routes entre 400 et 500 millions d’euros par an, une somme d’autant plus importante que le budget consacré en 2013 à l’entretien du réseau routier national non concédé ne permet même pas d’assurer l’entretien et le maintien à niveau du réseau existant.

Notre autre motif de perplexité réside dans le fait que tous, sur quelque travée que nous siégions, nous avons affirmé la nécessité, pour répondre aux objectifs du Grenelle de l’environnement, de favoriser le report modal de la route vers le ferroviaire en développant des autoroutes ferroviaires. Or comment peut-on souscrire à ces objectifs tout en élargissant une autorisation qui est en totale contradiction avec les finalités des autoroutes ferroviaires ?

Toutes les études réalisées, y compris au plan européen, démontrent que l’augmentation de la charge des poids lourds, en conférant au transport routier un avantage compétitif supplémentaire, provoque une perte de trafic des modes alternatifs plus vertueux. La généralisation du trafic des 44 tonnes est donc bien une mesure contraire aux grandes orientations fixées par les lois « Grenelle » en matière de transports.

Enfin, les coûts externes du transport routier sont aujourd’hui estimés à plus de 80 milliards d’euros : cette somme correspond aux embouteillages, aux nuisances sonores et environnementales ainsi qu’à la dégradation des chaussées et des ouvrages d’art, dont la charge de l’entretien pèse sur l’État et, de plus en plus, sur les collectivités territoriales ; sans compter que les routes à très fort trafic de camions deviennent, comme la route Centre-Europe – Atlantique, la RCEA, que je connais très bien, particulièrement accidentogènes.

Enfin, je vous rappelle que le transport est en France le seul secteur dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent, en raison de la croissance rapide des émissions du transport routier ; celui-ci représente encore 90 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports et plus d’un quart de ces émissions sont le fait des poids lourds.

Dans ces conditions, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que le Gouvernement semble attaché aux enjeux environnementaux, une étude contradictoire n’a pas été commandée avant la généralisation de l’autorisation des 44 tonnes.

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