Intervention de Bernard Piras

Réunion du 11 octobre 2006 à 21h30
Secteur de l'énergie — Question préalable

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Sage précaution que vous avez abandonnée et qui aura pour conséquence la hausse de la facture énergétique des ménages, et ce d'autant plus que vous privatisez GDF, alors que rien, aujourd'hui, ne vous y oblige.

Les raisons de l'abandon d'un tel projet de privatisation sont si nombreuses qu'elles rendent la poursuite d'un tel débat déplacé. Je vais brièvement en évoquer les principales.

La motivation originelle de cette privatisation, à savoir l'OPA d'Enel sur Suez, n'était qu'un prétexte. Il est notoire que cette fusion était déjà évoquée en coulisse depuis plusieurs mois. Le recours à cet alibi est plus que douteux.

Une motivation avancée par la suite, à savoir la taille critique de GDF, laisse perplexe, étant donné le faible apport en actifs gaziers auquel conduit la fusion, l'absence de réel projet industriel à la clé et les cessions exigées par l'Union européenne. Le nouveau groupe fusionné ne contribuera pas à accroître la force de négociation en matière de prix d'achat du gaz.

Enfin, faut-il à nouveau souligner la remise en cause de la parole d'un ministre d'État - donc de l'État -, à savoir celle de Nicolas Sarkozy ? En 2004, lors du débat sur le statut d'EDF-GDF, ce dernier avait promis de manière solennelle que l'État ne descendrait jamais en dessous de 70 % de participation. Comment croire, aujourd'hui, à votre engagement du maintien d'une minorité de blocage à 34 % ?

Par ailleurs, la précipitation dans ce dossier est indéniable. Il est demandé aux parlementaires de donner un blanc-seing à une privatisation, prémices d'une fusion, alors que, d'une part, nous ne connaîtrons réellement qu'en novembre les cessions d'actifs exigées par Bruxelles, lesquelles risquent d'être massives, et que, d'autre part, les conditions financières de cette fusion ne sont pas encore publiques à ce jour. Le passé ne peut que nous inciter à ne pas vous faire confiance !

En outre, les garanties données sont illusoires. L'action spécifique ne permettra pas à l'État de décider de la stratégie et de l'orientation de l'entreprise dans un sens conforme à l'intérêt général, ni de maîtriser les tarifs. Sur un plan juridique, les actions spécifiques apparaissent très incertaines quant à leur validité, donc à leur efficacité.

Loin de renforcer GDF, ce projet va, en revanche, affaiblir EDF, en lui imposant un concurrent.

Conscients qu'ils vont faire les frais de cette fusion - les actionnaires ne manquant pas d'exiger une recherche permanente de synergie et d'optimisation financière -, l'ensemble des syndicats et la quasi-totalité des salariés sont, bien entendu, opposés à cette fusion.

Il est impossible de prétendre que le groupe créé pourra nouer des alliances par la suite, tout en assurant maintenir un taux de blocage de 34 %. Ces deux engagements sont incompatibles.

De même, ce projet de fusion, par la disparition du capital public majoritaire, renforce les risques d'une future OPA inamicale.

Ce projet de privatisation pose également des questions juridiques lourdes de conséquences, auxquelles il aurait été préférable d'apporter une réponse avant de s'engager.

GDF peut-il perdre son statut de service public national afin d'être privatisé ?

GDF privatisé peut-il garder son monopole actuel sur les concessions de distributions publiques de gaz ?

GDF privatisé peut-il garder la propriété des actifs de transport ?

J'arrête là cette énumération qui souligne la mauvaise foi, le défaut de clairvoyance et de scrupule, le manque de parole et l'aveuglement de ce Gouvernement. Sur tous ces points et sur tous ceux que je n'ai pas le temps d'aborder ici, ce dernier n'a pas apporté de réponse ou d'argument contradictoire sérieux. Je doute sincèrement que le débat qui va se dérouler au Sénat nous rassure sur ces légitimes et préoccupantes interrogations.

Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi.

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